Jean Markale : Bréviaire noirs pour les temps

Alors, que faire ? Devenir végétarien ? Un certain Adolf Hitler l’était, et cela n’a pas donné les résultats escomptés par certains théoriciens naturistes qui prétendent que le végétarisme rend pacifique. Manger de tout ? Illusion, pure illusion : il faut se rendre à l’évidence que nous devons manger avant tout ce qui est spécifique au pays où nous vivons. Cela rentre parfaitement dans le cadre de la lutte pour le droit à la différence. Il ne faut se laisser imposer par personne sa façon de manger, au même titre que sa façon de penser ou de faire l’amour. Il y a eu assez de tyrans pour nous enseigner « le bon choix ». Comme si quelque roitelet qui se prend pour un empe­reur du monde pouvait, sans arrière-pensée de domina­tion, enseigner un quelconque « bon choix » ?. Le choix, il est en nous, comme le Graal. Il suffit de le réveiller s’il s’est endormi. Notre époque est celle de la fuite devant les responsabilités. C’est rassurant de ne pas être res­ponsable, c’est rassurant d’être conseillé par un person­nage qui joue le rôle d’un père. Soyons adultes, que Diable… Le monde crève sous des puérilités que même des enfants désavoueraient.

Jean Markale : La fontaine magique

C’est dire l’importance de la source dans le nemeton. Il s’agit d’un point où convergent toutes les forces du monde et de l’Autre Monde. Là, le prêtre ou le mage, en tous cas celui qui sait s’emparer de ces forces, peut connaître tous les secrets de la vie et de la mort et agir sur le déroulement des événements. Les trois éléments, Ciel, Terre et Eau, qui sont les seuls éléments permanents, seront alors transformés provisoirement, d’une façon toute transitoire, en ce qu’on a coutume de nommer le quatrième élément, le Feu, symbole de l’Esprit se manifestant et créant, l’un n’allant pas sans l’autre puisque toute création implique une incarnation et que toute manifestation requiert l’apparition d’un contraire grâce auquel l’être prend conscience de son existence.

Jean Markale : Un druidisme actuel est-il possible ?

Dieu — peu importe le nom ou le sexe qu’on lui donne — est gênant. C’est la raison pour laquelle on l’enferme dans des sanctuaires. C’est la raison pour laquelle on a établi la distinction entre la vie religieuse et la vie profane. Il faut bien dire que Dieu est devenu gênant parce qu’on s’en est servi abondamment pour lui faire dire ce qu’il n’avait pas dit, pour opprimer tant et plus au nom du Ciel. Toutes les Eglises, toutes les religions institutionnalisées portent, dans ce domaine, une responsabilité accablante. Mais le fait est là : on a coupé l’être humain en deux, et il ne s’en est pas remis.

Jean Markale : Entre terre et grandes landes

Il semble bien qu’autrefois on était ouvert sur les choses. Depuis, l’homme classique, cerné dans les étaux d’une raison abstraite, a oublié que l’Esprit ne peut s’exprimer que par la chair, et que cette chair est issue des minéraux de la terre et de l’eau du ciel. A force de nier la chair, on en est venu à nier l’Amour. Et à oublier que la seule façon d’assurer notre dignité humaine est d’atteindre à l’amour universel des êtres et des choses.

Jean Markale : Vivre le paganisme

En fait le paganisme n’est jamais mort, puisqu’à partir du moment où le christianisme vainqueur a cru l’éliminer, il est demeuré comme un substrat, comme une pensée parallèle, toujours prête à surgir de l’inconscient. Le paganisme, ce n’est pas l’absence de Dieu, l’absence de sacré, l’absence de rituel. Bien au contraire, c’est à partir de la constatation que le sacré n’est plus dans le christianisme, l’affirmation solennelle d’une transcendance.

Jean Markale : L'itinéraire spirituel de l'occident : Du druidisme au christianisme

Cela dit, il importe de savoir ce qu’était exactement le druidisme et à quelle expérience spirituelle il pouvait correspondre. Le terme de druidisme est assez récent : il ne fait que recouvrir d’un nom l’organisation, le rituel et le dogme d’une religion qui était celle de tous les peuples celtes, au premier siècle avant notre ère, sur l’ensemble des territoires qu’ils occupaient, Gaule, île de Bretagne, Irlande, nord-ouest de l’Espagne, différents points de l’Europe centrale et royaume des Galates dans la Turquie actuelle, c’est-à-dire partout où l’on parlait une langue celtique. L’organisation druidique est nettement indo-européenne. Le rituel et le dogme, pour ce qu’on peut en savoir, le sont beaucoup moins : tout se passe comme si le druidisme avait, selon des modes de pensée indo-européens, opéré une synthèse entre les différentes religions des peuples autochtones soumis par les Celtes et codifié celles-ci jusqu’à parvenir à une doctrine cohérente et à un culte sinon unique, du moins de type universaliste.