Tout le drame humain réside dans la lutte des hommes contre leur propre essence, lorsqu’en tant qu’expressions de la vie, ils ne savent pas s’adapter à la vie. Cette lutte est la souffrance. La souffrance est le contraire de l’état naturel, car l’homme n’est pas comme un objet manufacturé qui ne peut se modifier lui-même, mais il possède en lui le moyen de s’adapter toujours à son essence, c’est-à-dire au sens positif de la vie. Ce moyen, il l’a grâce à un instrument, la conscience. La conscience, développée à son maximum, est l’instrument même au moyen duquel la vie se modifie elle-même, dans la race humaine. L’homme complètement conscient se modifie sans cesse, car au lieu de s’identifier à un objet — son entité — il s’identifie à la raison d’être de cet objet — la vie. Si à un moment donné il doit choisir entre la vie et lui (entre le poussin et la coquille) il optera pour la vie, sans qu’il lui en coûte, mais bien au contraire, parce qu’il y trouvera sa suprême joie. Son centre se déplacera et ira même jusqu’à voler en éclats. Cette identification constante avec la vie ne comporte pas, et ne peut pas comporter de souffrance. Un Dieu qui souffre n’est qu’un pauvre être inconscient, qui n’a pas su s’identifier à la vie. C’est un tel Dieu incapable, qu’adorent les Chrétiens…