Biologie et foi

La science et la foi sont deux modes de connaissance. Mais elles diffèrent par leur source, leur mé­thode, leur objet. Les sciences de la Nature étudient la matière inerte et les êtres vivants. Astrono­mie, physique, chimie, biologie s’efforcent de découvrir les lois qui régissent ce qu’el­les étudient. D’autres branches sont plus descriptives, comme la paléontologie. Mais toutes les sciences tentent de connaître comment les choses se passent ou se sont passées. Pour y parvenir, le moyen qui a fait ses preuves est la méthode expérimen­tale. Tout cela est bien connu. La foi se situe sur un tout autre plan. Elle ne repose pas sur une expérience de type scientifique. Elle n’est pas un catalo­gue de propositions résumées dans un Credo. Elle est d’abord adhésion à Quel­qu’un dont la science ne me dit rien. L’ob­jet de la foi, c’est Dieu se révélant. De même que les premiers disciples de Jésus l’ont écouté et suivi, de même le croyant accueille le message de Dieu afin d’y trou­ver le sens de sa vie. S’il s’engage dans la voie que Dieu lui propose, s’il fait « l’expé­rience de la foi », il éprouve alors la convic­tion d’être dans la vérité. Vous m’avez parlé de conflit entre science et foi. Je ne vois pas comment deux types de connaissance situés sur des plans aussi différents pourraient entrer en conflit.

Credo de scientifique : Science et foi

D’une certaine manière, la démarche scientifique en général, et mathématique en particulier, nous apprend surtout ce que Dieu n’est pas. Elle permet d’éviter tout un ensemble d’idolâtries qui fait partie du patrimoine de l’humanité. La science a, comme vertu, non pas de tuer Dieu, mais de décaper son image, de faire en sorte que la partie idolâtre s’amenuise peu à peu.

Carlo Suarès : La maturation d'un moi : L'éducation créatrice

Selon la loi de contradiction qui régit le moi, l’amour et l’intellect ont des fonctions qui s’op­posent à leurs propres mouvements. L’amour donne à l’individu l’impression d’un mouvement centrifuge : le moi a l’impression de se donner, de s’abandonner ; mais s’il se laisse en effet emporter par le cours de ses sentiments et de ses passions, s’il accepte d’y éteindre le sentiment de soi, ce n’est que parce qu’il espère y trouver (par l’union avec l’objet de son amour) une permanence dont il ne se sent pas assez assuré. L’amour est une recherche de permanence, qui s’effectue au détriment du désir qu’a le moi de se percevoir ; l’amour cherche, par tous les moyens, à utiliser le monde extérieur pour construire cette perma­nence intérieure. Loin d’être centrifuge, c’est donc un mouvement centripète, mais qui donne l’illu­sion d’être centrifuge, parce que la notion qu’a le moi de sa propre réalité s’y trouve obscurcie. Dans le monde à rebours qu’est celui du moi, c’est donc bien en perdant le sentiment de sa réalité, donc en sortant de lui-même, que le moi rentre en lui-même, et s’affermit dans sa propre permanence intérieure.

Pourquoi la science est née dans l'Occident chrétien ? Entretien avec Pierre Chaunu

En définitive, tout ce qui est fondamen­tal se passe une fois dans l’histoire de l’humanité. Le XVIIe siècle, dans sa nova­tion, est à l’instar de ce qui s’est produit il y a quelque dix mille ans. Là aussi avait émergé quelque chose de fondamental. Cette fois là, la chose s’était produite dans un coin qui est à cheval entre la Syrie, le Liban et éventuellement un petit morceau du plateau d’Anatolie. C’est là que l’on a fait pousser le premier grain de blé. Encore une fois, c’est dans cette chré­tienté occidentale, selon un axe qui passe du Nord de l’Italie au Sud de l’Angleterre, un petit peu à droite et un petit peu à gauche, que s’est produite cette rupture définitive. Or, cette émergence radicale est en relation profonde avec deux traits substantiels de la pensée chrétienne. La pre­mière c’est l’idée de Création. Je dois cons­tater que lorsque la science est née, elle est née dans un monde où existait cette idée étrange. La Création, c’est elle qui permet la constitution d’une connaissance qui ne soit pas globale ni ontologique, bref une connaissance qui n’ait pas la prétention d’expliquer la racine de l’Être.

Carlo Suarès : La croissance d'un moi : Son processus

Le moi, en se refermant sur lui-même, en se détachant, en s’isolant, ne perd point pour cela l’orientation de toute l’activité du subjectif qui l’a conduit à ce point. On se souvient que cette orien­tation est une recherche de permanence. Le moi utilisera ce désir pour son propre compte, au détriment de sa propre essence sur laquelle il s’est re­fermé. Il se séparera donc de plus en plus de son essence, il perdra complètement toute notion réelle au sujet de sa raison d’être, il s’isolera de plus en plus. Et parce qu’il en souffrira, il ne fera qu’exa­cerber sa soif de permanence, jusqu’à un degré qui devrait devenir insoutenable, jusqu’à se briser lui-même. Là encore, les congrégations des moi stérilement assurées de leurs possessions spiri­tuelles et matérielles, viendront l’aider, le conso­ler, lui apporter la foi, l’espérance, la charité, ou sous d’autres formes, n’importe lesquelles, la sé­curité, l’ambition et l’exploitation, qui le feront mourir, étouffé.

François Durand Gasselin o.s.b. : Le cœur écoute

À vrai dire, il ne semble pas que l’expression de « voie du cœur » puisse être consacrée à la désignation d’un mouve­ment spirituel particulier qui risquerait aussi d’être margi­nal. Au contraire, elle peut ra­mener les chrétiens, toutes confessions réunies, à leur ori­gine commune : la révélation biblique. La Bible, c’est déjà un peu l’Orient. Et l’Orient, sans nier les valeurs de l’occident mais en leur permettant de s’affiner pour parvenir à leur propre vérité, peut nous aider à équilibrer dialectiquement, dans une attitude juste, l’exer­cice du sentiment et celui de l’intellect. L’un et l’autre, en ef­fet, ne sont en vérité ce qu’ils sont que dans la rencontre où, mutuellement, ils se fécon­dent. L’intelligence ainsi re­jointe est alors celle du cœur, non pas celle des « intellec­tuels » mais des « sages ».

Gérard Simon : Quand la science était métaphysicienne

Il s’en faut d’ailleurs que l’invocation métaphysique ait été simplement un pallia­tif. Bien au contraire : l’inquiétude philoso­phique et religieuse, l’angoisse devant l’ef­fondrement de vieilles certitudes, ont été une motivation essentielle pour nombre d’acteurs de premier plan de la révolution scientifique. Ce n’est pas un hasard si Lu­ther et Copernic sont contemporains. La crise de l’Église fut aussi celle de sa repré­sentation philosophique du monde. Devant cette crise, tous deux ont la même réac­tion : ils reviennent, par-delà toutes les in­terprétations, directement au message divin, le réformateur religieux aux Écritures, le réformateur de l’astronomie au grand livre de la Création. Comment au surplus, sans une profonde conviction mé­taphysique, faire le pari fou qu’il existe dans la nature, sous-jacent aux apparences, un ordre mathématique caché ?

Carlo Suarès : L'enfance d'un moi : «Je suis un moi»

La façon dont le je, non-conscient, de l’enfant parvient, lorsqu’il est mûr, à se détacher de l’univers subjectif qui l’a créé, et dont il ne s’était pas encore nettement différencié, est d’une importance extrême, car elle caractérise le moi qui surgit, ses tendances, ses possibilités, et nous révèle sa na­ture la plus intime. Ce phénomène d’individualisa­tion n’a cependant jamais été étudié, à notre con­naissance sous cet aspect. Ne pouvant nous ap­puyer ici que sur notre propre documentation, en­core très restreinte, nous nous bornerons à indiquer des voies de recherches, telles qu’elles se présen­tent en ce moment à nous.

Éloi Leclerc : Les clartés de la nuit

Cette signification cosmique et religieuse de la nuit nous in­troduit dans la dimension pro­prement psychique du sym­bole. Il est aisé de voir, en ef­fet, que, sous le symbole ma­ternel et nourricier de la nuit, l’âme a affaire à ses propres profondeurs nocturnes, celles de son inconscient et celles de son mystère total. L’homme se regarde et se retrouve dans l’image qu’il se fait de la nuit et de ses clartés. De ses clarté surtout. Elles sont un miroir…

A.M.J. Claessen : Le soufisme et la réalité

Regardons le monde dans lequel nous vivons. Il n’y a aucun terrain où notre vie commune fonctionne convenablement. Qu’il s’agisse de religion, de science, d’éducation, de commerce, de l’argent, de l’industrie, de la santé, de la circulation ou des communications, du sport etc. etc. – l’homme a perdu la maîtrise. La politique, les impôts, l’aide sociale – tout est en proie au désordre, conséquence de cette perte de maîtrise. La nature est violée, l’environnement menacé. La seule chose qui échappe encore à notre connaissance est de savoir si nous n’avons pas atteint le point de non-retour.