Musluh-al-Dîn Saadi : Ode sur l'amour divin

J’ai exposé au médecin la situation de mon cœur et la folie de ses emportements ; les soucis, lui ai-je dit, ne permettent pas à mes yeux de se clore un seul instant de la nuit. Saadi, m’a-t-il répondu, le mal que tu éprouves est l’amour : ce sont des dou­leurs pour lesquelles je ne possède aucun remède.

Mohammad Iqbal : Prière

Nous Te cherchons et Tu es loin de nos yeux ; mais non, nous sommes aveugles, et Tu es présent. Ou bien écarte ce voile du mystère, ou bien enlève-nous cette âme privée de vision. L’arbre de mon esprit désespère de porter des feuilles et des fruits : envoie donc une hache, ou alors la brise du matin. Tu m’as donné la raison, donne-moi aussi la folie, montre-moi la voie de l’extase intérieure. La science demeure dans la pensée ; l’amour fait son nid dans le cœur vigilant. Si la science ne bénéficie pas de l’amour, elle n’est qu’un théâtre d’idées : ce spectacle n’est qu’une magie…

Houei-Neng : La réalisation

En cherchant à comprendre, il faut faire l’introspection de votre propre esprit, indépendamment des choses et des phéno­mènes. La distinction de ces quatre véhicules n’existe pas dans le dharma lui-même, mais dans la différenciation que fait l’esprit des gens. Voir, entendre et réciter le sûtra, c’est le petit véhicule. Connaître le dharma et comprendre sa signification, c’est le véhicule moyen. Mettre le dharma en pratique, c’est le grand véhicule. Comprendre à fond tous les dharmas, les avoir complè­tement en nous, être libre de tous attachements, être au-dessus des choses et des phénomènes et n’être en possession de rien, c’est le suprême véhicule.

Ruysbroeck l'admirable : Cantiques

Celui qui connaît la vérité et qui a la science de l’habitation intérieure, indépendant des amours et des douleurs de la terre, celui-là est heureux, et il est préservé du mal, tant que ses sens extérieurs sont recueillis sur la montagne. Jouir de Dieu ! ô joie des joies ! Quant à moi, suivant les conseils du sublime amour, j’ai si profondément pénétré les choses accidentelles, que j’ai trouvé la liberté et l’absolution des liens. Gloire à l’amour ! Il délivre de la misère, il affranchit de l’extérieur. Il fait don de la nudité, de la flamme et de la fusion.

Mu Ku Do Ku Ka Ku Nen Musho

C’est différent de Ku, c’est la totale vacuité où il n’y a plus rien du tout, au-delà de la sainteté et de la folie. Dans Ka ku nen musho, il n’y a ni sol ni plafond, ni plancher ni toit. Pas de dessous, pas de dessus, ni vent, ni porte du sud, de l’est, de l’ouest, du nord. Pas de tapis, pas d’étage, pas de colonne. Il n’y a ni bien ni mal, ni haine ni amour. Cela fait complètement partie du ciel pur, sans nuage, bleu, immense, infini. Il n’existe aucun point de rencontre, tout est infini. Ainsi est Ka ku nen musho. Cela est l’essence du Zen, au-delà de la sainteté et de la folie.

Olivier Clément : L'Église orthodoxe : L'Église des sept premiers conciles

Créé « à l’image de Dieu », l’homme est appelé à la « similitude », c’est-à-dire à une participation à la vie divine où son humanité ne s’abolit pas mais s’accomplit. La « grâce incréée », la « lumière thaborique », constitue, comme dit Maxime le Confesseur, « son origine, son milieu et sa fin ». La création de l’homme implique une sorte de retrait sacrificiel du Créateur dont la toute-puissance, culminant dans la surgie d’une autre liberté, se transforme en une vulnérabilité infinie car, disent les Pères, « Dieu peut tout, sauf contraindre l’homme à l’aimer ». Dans cet « espacement » mystérieux qui est celui de la liberté de l’homme et de l’amour divin crucifié, la grâce est cette « lumière de la vie », dont parle saint Jean, lumière que Dieu communique à l’homme pour peu que celui-ci, dans la liberté souveraine de la foi, découvre à travers le défiguré de Gethsémani, le Transfiguré du Thabor.

Anand Nayak : L'aurore des dieux en inde

Comment prie un hindou ? Que signifie pour lui prier ? Lorsqu’il se met en présence de Dieu, il ne se contente pas seulement de prier Dieu, mais de devenir un avec Lui : il baigne dans la gloire de Dieu, participe à la félicité divine ; il sent frissonner dans sa chair et dans son esprit l’énergie divine. Prier, c’est le sens du terme bhakti. Dieu est le Bhagavân, c’est-à-dire le bienheureux, celui qui jouit ; l’homme en prière est bhakta, celui qui prend part à Bhagavân ; la bhakti, c’est toute la relation entre le bhagavan et le bhakta, jouissance jusqu’à l’intime union.

Roland Rech : Zazen voie de l'autre rive

Les différents aspects de la pratique ne sont pas séparés. Il n’y a ni degré ni étape, et la pratique n’est pas un moyen, comme une échelle pour grimper jusqu’au ciel, ou un tabouret sur lequel on grimpe pour attraper un pot de confiture. L’esprit de tous les jours, la vie quotidienne sont la pratique de la Voie. Il n’est pas nécessaire de vouloir se couper du monde, de se séparer des autres. L’esprit du Zen, c’est la pratique avec les autres, au milieu de la souffrance du monde. La pratique elle-même crée une véritable métamorphose dans le corps et l’esprit du pratiquant et cette révolution intérieure influence tout l’environnement : quand l’esprit devient libre de ses attachements, tout l’environnement devient libre à son tour et chaque jour est un bon jour pour ceux qui pratiquent la Voie.

Pour le bien de tous les êtres

Deux moines voyageaient en bateau quand surgit une forte tempête. Le bateau fit naufrage. Le plus jeune des moines put s’agripper à une planche tandis que son aîné, sur le point de se noyer, lui demanda : « as-tu compris l’essence du Zen ? ». Alors le jeune moine, sans réfléchir lui lança sa planche. Il avait vraiment réalisé inconsciemment le non profit, le non égoïsme, essence du Zen Le conte dit que le Dieu de la mer, impressionné suscita une grande vague qui ramena les deux moines aux rivages.