Raymond Ruyer : Des fabricateurs de projets de société

(Extrait de Le Sceptique résolu 1979) Les « projets de société », ou utopie et réalisme Dans le domaine des réalisations techniques : une maison de campagne à construire, un canal à creuser, un débarquement d’hommes sur la lune, ou le débarquement des Alliés en Normandie, on part de l’idée du succès à obtenir, en […]

Carlo Suarès : L'évolution du subjectif dans la nature

La naissance de la liberté, est la naissance de ca­ractères isolés, individuels, qui affranchissent le sujet des réactions rigoureusement déterminées de l’espèce. Cela ne veut dire aucunement que ces réactions individuelles ne sont pas déterminées, mais elles le sont par des causes qui sont devenues individuelles. Ce je se met à avoir des réactions qui lui sont propres, il devient à lui tout seul une nou­velle espèce. Mais du fait qu’il s’applique dès lors à protéger et à faire durer son équilibre, (son je, ses réactions particulières), il s’oppose à l’équilibre plus général qu’il désire atteindre, il s’oppose à sa propre essence, et sa liberté devient cela même: qui l’enchaîne.

Carlo Suarès : Le «quelque chose» et les objets

Tout le drame humain réside dans la lutte des hommes contre leur propre essence, lorsqu’en tant qu’expressions de la vie, ils ne savent pas s’adapter à la vie. Cette lutte est la souffrance. La souffrance est le contraire de l’état naturel, car l’homme n’est pas comme un objet manufacturé qui ne peut se modifier lui-même, mais il possède en lui le moyen de s’adapter toujours à son essence, c’est-à-dire au sens positif de la vie. Ce moyen, il l’a grâce à un instrument, la conscience. La conscience, développée à son maximum, est l’instrument même au moyen duquel la vie se modifie elle-même, dans la race humaine. L’homme com­plètement conscient se modifie sans cesse, car au lieu de s’identifier à un objet — son entité — il s’identifie à la raison d’être de cet objet — la vie. Si à un moment donné il doit choisir entre la vie et lui (entre le poussin et la coquille) il optera pour la vie, sans qu’il lui en coûte, mais bien au contraire, parce qu’il y trouvera sa suprême joie. Son centre se déplacera et ira même jusqu’à voler en éclats. Cette identification constante avec la vie ne comporte pas, et ne peut pas comporter de souffrance. Un Dieu qui souffre n’est qu’un pauvre être inconscient, qui n’a pas su s’identifier à la vie. C’est un tel Dieu inca­pable, qu’adorent les Chrétiens…

M. Lorenzini de Buttafoco : Spiritualisme et matérialisme dialectique

On saisit bien que, pour le matérialiste ce qui est à atteindre, la perfection ou « l’homme total », est une maturation de l’homme. Ce n’est pas quelque chose d’indépendant de lui, posé une fois pour toutes au-dessus de lui. Pour le matérialiste cela est l’homme même conditionnant son propre dépassement, mais non pas une perfection assise sur un trône et montrée comme un but métaphysique, c’est-à-dire différent de l’homme, de son propre être physique, de sa propre nature d’homme, une chose « Parfaite », toute faite, « immobile et donnée » une fois pour toutes. Or, nous qui sommes cependant Spiritualistes, nous ne disons (on le voit) pas non plus cela: « Ce qui est » n’est pas, en réalité, une chose posée au dehors que la conscience aurait à atteindre. Ce qui est, c’est nous, mais en tant qu’être non encore achevé.