Tchoang-Tzeu : Joie parfaite

Sous le ciel y a-t-il, oui ou non, un état de contentement parfait ? y a-t-il, oui ou non, un moyen de faire durer la vie du corps ? Pour arriver à cela, que faire, que ne pas faire ? de quoi faut-il user, de quoi faut-il s’abstenir ? — Le vulgaire cherche son contentement, dans les richesses, les dignités, la longévité et l’estime d’autrui; dans le repos, la bonne chère, les bons vêtements, la beauté, la musique, et le reste. Il redoute la pauvreté, l’obscurité, l’abréviation de la vie et la mésestime d’autrui; la privation de repos, de bons aliments, de bons vêtements, de beaux spectacles et de beaux sons. S’il n’obtient pas ces choses, il s’attriste et s’afflige… N’est-il pas insensé de rapporter ainsi tout au corps ?

L'œuvre poétique de Maître Yâmuna Paul Martin-Dubost

Grand philosophe et poète du sud de l’Inde, Yâmunâcharya, le Maître Yâmuna vécut, selon la tradition de 918 à 1038. Il est le véritable fondateur du système du non-dualisme qualifié (vishistâdvaita) qui trouvera, au XIe siècle, en la personne de Râmânuja, son plus fervent prosélyte. Son nom même de Yâmuna lui aurait été donné par sa mère qui le mit au monde lors d’un pèlerinage dans le nord de l’Inde, sur les rives du fleuve Yamunâ. Au pays tamoul, on le connaît aussi sous le nom d’Alavandâr, le Vainqueur, car très jeune et déjà puissamment doué, il aurait défait au cours d’une joute philosophique un lettré shivaïte de la cour du roi Chola de Tanjâvûr.

Mohyi-d-din ibn-Arabi : Traité de l'unité

Du moment que ce mystère a été dévoilé à tes yeux, que tu n’es pas autre qu’Allah, tu sauras que tu es le but de toi-même, que tu n’as pas besoin de t’anéantir, que tu n’as jamais cessé d’être, et que tu ne cesseras jamais d’exister, jamais, comme nous l’avons déjà expliqué. Tous les attributs d’Allah sont tes attributs. Tu verras que ton extérieur est le Sien, que ton intérieur est le Sien, que ton commencement est le Sien et que ta fin est la Sienne, cela incontestablement et sans doute aucun. Tu verras que tes qualités sont les Siennes et que ta nature intime est la Sienne, cela sans que tu sois devenu Lui ou que Lui soit devenu toi, sans (transformation) diminution ou augmentation quelle qu’elle soit.

Devarao Kulkarni : Différents aspects des trois états suivant le vedanta

L’on croit communément être né dans ce monde en tel lieu, tel jour de telle année, qu’on a grandi dans un environnement spécifique. Le monde, ou univers, est dit exister depuis des temps immémoriaux et, pense-t-on, continuera d’exister à jamais. Toutes les créatures naissent puis meurent, et chacun de nous est destiné à mourir un jour ou l’autre. Nous possédons un corps, des organes sensoriels, un mental, etc. Nous sommes assoiffés de connaître les bienfaits que nous offre le monde extérieur, mais voulons échapper aux choses et aux circonstances indésirées de l’existence…

Maud Forget : OM = AUM, le son primordial

AUM est formé de trois lettres qui selon les lois de la phonétique sanscrite se fondent en une seule : O prolongée par un point d’orgue noté M. OM se prononce en une seule émission de voix. Ces trois lettres sont secrètement associées à tout ce que les conceptions hindoues comptent de trinités dans les domaines les plus divers. Il est dit dans la Mandukyopanishad, Sloka 27 : « OM est en vérité le commencement, le milieu et la fin de toute chose. »

Patrick Lebail : Lumière de la Brihad-Aranyaka - Upanishad: Le sage et son épouse

O bien-aimée, l’époux n’est pas aimé pour lui-même mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, l’épouse n’est pas aimée pour elle-même, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, les fils ne sont pas aimés pour eux-mêmes, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, la richesse n’est pas aimée pour elle-même, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, le brahmine n’est pas aimé pour lui-même, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimé, les mondes ne sont pas aimés pour eux-mêmes, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, les Dieux ne sont pas aimés pour eux-mêmes, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, les êtres ne sont pas aimés pour eux-mêmes, mais pour l’amour du Soi. O bien-aimée, il n’est rien qui soit aimé pour soi-même, c’est pour l’amour du Soi qu’on l’aime.

Shankaracharya : Le saint dédain du non-soi (anatma-shri-vigarhanam)

On acquiert un savoir honoré par le roi, et après ? On devient riche et influent, et après ? On se divertit avec une jolie femme, et après ? Certes, ce n’est pas ainsi que le Soi est perçu. On se pare de bracelets et autres joyaux, et après ? On revêt des habits de soie, et après ? On se régale avec des mets exquis, et après ? Certes, ce n’est pas ainsi que le Soi est perçu.

D.E. Harding : Vision

Une tranquillité singulière, une sorte anormale d’alerte légèreté ou d’impotence me submergea. La raison, l’imagination, toute agitation mentale s’évanouirent. Pour une fois les mots manquèrent. Le passé et l’avenir avaient disparu. J’oubliai qui j’étais, ce que j’étais, mon nom, ma nature humaine, animale, tout ce que je pouvais appeler mien. C’était comme si à cet instant je venais de naître, refait à neuf, sans pensée, innocent de tout souvenir. Seul existait le Maintenant, ce moment présent et ce qu’il contenait clairement.

Patrice Lambert : Le tch'an voie de gnose

Chaque Eveillé, laisse transparaître la suprême Réalité à laquelle il est identifié. Celle-ci est toujours la même ; seuls peuvent varier la pédagogie du maître, en fonction de son style propre ainsi que le niveau et les exigences du disciple… Ceci explique que les traits fondamentaux du Bouddhisme indien se retrouvent dans l’école chinoise et cet aspect, souvent minimisé par les sinologues mais bien mis en lumière dans un livre récent, parle en faveur des grandes correspondances de tout enseignement de gnose. On sait par exemple, que le trait caractéristique du Tch’an est la primauté absolue accordée à l’expérience ultime et au moyen le plus rapide pour y parvenir. Mais le Bouddha, avant l’école chinoise, avait déjà mis l’accent sur cette priorité en rejetant tous les systèmes doctrinaux, toutes les Écritures qui prévalaient de son temps ainsi que tous les rituels. C’est au cours d’une expérience personnelle que le Bouddha avait découvert les causes de l’esclavage douloureux de la personne et la possibilité d’y mettre fin. Son enseignement écarte la spéculation et les concepts pour ne retenir que l’expérience du Réel ; il montre le chemin du Réel, ou la Voie de la Gnose, et rien d’autre.