Gustav Meyrink : Mon éveil à la voyance

Ayant appris que l’expérience vivante ne se trouve pas dans les livres morts, je me mis à la recherche d’hommes susceptibles de me donner quelque conseil. Le maître camouflé de mon destin prit l’initiative de m’en donner l’occasion : il réussit à me faire entrer en contact de la manière la plus curieuse avec des gens intéressants, pour la plupart des étrangers, des Asiatiques, — car en Allemagne, qui aurait bien pu posséder quelque expérience dans le domaine de l’occultisme ? — des voyants, de vrais et de faux prophètes, des extatiques et des médiums. Des « Loges occultes » plus ou moins secrètes, anciennes et nouvelles, me furent ouvertes. Et chaque fois au bout de quelques années, je les quittais sans en avoir été entamé, après la même expérience : rien ici non plus ! du temps perdu ! …

Sacha Nacht : Une rencontre privilégiée

Le « conscient » — ou ce que nous nommons ainsi par opposi­tion à l’inconscient — ne se construit que par son contact avec l’ex­térieur. Il reflète, par définition, ce qui est mouvant et changeant, et c’est pourquoi notre « courant mental » est aussi mouvant et changeant que la réalité extérieure. Si le seul destin de l’homme était de se laisser entraîner dans le flot du devenir, avec ce mi­nimum de liberté que lui laissent ses propres instincts, combien irrémédiablement pitoyable nous apparaîtrait sa condition ! Mais Roger Godel m’a appris comment l’homme pouvait, au plus pro­fond de lui-même, jeter l’ancre dans le port où se tient, tran­quille et sûre, l’immuable vérité.

Dominique Bertrand : Le cercle sonore

Tout au long de l’improvisation collective, de nombreux phénomènes de communication subtile surviennent, qu’il est difficile d’analyser. C’est en effet une expérience de la simultanéité que le langage, diachronique par nature, ne peut saisir sans émietter. Dans l’acte collectif, la frontière entre « moi » et « l’ensemble » s’efface pour un temps. Le déploiement sonore est doué d’une vie propre qui n’appartient à personne, et dont pourtant chacun est responsable ; cette vie-là, à la fois une et multiple, venant en même temps du fond de soi et d’ailleurs, est manifestation tangible de la globalité « qui est plus que l’ensemble de ses parties ».

Michel Triet : Échos d'ailleurs

Et soudain, stupéfait, j’ai la révélation : je n’ai envie de rien. Pas la moindre envie d’avoir, de connaître ; pas le moin­dre désir, le moindre souhait, le moindre espoir. Je n’ai pas faim, je n’ai pas soif. Je n’ai besoin de rien, je suis plein. Quel étonnement de vivre ce bonheur comme étant solidaire du détachement. Tout est là et j’ai tout. Quelle merveille !

Vincent Bardet : Comment le Zen est entré dans ma vie

Je détenais la preuve expérimentale de l’existence du corps de vacuité, du corps de jouissance, dénommé également corps glorieux ou corps subtil (dont la faculté psi, étudiée par les parapsychologues, est l’une des fonctions) et enfin du corps physique, de peau et de chair, de nerfs et d’os, sans compter ses milliards de neurones. Et j’avais l’impression que le second « travaillait » le troisième pour le rendre réceptif à l’énergie du premier. Je pouvais dès lors décoder la plupart des messages considérés comme ésotériques, véhiculés par les traditions spirituelles de l’humanité. Surtout, j’entrais inconsciemment dans le sentier du bodhisattva (Être éveillé, engagé à sauver tous les êtres), respirant largement au sein du cosmos car, comme dit le poète : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre. »

D.E. Harding : Vision

Une tranquillité singulière, une sorte anormale d’alerte légèreté ou d’impotence me submergea. La raison, l’imagination, toute agitation mentale s’évanouirent. Pour une fois les mots manquèrent. Le passé et l’avenir avaient disparu. J’oubliai qui j’étais, ce que j’étais, mon nom, ma nature humaine, animale, tout ce que je pouvais appeler mien. C’était comme si à cet instant je venais de naître, refait à neuf, sans pensée, innocent de tout souvenir. Seul existait le Maintenant, ce moment présent et ce qu’il contenait clairement.

Michel Jourdan : Les chemins de la montagne

Faut-il suivre les chemins ou ouvrir de nouveaux chemins ? Que ceux qui se disent « contemplateurs du réel » bien à l’abri dans la schizophrénie du milieu urbain, aient durant quelques mois une vie en plein dans la matière, en corps à corps avec la réalité du vent, de la pluie et du soleil. Les arbres des haies torturés chaque année par la serpe des hommes. Le réel est le nirvana, la vie ordinaire c’est la vie divine mais nous ne le savons pas…

Luc Houssard : Le cactus sacré

Si pour moi le peyote fut toujours une plante somme toute assez neutre quant aux effets que j’en obtiens, chez les Indiens qui l’utilisent, son importance est par contre fondamentale. Diverses tribus le consomment rituellement aux États-Unis et surtout au Mexique où il tient un rôle central dans la vie des Huicholes, des Tarahumaras et, à un degré moindre, des Coras.

Madeleine Langevin : Notre première rencontre avec Sri Anandamayi Ma juillet 1963

Toute de blanc vêtue celle-ci est assise aux pieds de son lit. Elle s’y installera plus tard. Ses traits sont harmonieux et beaux. Ses yeux sont très enfoncés dans leurs orbites, on a du mal à les distinguer, quoiqu’ils brillent d’un éclat très doux. Le regard n’est pas dirigé vers le monde extérieur, il a quelque chose de douloureux. Mais elle est souriante, simple, même amicale. Tout en la voyant là, parmi nous, j’ai l’impression qu’en réalité elle n’y est guère. Elle parle, mais elle n’est pas entièrement dans ce qu’elle dit.