Joël Thomas : Sénèque et la Bhagavad Gita
[…] il est sans doute plus intéressant de remarquer que les convergences entre les deux messages sont tout à fait étonnantes. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à une approche fondamentale, sur le plan métaphysique et ontologique, et la comparaison des deux œuvres se révèle, sur ce plan, en elle-même heuristique : elle leur permet de vivifier mutuellement leur contenu spirituel. Il n’est plus question de mettre en évidence une influence directe. Sénèque et la Bhagavad Gita en arrivent à une introspection si poussée, un regard si dessillant dans l’analyse de l’être et de son devenir, que leurs démarches se rencontrent, non parce que l’un imite l’autre, mais parce que, dans le cadre de cette « logique » métaphysique, il ne pouvait pas en être autrement. On voit ce que le rapprochement peut avoir d’important, en particulier pour la pensée de Sénèque, « encombrée », comme nous le voyions, de tout un poids de perceptions affectives, de particularismes liés à son psychisme, par rapport à la Bhagavad Gita, anonyme, et donc plus « éthérée ».