François Reingold : Pour une pédagogie du non-savoir

Au même moment en effet, les systèmes techniques, économiques, scientifiques abandonnent progressivement aux machines programmées l’exercice du raisonnement binaire dans leurs opérations les plus com­plexes : analyses complètes des données, synthèses, critiques, corrections, auto-reprogrammations. L’esprit humain se voit confronté dans tous les domaines à l’obligation d’une pensée ternaire qui consiste pour l’essentiel à intégrer aux éléments d’un raisonnement binaire la donnée complémen­taire et extérieure d’un concept ou d’un système englobant.

Michel Paillou : Qu'est-ce donc la pédagogie ?

Cette pédagogie, dans laquelle on parlerait « d’attracteurs », d’« é­tats », d’« espace d’état », de « processus de concrétisation », de « synergie fonctionnelle », de « progrès mineur continu » ou « progrès majeur discontinu », prendrait une curieuse allure. Elle deviendrait une nouvelle science. Se pourrait-il qu’on la démontre, un jour, pédago-dynamique quantique ou quelque chose d’analogue ? Conserverait-elle, ainsi que cela s’est passé en physique, la pédagogie actuelle voire même ancienne à titre de « cas particuliers » ? Cela permettrait-il à chacun de sortir de la dualité plus ou moins, inférieur ou supérieur, et de se reconnaître enfin complémentaire ? Cette pédagogie permettrait-elle d’établir des sous-systèmes plus simples et efficaces, pouvant être appliqués avec profit dans les pays du tiers monde ? Saurions-nous enfin ce que nous faisons et où nous allons en pédagogie ?

André Préau : L'infini

Ce sont ces notes de grandeur, d’unité et de plénitude qui font de l’Infini l’Idée première par excellence. Étant le dernier fond, il est nécessaire; étant un, il est libre; conciliant l’ordre et la liberté, il est intelligent; sa plénitude étant parfaite, il peut être pure lumière et source universelle. Idée première et non exclusive, il est, comme René Guénon l’a bien vu, le mot-clef de la métaphysique, la réponse à la question : quel est le dernier fond ? ou : qu’est-ce que l’Ab­solu ? Les réponses, plus courantes, qu’on y a apportées, sont moins débordantes de sens et impliquent moins évidemment la transcen­dance de l’Absolu : l’Un, qui risque d’être entendu comme un chaos ou une confusion, d’où l’accusation — si fréquente, car trop facile — de panthéisme; — Dieu (Dyaus, le Ciel, ou le Seigneur céleste), menacé par l’immanence dans le devenir, comme on ne le voit que trop aujourd’hui; l’Être, mal distingué de l’existence; — ou encore le Maximum de Nicolas de Cuse, qui évoque trop la possibilité d’une comparaison, et celle d’un point d’arrêt. Nous ne critiquons pas ces appellations, dont nous nous servons nous-même; mais il est nécessaire qu’elles laissent entrevoir, derrière elles, un Fond transcendant et illimité…

M. H. Gobert : Technique de la mémoire

DANS la vie quotidienne, dans la vie professionnelle et sur le plan intellectuel pur, la Mémoire, sous toutes ses formes, n’est pas simplement souhaitable, elle est absolument indispensable et l’élément premier de toute réussite. Dès le plus jeune âge, l’individu doit, sous peine d’exclusion de la vie sociale, s’adapter aux coutumes de son milieu, les faire siennes, les assimiler, réagir suivant un véritable code qui le classe comme être social, membre d’une société déterminée. Nous verrons que sans Mémoire il n’est pas d’habitude, ou, si l’on préfère, que l’habitude n’est qu’une sorte de Mémoire.

Michael Alwany : Je pense, donc je ne suis pas

Je veux comprendre. Je veux comprendre ma pensée. Pas le contenu de ma pensée, ce qu’est la pensée. Je pense à propos de ma pensée avec ma pensée. Comment, alors, puis-je, être objectif ? Évidemment, ce n’est pas si facile. De même qu’il m’est difficile d’être objectif à propos de ma colère quand je suis en colère, de même il m’est difficile d’être objectif à propos de ma pensée quand je pense. Je peux l’analyser, bien sûr. Cela je peux. Je pour­rais citer des philosophes et des psycho­logues par douzaines si je voulais en faire la recherche. Mais cela ne m’inté­resse pas. Je ne m’intéresse pas aux théories sur la pensée, sur ce que disent les autres sur la pensée, sur l’acte de penser. Je répète : je ne veux pas l’ana­lyser. Je veux l’expérimenter. Je veux la voir — comment ça marche, ce qui la met en marche, en quoi elle consiste. Qu’est-ce que c’est la pensée ? Qu’est-ce que ça veut dire, penser ?

Paroles recueillies

À l’instant même où l’objet du désir est obtenu surgit une brève explosion de joie intense dont la cause est attribuée à tort à l’objet désiré, qu’il s’agisse d’une chose, d’un être, d’une situation ou d’une réussite. Mais cette joie s’émousse, alors qu’on la voudrait perma­nente. La répétition des conditions qui, croit-on, l’ont initialement procurée, n’apporte plus la même intensité, la même saveur exaltante. Ainsi est-on amené à chercher une autre source de joie. Ainsi s’égare-t-on dans la dans la poursuite sans fin des êtres et des choses.

Micheline Flak : Le Yoga à l'école pour développer l'attention

Sous couvert de vitesse et de consommation passive les jeunes se sont laissés dépouiller du temps du rêve et de l’aptitude à inventer. Les enseignants ont beau faire : ils affrontent des enfants qui ne peuvent plus tenir en place et qui rappellent immanquablement l’image symbolique du singe ivre, évoquée dans les textes tibétains comme parangon du mental débridé. La sagesse traditionnelle, comme nous le ver­rons, a toujours insisté sur la nécessité de reconditionner l’attention avant de songer à restructurer les couches profondes de la person­nalité.

Jean Klein : Le motif de l'existence

Le véritable motif de notre existence est d’être le Soi, seule perspective contenant une promesse de joie, de liberté, de paix. Beaucoup de démarches tendent vers ce vécu et l’une plutôt que l’autre convient à notre tempérament, mais il faut que la voie adoptée vise ce vécu réel, qu’on ne perde pas de vue que le Soi n’est pas une expérience mentale, psychique.

René Faure : L'expérience du désert

Les êtres et les choses, les évènements de la vie, perçus isolément, fût-ce avec le meilleur esprit critique et de synthèse, laisse l’homme dans une sècheresse intérieure. Et il n’est pas mauvais qu’il fasse l’expérience de son désert intérieur, quelle que soit la manière dont il vit et comprend les choses qu’il vit. Jusqu’à ce qu’il y ait une accepta­tion, même inavouée, de ne pas comprendre. Non pas un refus de comprendre, mais une acceptation de ne pas comprendre…

Jean Klein : Un conflit ne peut éliminer un autre

L’instructeur, établi dans le silence, peut répondre de deux manières : soit par le silence, soit par une réponse qui — bien que verbale — prend la forme d’une autre question, plus adéquate pour le disciple et qui doit le conduire au silence, à la plénitude. La réponse qui nous laisse sur un plan mental n’est pas une réponse, elle nous fige et fausse la question posée, tandis que la réponse sous forme de question donne au questionneur la liberté d’aboutir par lui-même à la suprême et vraie réponse qui est silence.