Dominique Dussaussoy : Le souffle et le miroir

De la préhistoire la plus reculée à nos jours, jamais, dans aucune culture, cette foi en la puissance musicale ne s’est affaiblie. Les chamanes sibériens battent tou­jours le tambour sur cadre et les Indiens entonnent leurs chants du peyotl. Partout, on fait de la musique. Pour élever l’âme, exalter les émotions, bercer, charmer, mar­cher, danser, travailler, rêver. Et chacun saisit intuitive­ment que ce pouvoir musical est le plus grand qui soit, le pouvoir même du verbe : le pouvoir de créer.

Pierre Schaeffer : Dialogue apocryphe avec Monsieur Gurdjieff

Quelqu’un lui a demandé un jour d’où venait cette musique. Il n’a pas répondu mais indiqué qu’elle venait, bien entendu, du même lieu que des danses, et que c’est grâce à la mémoire des mouvements qu’il s’était souvenu de la musique. La raison qu’il donne est cette correspon­dance mathématique, ces fameuses lois. Moi je veux bien, mais je crois, plus simplement, qu’il est comme tout vir­tuose : sa mémoire musicale est désor­mais dans ses muscles. Un pianiste joue Chopin sans avoir besoin de se remé­morer. La partition est dans le corps.

Beethoven, Bach, Mozart, ou... Rosemary Brown ? Un reportage de Joël André

Liszt. Chopin, Schubert, Beethoven, Bach et Mozart, Schumann, Berlioz, Brahms, Rachmaninov, Grieg, Debussy et Stravinsky. La mort a-t-elle vraiment mis fin à l’activité créatrice de ces treize compositeurs ? Sont-ils, au contraire, à l’origine des œuvres musicales que produit par centaines, depuis 1964, le médium britannique Rosemary Brown (1916-2001) ? Dérision, indifférence, méfiance. Enquêtes. Expertises, recours à l’ordinateur. Et peu à peu, à partir de 1968, une partie de la presse et de la critique musicale se font à l’idée que cette « musique de l’au-delà » pourrait bien être authentique. Car il ne s’agit pas d’expertes imitations — Rosemary Brown a d’ailleurs une formation musicale très rudimentaire — mais d’œuvres entièrement originales. Ce que l’on décèle, ce n’est pas seulement le « style » d’un Liszt, d’un Chopin ou d’un Rachmaninov, mais leur intuition et leur démarche créatrices mêmes…

Alain Brêthes : Des musiques pour communiquer avec soi-même

La plupart de ces musiciens développent un type de musique susceptible de cicatriser les plaies occasionnées par les bruits discordants de notre société, la course effrénée vers un idéal douteux, le matérialisme et l’intellectualisme outranciers, signes évidents d’une société malade en totale disharmonie avec les lois naturelles de l’univers.

A.-M. Cocagnac : De la pop-music au grégorien

Descendre dans l’abîme du son n’est pas une aventure extérieure. C’est une plongée dans l’espace intime du cœur. Tout ce que l’homme refoule et, bien au-delà, tout ce qu’il ne peut atteindre par la petite échelle du langage interne s’ouvre brusquement devant lui comme le gouffre sous les pieds d’un spéléologue à bout de corde. Le son apparaît alors non plus comme une vibration mesurable mais comme la tentation d’un voyage au plus profond de l’âme. Il y a tout lieu de croire, de craindre, que ce voyage soit sans retour.

Iegor Reznikoff : Entrer dans la résonance... pour une écologie de la musique

Dans l’expression musique sacrée, le terme sacré est le plus important, la musique vient après. L’art sacré n’est pas un art en soi ; c’est un art fonctionnel, l’outil par excellence pour aider à la prière, pour entrer dans le monde de l’esprit, par définition difficile à aborder. Mais un outil de beauté, de cette beauté platonicienne qui aide à la contemplation. Alors que l’architecture romane influe par ses volumes, et l’icône par ses lignes et la vision, le son agit directement sur tout le corps, extérieur et intérieur, par la vibration. Le son fait vibrer la colonne vertébrale, la poitrine, la gorge, la région frontale, le sommet de la tête, tous ces lieux contemplatifs, ces lieux de la conscience profonde, qui constituent le corps contemplatif ou encore le corps de lumière.

Georges Becker : L'âme du contrepoint ou le chant des sphères

Voyez aussi ce qu’on appelle un dialogue : en fait, chaque phrase répond à une autre et ne saurait se mélanger avec la précédente. Les concepts dont est fait le discours se suivent, mais ne se mélangent pas. La clarté que nous exigeons de nos raisonnements veut que nous allions pas à pas. […] Mais justement, la musique polyphonique nous donne une image de ce que serait une autre forme de pensée.

Jacques Becker : Les modes de la musique indienne

Contrairement à la musique occidentale que l’on pourrait qualifier de « Rajasique » (où la joie sensorielle prédomine) par le nombre de mutations harmoniques qui la caractérisent ou même « Tamasique » (dépourvue de tout sens artistique) dans le cas de certaines musiques actuelles atonales, cette musique est exclusivement « Sattvique », c’est-à-dire qu’elle oriente l’esprit vers une réalité au-delà des sens, par le biais d’une joie sensorielle, pour atteindre la sérénité.