Mircea Eliade : La méthode de Roger Godel

Toute l’œuvre de Roger Godel se laisserait analyser dans cette perspective, qu’on pourrait appeler d’intégration et d’articulation des connaissances restées, avant lui, isolées, limitées à leur propre plan de référence. En élargissant continuellement son champ d’investigation, le Docteur Godel est parvenu à saisir les structures, généralement inaccessibles au spécialiste. Sa démarche méthodologique dans l’étude du jivan-mukta est à la fois facilitée et validée par l’épistémologie et la méthodologie des sciences modernes. Et c’est parce qu’il avait compris la « situation impersonnelle » du délivré dans la vie, qu’il a réussi à situer Socrate dans une perspective tout à fait nouvelle.

Mircea Eliade : La nostalgie du paradis et la naissance de l’Amérique

Nous voyons ainsi comment le millénarisme des pionniers aboutit peu à peu à l’idée de progrès. La première étape consista à effectuer un rapprochement entre le paradis et les ressources terrestres du Nouveau Monde. A l’étape suivante, la tension eschatologique fut réduite par l’omission de la période de décadence et de misère qui était supposée précéder les « Derniers jours », et c’est ainsi qu’on en arriva finalement à l’idée d’une amélioration progressive et constante.

le Dr. C. Gattegno : Pour une éducation de la conscience mondiale

Éclairées par cette conscience mondiale, les éducations du passé, à tour de rôle universalistes, actives, analytiques, sociales, deviendront enrichies de l’humaine affectivité, l’ÉDUCATION HUMAINE, la seule ayant droit de cité maintenant et la seule qui ne forme pas les barbares modernes, exclusivistes de toute dénomination, la seule qui cadre avec l’émergence de l’homme dans l’Univers spatio-temporel plein d’humanité.

Roger Farney : Quelques considérations sur le Langage, l’Art et la Pensée

Mais la pensée ne se divise pas, ses éléments ne s’évanouissent pas; ils concourent tous à son évolution continue et se consultent encore en se mêlant pour se féconder mutuellement. Or les concepts accumulés ne se reconnaîtraient pas sans la mémoire, et la mémoire ne les retient que par le mot qui offre son symbole à l’idée à laquelle il permet de survivre. Le mathématicien qui pense en dehors de la réalité apparente et qui dénude les concepts à mesure qu’il les rationalise, économise son effort en un langage concentré que le philosophe essaye d’imiter, sans pouvoir éviter les définitions que la précision risque au contraire de prolonger au delà du champ permis à l’entendement. Il lui faudra pourtant les emporter avec lui avant de s’engager dans une méditation préparée, où les mots s’élargiront progressivement pour libérer la pensée pure dont ils auront été les auxiliaires nécessaires.

Le mandat céleste de l'homme primordial, un entretien avec Jean Hani

Le roi doit, sur un autre plan que l’autorité spirituelle, mais en accord avec elle, aider l’homme à réaliser sa destinée la plus haute. Et ceci va très loin : il s’agit, en principe tout au moins pour tous, et, à coup sûr, pour une élite, de permettre aux membres de la communauté d’atteindre l’état d’«homme parfait», c’est-à-dire, en somme, de récupérer, autant que faire se peut, l’état de l’homme primitif. Le sens final de la royauté, c’est ce qu’on peut appeler la «royauté intérieure» : l’homme est appelé à retrouver, je le répète, l’état primitif, dans lequel il était, par la volonté divine : «roi de la création», «roi du monde», appelé à régner sur le monde mais en régnant d’abord sur lui-même; c’est ce que l’on peut appeler son «mandat céleste».

Henri Atlan & Jean-Pierre Dupuy : Amour, violence, différences

La différence et la non-différence jouent un rôle clé dans l’œuvre et la pensée de René Girard. Il ne s’agit pas simplement de considérations théoriques sur l’origine de la société ou l’interprétation du message des Évangiles. Face à la violence de plus en plus généralisée du monde contemporain, ses réflexions débouchent sur des perspectives qui nous concernent tous. Henri Atlan et Jean-Pierre Dupuy les ont exposées et commentées au cours d’un débat organisé par l’AFCET (Association Française de Cybernétique Économique et Technique) en novembre 1978, dans le cadre du groupe « analyse de système » animé par Jean-Pierre Dupuy.

le Dr M. Engelson : L'Inversion

C’est là que réside la différence fondamentale entre l’ « animal » (qui ne « se voit pas », au sens métaphysique du terme, — qui n’a pas la « conscience de conscience »), entre l’ « homme » (qui « se voit dans le miroir », donc qui croit se voir, mais qui ne perçoit que son image inversée et, par conséquent, factice : « Maia », à laquelle il manque de surcroît une « dimension », du fait de l’inversion subie), enfin le « surhomme » (qui se voit en « réel », dans l’absolu, c’est-à-dire intérieurement, en lui-même, et non extérieurement dans un miroir), réalisant ce stade ultime d’inversion, dont Abellio a donné une si fulgurante analyse.

Du bon usage de l'Apocalypse. Un entretien avec Jean Biès

J’ai constaté depuis longtemps que de nombreux auteurs s’appliquaient à dénoncer l’époque que nous vivons, mais qu’il y en avait fort peu pour proposer des solutions à nos problèmes. Une fois admise la doctrine du temps cyclique situant l’humanité dans une phase inversée et caricaturale de son histoire, il s’est agi pour moi de répondre à la question: Que faire en une telle conjoncture, comment l’assumer aux moindres frais et souffrances possibles ?…

Hélène Barrère : L'éducation et le chemin de la sagesse, connaissance de la vie intérieure

Ceux qui soutiennent la notion d’incompatibilité entre la Sagesse et notre civilisation occidentale pensent que la Sagesse n’est pas adaptée à la modernité car elle ne peut se trouver que dans le retrait du monde. C’est faire peu de cas de la dimension de profondeur chez l’être humain ! Quand il veut se retirer du monde, l’homme peut aussi se « recentrer » en lui-même. Certes, il se doit d’être particulièrement vigilant aujourd’hui, car il n’a pas devant lui le modèle du « Sage », comme il a celui du « Businessman », de « l’athlète » ou du « Jeune cadre dynamique », tous tournés vers le monde extérieur… Mais on voit mal pourquoi l’occidental d’aujourd’hui ne pourrait pas tourner son regard à l’intérieur de lui-même !