S’imaginer que l’on parviendra à la connaissance de la source primordiale en immobilisant artificiellement ce qui naturellement est mouvement, la pensée en particulier, ne peut déboucher que sur une impasse. On aboutira à des états temporaires de vide, d’extase, d’auto-hypnose ou de samâdhi, non à l’expérience véritable. Ma source primordiale est toujours présente à travers tous les états de mon existence. C’est au centre immobile de mon être que je la connais en tant que telle avant d’en faire l’expérience à travers tous les aspects du monde phénoménal. Il n’y a rien à changer, rien à modifier ou à supprimer à priori. C’est seulement quand l’expérience primordiale est vécue que, par voie de conséquence, la structure individuelle se trouve modifiée, mais cela s’accomplit de soi-même et non par le fait d’une volonté délibérée.
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Murshida Sharifa Goodenough : Le bonheur et le succès
Bien des esprits penseront en effet : « Le bonheur ? le succès ? Sont ce là des buts spirituels ? Le bonheur, oui, peut-être. Mais le succès ? Peut-on parler du succès gland il s’agit d’une vie spirituelle? Le malheur, les échecs y paraissent des choses tellement plus fructueuses ! » C’est que nous comprenons mal le bonheur et en quoi consiste le succès. On dira par exemple : « Je ne fais pas ceci pour mon propre bonheur, je le fais avec une idée plus élevée ; je ne me soucie pas de mon bonheur personnel, je cherche quelque chose de plus important. » C’est que par bonheur on entend le plaisir, les joies. Le bonheur est autre chose que cela. Le plaisir n’est qu’une petite ombre de bonheur, un reflet qui ne dure qu’un moment.
Jean Gontier : La nature de l'ego
Je suis un élément transitoire, d’une société humaine transitoire, vivant sur une planète transitoire d’un univers transitoire. D’un côté l’Absolu sans objet, de l’autre moi-même et le monde. L’erreur de l’homme, pour son malheur, va consister à confondre l’Absolu et le transitoire et à accorder au relatif un caractère absolu. Ainsi mon individualité deviendra totale, permanente, le centre immobile de la roue en mouvement. L’ego sera cette fausse valeur attribuée à mon individualité. Cette question a donné lieu à tant d’explications contradictoires et de divagations, qu’il nous faut, pour essayer d’y voir clair, nous servir d’un modèle appartenant aux sciences expérimentales…
Michel Guillaume : Pratiquer au quotidien
Il y a là comme un signe des temps : c’est ici même, dans ce monde de lutte et d’écroulement qu’il nous faut, pour la plupart d’entre nous, développer notre partie Ingénieur, apprendre à échapper à nos déterminismes et à nos conditionnements et devenir réellement humains – et non pas à l’abri du monde, derrière les murs d’un monastère ou d’un ashram. Telle est la réalité que les faits proclament. C’était aussi le message que Hazrat Inayat a transmis dans son enseignement et dans sa vie. Il a été de ceux qui ont rappelé en le vivant que l’on pouvait atteindre le sommet de la vie humaine et la plus haute Réalité sans se séparer de la vie extérieure ; et il en a indiqué les méthodes.
Jean Gontier : Connaissance et croyances
L’appréhension par la vision d’une certaine forme donne naissance à des images qui vont être désignées chacune par un mot : sapin, chêne, bouleau, par exemple. Mais le concept d’arbre n’a aucune existence en dehors du mental qui l’a conçu. On ne peut voir, toucher, mesurer un arbre, mais seulement l’élément sensoriel, qui, avec d’autres similaires, a donné naissance au concept d’arbre. Enfin, de la même manière, l’intellect, à partir des concepts issus des premiers phénomènes sensoriels, en élabore d’autres de plus en plus généralisateurs. Après le concept d’arbre, on passe à celui de végétal, à côté de ceux de minéral, d’animal, de liquide ou de gaz. A un niveau d’abstraction encore plus grand, on arrive au concept d’être vivant, à l’opposé d’être inanimé et en dernier lieu, de généralisation en généralisation, on parvient au concept d’élément universel qui suivant les temps et les civilisations aura un vocable différent. En sens inverse, à partir de cette source commune, on reconstruit logiquement tous les systèmes métaphysiques et cosmogoniques.
Sharifa Goodenough : Action et repos
En Occident,on aime surtout l’action, l’activité qui semble à la plupart des Occidentaux le don d’être de l’existence, car si ce n’est pour être actif, à quoi bon vivre ? En Orient, on aime surtout l’immobilité. Si un Occidental va en Orient, s’il s’approche des sages, des mystiques de l’Inde et s’il a recueilli quelque chose de leur sagesse, on peut être sûr que dans la plupart des cas il voudra l’employer pour mieux conduire l’activité de sa vie. Il se dit, il dit aux autres : « Pourquoi tout cela ? Tout ce que j’ai appris je veux l’employer pour l’action pour que nous puissions mieux agir. L’Oriental, au contraire quand il voit toute l’activité du monde dit : « Illusion, jeu d’enfants ! Ce qui compte, c’est la vie elle-même, c’est la vie immobile silencieuse ».
Roger Godel : Le cœur et l'intelligence de l'homme, instruments de son destin
Notre terminologie moderne, la terminologie occidentale est confuse, elle est très vague. Le fait de se trouver contraint d’employer le mot cœur pour parler d’une connaissance est déjà une très grande source de confusion, parce qu’enfin nous avons l’habitude de considérer le cœur comme un organe. C’est donc une très grossière métaphore, une très grossière figure de langage qui nous conduit vers l’acception du mot dans le sens effusion. En général, quand on fait appel au cœur de quelqu’un, on attend de lui un sentiment, une consécration. Mais tout cela nous laisse bien loin de l’esprit. Nous sommes dans le domaine du sentiment, nous ne sommes pas dans le domaine du discernement. Eh bien, pour les anciens, le cœur c’est le cœur de l’être et le cœur de l’être c’est sa source créatrice. C’est également ce qu’on traduirait en anglais par core, le centre de toutes ses activités. Nous dirions en biologie que c’est le centre d’intégration de l’être, non pas le centre matériellement localisable bien entendu, mais physiologiquement, dynamiquement compréhensible. Et d’autre part, l’esprit. Qu’est-ce que le mot esprit évoque pour un contemporain ? Quelque chose de très vague aussi. On aspire à définir l’esprit, on n’y parvient jamais.
Michel Guillaume : La voie soufie
La philosophie dont il est question en Soufisme est éveil à la vie de l’Esprit. Et c’est d’abord l’éveil à l’idée qu’au-delà de notre petite personnalité limitée, de notre « moi je », du personnage enclos dans son identité civile que nous croyons être, s’étend tout un domaine de conscience qui est beaucoup plus vaste, plus heureux, plus libre et plus durable et que ce domaine, il est possible pour nous de l’atteindre. Mais cette philosophie est encore « religieuse » dans le sens où ce n’est pas notre « moi-je », notre égo qui décide de cet éveil, de l’évolution de notre personnalité qui en est la conséquence, ni de ses modalités. Notre ego, notre « moi-je » ne peut qu’acquiescer à une volonté plus profonde qui s’est levée en nous et se soumettre à une autorité plus haute. Autorité qu’il peut reconnaître en un Dieu extérieur, ou bien dans la voix d’un Guide intérieur, ou bien encore sous forme humaine, comme son Maître spirituel.
Sharifa Goodenough : L'accomplissement des désirs
Le souhait, le désir, d’où vient-il ? Nait-il en nous ? Nous vient-il du dehors ? Dans quelle mesure sommes-nous responsables de son accomplissement ? Suffit-il d’avoir un désir, n’importe lequel, pour que l’accomplissement en soit souhaitable ? Sommes-nous peu responsables du désir en lui-même mais très responsables de son accomplissement ? Ou bien la destinée en décide-t-elle pour ou contre nos vœux ?
Jean Gontier : Au-delà
Tout ce que l’on pense, éprouve et sent n’est rien. Quoi que ce soit qui se puisse présenter en nous, que l’on sache que ce n’est jamais Cela et que l’Ineffable est toujours au-delà, au-delà de toute pensée, de toute sensation, de tout sentiment, au-delà de l’imaginaire, au-delà du rêve, au-delà ! Comme le concerto de Bach ou de Mozart, Il ne signifie rien, ne traduit rien, ne sert à rien. Il est, c’est tout.