Claude Boily : L'acteur et l'expérience de la conscience

(L’Annuaire théâtral. Revue québécoise d’études théâtrales. Numéro 19-20, printemps–automne 1996) emprunté au site https://www.erudit.org/fr/ CLAUDE BOILY, psychothérapeute (thérapie par la radionique), détient un baccalauréat et une maîtrise en art dramatique de l’UQAM. Son mémoire, dont nous présentons un extrait, porte sur l’énergie de l’acteur et s’intitule Le Tao de l’acteur. Essai sur les fondements métaphysiques […]

Jean-Louis Barrault : Le corps magnétique

Ce qui a facilité « notre rapprochement » c’est la soli­tude dans laquelle me plonge la société des humains qui, subconsciemment sans doute, s’ingénie à tout casser et à dresser des barrières entre ce qui me semble être la Vraie Vie et moi. Quand, la suite de cette « grande casse » accomplie par la société, tant sur le plan de l’enseignement, que de l’éducation, des programmations politiques, des schismes religieux, eux aussi politiques, que sur la confusion qui jette le trouble entre la liberté et la licence, de l’exploitation marxiste, psychanalytique, anti-chrétienne, au détriment du vrai socialisme, de la vraie psychanalyse et de la vraie chrétienté, je me trouve entouré de ruines, mon corps, mon corps tout simple mais « complet » est là, qui me fait comprendre qu’à nous deux nous sommes capables de reconstruire « Le Temple ».

Vincent Bardet : Paradise now

Tous ceux qui l’ont vécue intimement peuvent témoigner du caractère illuminant de cette révo­lution-là, qui fut à peine une révolte – et par-dessus tout une performance. De cette traversée du paradis dramatisée sur fond d’abîme il me reste une certitude : la grande libération est toujours à faire ici et maintenant.

Le théâtre et le sacré entretien avec Wolfram Mehring

Si l’on veut accéder à une vie sacrée il nous faudra d’abord assumer celle qui nous emprisonne actuellement et la rendre consciente. Sinon nous risquons toujours de parler du sacré tout en conti­nuant à appartenir, sans le savoir, au profane. Tel qu’il se présente actuellement, le théâtre me paraît immobile, arrêté. Le foisonnement de formes différentes, cette agitation culturelle où chaque chose nouvelle vieillit aussitôt pour laisser place à la nouveauté du jour ne font que le confirmer. Le théâtre est soumis aux modes au lieu de traduire des changements de fond. On change sans cesse les meubles de place mais continue à habiter dans la même chambre. Au lieu de faire éclater les murs qui nous emprisonnent nous nous enfermons chaque jour davantage dans la sécurité d’une pensée utilitariste et pro­fane. Cette production théâtrale est en étroite relation avec la société qui la finance ; elle la sert consciemment ou inconsciemment. Elle veut influer sur le public, le convaincre ou simplement l’in­former. C’est un théâtre de la vulgarisa­tion, qu’elle soit politique, culturelle, esthétique ou métaphysique.

Zéno Bianu : Bali : la mystique ondulatoire

L’apprenti est immé­diatement introduit en situation de danse, dans une globalité chorégraphique. En même temps que les posi­tions de base, il doit se pénétrer de la mélodie centrale des gender (métallophones), des figurations rythmiques des tambours, des différentes cadences des gongs. Lors­qu’il sera appelé à danser au temple, il devra interpréter la musique avec son corps tout en commandant l’inten­sité et le tempo de celle-ici, suivant un système de coor­dination extrêmement structuré. Chaque geste est alors hiéroglyphe : mouvements brefs de la tête et des yeux, arrêts brusques changements soudains de direction, séries de petits pas en staccato ponctuent la mélodie et constituent autant de signaux, d’appels aux musiciens, déterminant des changements de rythme, des pauses, des accélérations, au sein d’une parallélité frémissante où accent musical et geste fusionnent pour ne former qu’une seule impulsion. L’objectif du maître est donc de déclen­cher chez l’élève une réponse corporelle automatique aux modulations syncopées de l’orchestre…

Giulia Archer : Le théâtre religieux au Moyen Âge

‘Le dernier des soucis de l’acteur médiéval est le réa­lisme : son vrai souci est la vérité du sentiment en deux sens : le sentiment des acteurs d’accomplir un acte important pour la vie de la communauté, un acte religieux et non pas artistique ou de distraction – le sentiment suscité chez les spectateurs-fidèles qui devaient par­ticiper aux événements représentés ; raison pour laquelle par exemple celui qui représentait le Christ sur la Croix devait vraiment souffrir, pour que le sentiment de la souffrance devienne présent aux esprits.

Jean Markale : Des liturgies ambiguës

À des titres divers, le théâtre participe de ce Sacré. On a voulu écarter toute notion de sacré au nom d’un vague rationalisme. On a profané le théâtre en en faisant un divertissement. Cependant, il ne suffit pas de vouloir écarter le sacré pour l’anéantir. Plus il est refoulé, plus il a tendance à franchir des niveaux de conscience qui devraient demeurer obscurs. Plus on le combat ouverte­ment, plus il affirme sa plénitude, ne serait-ce que par les biais les plus subtils, les plus innocents en apparence. Huis Clos de Sartre est une tragédie religieuse. Les ten­tatives du Living Theater sont les balbutiements d’une nouvelle formulation dramatique où le sacré envahit l’univers psycho-social dans lequel on prétendait enfer­mer l’action humaine. Alors, allons-nous assister, à l’aube du troisième millénaire, à une résurgence de la drama­turgie sacrée ?

Les origines du théâtre dans deux textes archaïques et primitifs

Parmi les formes de spectacle qui ont gardé à nos jours, dans quelque détail ou dans la structure générale, le caractère rituel des origines, le théâtre Nô japonais mérite une place à part (comme la mériterait le Mystère médiéval d’Occident, s’il nous avait été transmis dans sa forme originaire). Car le Nô n’est jamais devenu « spectacle ». Ce qui explique peut-être l’ennui du spectateur « non initié ». Le Nô est resté un rite religieux, au-delà et malgré la transformation de son public. Ce qui n’exclut pas qu’il s’agisse de textes dramatiques. Simplement ces textes et le code formel qui les soutient n’ont jamais été « théâtralisés ».

Paul Arnold : Sources inconnues du théâtre tragique

C’est dans cette participation du public que je vois un élément capital pour les origines de la tragédie, célébration commune, action sacrée engageant en commun la divinité, ses prêtres et l’assistance. C’est cet aspect religieux qui apparaît ainsi dans l’essence même de la tragédie antique. Il nous autorise à rappeler l’effet apotropaïque ou la catharsis de célébrations analogues que connaissaient hier encore les « primitifs » du grand nord eskimo et vécues par leur demi-frère de race, l’explorateur Rasmussen : groupée dans une cabane la population vivait une véritable transe allant jusqu’à la terreur religieuse en voyant défiler l’imagerie et l’histoire de ses dieux ou esprits.