Jean-Michel Varenne : La route de Konya

Un voyage peut, momentanément, briser cette dynamique aliénante et priver ses ressorts de leurs subsides. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire, à condition que nous nous sentions disponibles, d’accélérer le rythme du voyage comme on souffle le feu sur la forge ; de faire reculer les possibilités, d’épuiser les réserves, d’assécher les compensations : marcher jusqu’à l’épuisement, sauter de train en bus, se nourrir de peu…
Cette ascèse déstabilise le régime du mental, provoque la disparition des pensées.

Jean Klein : Au-delà du connu

Comment faut-il concevoir le silence et son opposé ? Si vous voulez vous défaire de l’agitation en vue d’un état de silence, vous rejetez, vous agressez, vous vous défendez, par contre, si vous l’acceptez, l’agitation qui fait partie du silence se perd et se fond en lui; vous atteignez le silence du soi, au-delà du silence et de l’agitation. Il ne faut pas vouloir se défaire de l’agitation, en restant à son niveau, il faut en avoir une écoute totale, elle se meurt alors dans le silence, car elle n’est rien d’autre que silence.

N. Sri Ram : Questions et réponses

Le deuxième moyen proposé, c’est un rejet ou une dissolution continuelle de toutes les images mentales non nécessaires. Si nous disons non nécessaires, nous aurons à nous demander quelles sont les images qui sont nécessaires et celles qui ne le sont pas. Cela demande du discernement, de la vision. Supposons que certaines images mentales soient indésirables, des images d’une nature sensuelle ou violente par exemple, supposons que ces images s’éveillent dans mon mental. Comment pourrai-je les rejeter ? Je leur dirai : allez-vous en, mais elles reviendront et je dirai : quand je cherche à les chasser elles reviennent. Aussi le rejet de ces images mentales est une chose difficile, et si nous employons le mot dissolution, comment peut-on dissoudre une image et la réduire à rien ? Alors, pourrez-vous demander, que vais-je faire de ces images ?

Micheline Flak : Vivre avec le bruit

« Pratyahara » est un terme qui signifie littéralement « retrait des sens vers l’intérieur ». Nous opérons un retrait de ce genre chaque fois que nous oublions le monde extérieur pour nous concentrer sur une tâche qui nous passionne, ou bien lorsque nous sommes sollicités par quelque fonction naturelle comme l’endormissement qui réclame le retour de la conscience en nous-mêmes. Un tel repli s’opère automatiquement chaque fois que nous basculons de la veille au sommeil. La nature nous a dotés d’une capacité d’isolement sensoriel qui a sa contrepartie dans la physiologie du système nerveux. Sans la faculté de s’abstraire, un être humain ne connaîtrait jamais, ni l’inspiration artistique, ni le repos mental. Car c’est la porte ouverte à la création aussi bien qu’à la ré-création. Par un « décrochement » spontané ou appris, on modifie ses ondes cérébrales. Le Pratyahara se signale sur le tracé encéphalographique par le passage des ondes Bêta rapides aux ondes Bêta lentes, puis aux ondes Alpha.

Gabriel Monod-Herzen : Silence et Langage

Ce n’est pas facile d’obtenir le silence intérieur et d’empêcher les pensées de remonter à la surface. Un des moyens est de leur opposer l’indifférence. Si nous laissons les impulsions intérieures déterminer notre conduite, notre attitude, nous sommes pris dans le piège, alors que si nous sommes indifférents… Les Indiens disent que nous sommes des postes émetteurs-récepteurs, les huit-dixièmes de ce que nous pensons a été pensé par quelqu’un d’autre. C’est une pensée qui court dans l’air, mais nous affirmerons : « Je pense… ». Or il faut évincer le « Je ». Nous sommes inconscients d’une grande partie de notre activité psychologique où le « Je » est absent. Pourquoi ne serait-ce pas pareil ailleurs ? Nous attribuons tout à notre petit moi et alors, il n’y a pas de silence possible.

Robert Linssen : Aspects concrets de la transformation

Nos propos risquent de heurter les adeptes de « Voies Abruptes ». Ils mettent en évidence la fréquence d’une confusion existant entre une compréhension intellectuelle de l’inexistence de l’égo et la plénitude de son dépassement total. L’auteur estime être bien placé pour dénoncer l’ampleur des obstacles résultant de la conceptualisation. Celle-ci est souvent inconsciente en raison de sa subtilité. Elle bloque cependant la route du méditant malgré sa sincérité. Certains attentistes déclarent que l’égo n’est qu’un mirage faisant partie du « Jeu Cosmique ». Une simple compréhension intellectuelle suffirait à nous libérer de ses exigences.

Robert Linssen : Le silence intérieur

Les progrès surprenants de la science et de la technique ont, en moins d’un demi-siècle, bouleversé la face du monde. Les rythmes trépidants de la vie moderne éloignent l’homme du vingtième siècle des richesses intérieures, et même extérieures, d’une vie naturelle, simple et heureuse. Nous ne sommes plus harmonieux. Nous fuyons, la plupart, le silence et la solitude. Le silence est pourtant une source inépuisable de forces physiques, nerveuses et spirituelles. Nos races agitées, inquiètes, névrosées, en ont un immense besoin. L’envahissement du bruit, à tous les niveaux de l’existence est l’un des maux de notre époque.