Dominique Castreman : L'unité transcendante des religions c'est d'abord un état d'esprit

Les grandes traditions spirituelles, et aujourd’hui la science, évoquent l’existence d’une autre réalité que celle qui tombe directement sous le sens. Ces deux approches de la réalité nous acheminent aux confins des territoires objectivement observables, là où le sens de l’univers se déploie dans le vécu de notre conscience pour rayonner d’un sentiment intense d’unité intérieure et de participation cosmique.

A. David-Neel : Coup d'œil sur les écoles philosophiques tibétaines de la "Transmission orale" dites des "Doctrines secrètes"

Le salut bouddhique est hautement intellectuel. Il consiste à voir ce qui est au lieu de contempler des fantasmagories que nous construisons nous-mêmes. Lorsqu’ils préconisent la culture de la perspicacité, de la vue intense, les Docteurs des doctrines traditionnelles de la transmission orale sont donc en parfait accord avec la doctrine fondamentale du Bouddhisme. Les Maîtres des Écoles de la Tradition orale insistent sur le caractère instantané et essentiellement transitoire de tous les phénomènes. Ils enseignent aussi que les corps qui nous apparaissent comme étant solides sont, en réalité, composés de particules en mouvement. L’apparence de solidité et de durée est due à la rapidité prodigieuse avec laquelle les particules se meuvent.

René Fouéré : Krishnamurti, L'homme et sa pensée

En dépit de tous ses efforts vers une condition immuable, l’individu s’interroge avec angoisse. Cette chose immortelle qu’il désire, est-ce sa conscience banale ? Hélas ! Si fortement qu’il la veuille corseter, elle n’est que fluctuations. De plus le sommeil, la syncope lui imposent des éclipses évidentes. Il va chercher quelque chose d’invariable au-delà de ces mouvements incessants et de ces interruptions. Alors il imagine — ou plutôt on imagine pour lui — un noyau permanent et abstrait, une âme substantielle, dont la conscience vulgaire est l’expression intermittente. Et, avec l’âme, voici Dieu et ses interprètes infaillibles, les crédos et l’exploitation religieuse; tout cela est entretenu par la soif de l’immortalité individuelle. Voici la foi et la haine du doute, du doute qui crée le sentiment que le moi est un assemblage mal fait, incohérent et précaire. L’individu mécanisé s’endort dans son rêve de survie statique et de permanence…

Robert Linssen : Krishnamurti

Comment arriver à la réalisation de cet état d’être naturel, extatique dans lequel l’individuel s’est peu à peu transmué en l’universel ? Comment le réaliser sans la méditation ? C’est la question qui se posent à tous ceux qui ont lu Krishnamurti. Cette question n’a pas à se poser. Krishnamurti ne nous a jamais dit de ne pas méditer. Mais sa position vis à vis de la méditation est différente des attitudes classiques. Et nous en déduisons arbitrairement qu’il s’oppose à la méditation. Bien au contraire. Pour lui, la vie doit être une méditation constante. Son appel continuel à un éveil de tous les instants, à une lucidité intensément éveillée à chaque seconde n’est-il pas la preuve d’une attention continuelle accordée au Réel.

Serge Brisy : Peut-on définir le « moi » ?

Dès que l’être comprend le sens de la Vie et est harmonisé avec son essence il s’allège de tout ce qui l’illusionne, jusqu’à devenir d’une transparence telle, qu’il n’existe plus en tant que « moi » séparé. Canal parfait de la Vie, il ne dresse plus devant elle aucun obstacle personnel. C’est à ce moment qu’il est « sans égo », c.-à-d. sans obstacle. Ayant tué en lui tout égoïsme, il exprime naturellement le Divin, dont il n’est plus que l’expression parfaite.

Maurice Schaerer : Krishnamurti

Pour trouver la vraie valeur d’une pensée, d’un acte, d’un désir, Krishnamurti ne donne aucun étalon de valeur, ne donne aucune doctrine, aucun idéal à poursuivre ; il renvoie l’individu à lui-même, il le fait seul juge par son sentiment de ses actes et de ses aspirations. « Si vous êtes capable d’aller au fond et de discerner ce qui est faux, l’esprit n’est plus un champ de bataille d’idées contradictoires, vous trouvez la vraie contemplation, la joie de la pensée s’éveille. »

Momies ou Individus? Par Ludovic Réhault

Substituer un système à un autre et s’y conformer, ce n’est pas changer, mais passer d’une servitude à une autre, puisqu’après comme avant, notre mentalité reste la même. Tant que nous aurons au cœur la même puissance de haine, la même avidité et la même crainte, le monde restera alerté, hérissé de barrières, semé d’embûches et d’embuscades, et il continuera à être périodiquement dévasté par la guerre. Ce qu’il importe de faire, ce n’est donc pas d’opérer des substitutions ou des conversions, mais d’abord de cesser d’être des machines, mues par des systèmes auxquels nous sommes reliés et asservis par l’habitude, l’avidité, la peur, la loi, comme par des courroies de transmission, et qui ont fait de nous des « Roblots » inhumains.

Salomon Lancri : L'apprentissage de la sagesse

Tous ceux qui sont familiers avec l’enseignement de Krishnamurti ne peuvent manquer d’être frappés par la similitude de cet enseignement avec ces conceptions des Bouddhistes. Ce que recommande Krishnamurti et qu’il appelle la vraie méditation n’est autre, somme toute, que l’attention parfaite des Bouddhistes. Seule une lucidité constante peut mener, dit-il, à la découverte du Réel, qu’il nomme l’Amour et qu’il définit comme « une forme différente de vie, de mouvement, qui est au-delà du temps »

Jacques Londe : L'angoisse et la foi dans les upanishads

Ceci rend compte, déjà, d’un aspect de notre situation dans le monde, où nous voyons que tout ce qui peut être tourné vers l’amour correspond à un sens de la plénitude, et où l’être qui est « en face », devient, dans l’amour, identique à soi-même. L’union réalise la plénitude qui est l’essence du premier homme, du « c’est moi ». C’est un retour, mais un retour qui sera condamné à l’avance, puisque cette plénitude est appelée à être brisée à nouveau, par le fait même que la vie n’est pas fixée, figée. Celui qui aura connu une succession d’états de plénitude provisoire sous toutes les formes que l’on voudra concevoir, s’il admet que ces états sont suivis de déchirement lorsque cette plénitude n’est plus atteinte, celui-là aura sur la vie, une vue synoptique. Elle lui montrera que l’homme dans le monde est nécessairement recouvert par une tension d’angoisse.

Robert Linssen : Se connaître pour se dépasser

Les doctrines secrètes du bouddhisme tibétain sont dominées par une préoccupation fondamentale : voir, voir davantage (lags-thong en tibétain). Cette vue pénétrante est la base essentielle du bouddhisme en général et du Zen en particulier. Disons à ce propos que le terme Zen que nous employons est imparfait. Il serait plus exact de parler de bouddhisme Ch’an, dont Bodhidharma, Seng-Tsang, Hui-Neng et Chen Houei, etc., étaient les représentants les plus illustres. L’art de la « Vue Juste » consiste à discerner la réalité au delà des apparences. Et ceci s’applique autant au domaine physique qu’au domaine mental.