Maurice Cocagnac : Dieu Violent

« Dieu » est un très gros mot qui dégage autant de chaleur que de lumière. Qu’on l’affirme ou qu’on le nie, qu’on le loue ou qu’on l’invective, Dieu est encore, pour bien des hommes d’aujourd’hui, l’objet, le sujet et la cause de mouvements de l’âme, d’émotions et de passions que la raison ne parvient pas à tempérer. Il dégage des fièvres de nature contradictoire. Au nom de Dieu on peut soigner les lépreux, veiller les mourants, s’immerger dans la misère pour être plus proche des plus pauvres. On peut pratiquer une non-violence héroïque mais tout aussi bien participer à la guérilla urbaine ou conduire à la mort des adolescents mystiquement surchauffés.

Archaka : La naissance de Dieu

Nul témoin ne nous épie, nul tabellion n’enregistre nos fautes, nul juge ne s’apprête à nous condamner, nul bourreau à nous exécuter. Nous sommes seuls, c’est vrai, nous avons raison de le sentir, nous sommes seuls et comme abandonnés à nous-mêmes. Mais ce n’est pas parce que Dieu n’existe pas. Nous sommes seuls parce que nous sommes Dieu Lui-même et qu’il n’y a que Dieu. Et tout ce que nous faisons à l’aveuglette est croissance vers notre état originel et ultime. Rien ne nous attend que Dieu. Rien ne peut nous advenir que notre épanouissement et notre fusion en la Divinité. Notre sentiment de solitude et de séparation vient uniquement de cela : nous sommes le Dieu amnésique qui tire de Soi un à un les emblèmes de Sa mémoire et, sans y rien comprendre, les ajuste et y lit Son contraire. Et cependant, grandit en Lui — grandit en nous le double de soleil qui connaît et qui voit et, demain, dira tout.

Archaka : L'homme cosmique

Dieu n’a jamais été si proche de nous qu’en cette heure où nous, paraissons-nous être pour jamais détournés de Lui. À fouiller la Matière, nous l’illu­minons de conscience. Et cette conscience en la Matière, c’est cela qui est Dieu, c’est cela qui im­prègne de mystère ingénu et fatal le tissu même de l’univers et nous baigne à chaque instant d’une inex­pugnable divinité. Peut-être ne sommes-nous pas encore assez athées pour que Dieu nous apparaisse. Peut-être avons-nous encore en nous trop de souve­nirs tabous et d’empreintes sacrées qui nous ratta­chent à d’antiques religions auxquelles nous croyons pourtant ne plus appartenir. Mais lorsque tout cela sera effacé, lorsque la mémoire des rites et des croyances aura complètement disparu de nous, alors Dieu paraîtra.

Archaka : Je et Moi

Passent les jours et les semaines. Passent les mois et les années. Les siècles et les millénaires peuvent passer de même. Cela est en nous. Et cela est la vérité. Extérieurement, comme une pluie ruisselant sur nos traits, les brouillant, les effaçant, nous empêchant d’y voir clair, les événements peuvent se succéder. Nous pouvons être précipités dans le torrent des passions, emportés par le vent de l’Histoire, disparaître dans les déserts d’époques sans vie ou dans les abysses de temps muets où se préparent les ères nouvelles, nous pouvons être prisonniers de toute cette quasi invincible apparence, entichés de ce presque inexpugnable visage des choses, cela existe : envers et contre tout, il y a en nous cette fleur de feu que nous avons vue un jour et qui ne cesse de s’épanouir, cette flamme d’or qui ne cesse de grandir et se nourrit de notre obscurité même, de notre confusion, de notre ignorance et fait de notre forme l’athanor où la Nuit se dénude et se transmue en Jour et où, lentement, l’expérience du Temps se change en la légende de l’Éternité.

Talmud et biophysique entretien avec Henri Atlan

Tout d’abord, le Dieu de la Bible, ce n’est pas forcément le Dieu auquel les gens pensent lorsqu’ils disent qu’ils sont croyants. Le Dieu de la Bible, pour moi, c’est d’abord le sujet d’un texte. Plus exactement encore c’est le sujet dont parle un texte, et ce sujet qui parle et dont on parle, porte de nombreux noms. D’ordinaire, les traductions rendent ces noms de manière tout à fait indifférenciée. Lorsqu’on essaie de pénétrer dans ce texte, on s’aperçoit que les traductions sont tout à fait malvenues. En fait, il faudrait traduire chacune des désignations de Dieu par des noms différents. Du coup, bien sûr, se pose la question de l’unité éventuelle entre toutes ces désignations. Certains noms ont un caractère singulier, d’autres sont au pluriel…

Archaka : Bénédiction de l’abîme : Livre I

Ainsi donc du voyant. Sa conscience n’est plus enfermée dans son corps. Fini le donjon de la pensée. Les murs en ont disparu, dissous dans la Lumière. Le prisonnier meurt-il une fois échappé de son cachot ? Comment le sage mour­rait-il en franchissant l’enceinte mentale qui nous limite ? Il est libre, il est illimité, il n’a plus de limites ni dans l’Espace ni dans le Temps. Et si nous continuons de lui voir un corps devant lequel d’aucuns tiennent à se prosterner, nous devons comprendre que ce corps est en lui, à l’inverse du nôtre où nous sommes pour le moment détenus. C’est là, probablement, la chose la plus difficile à comprendre. Ce renversement des structures de l’être qui fait que l’intérieur passe à l’extérieur, et l’extérieur à l’intérieur, est pour notre raison plus improbable encore que les mondes d’au-delà. Et pourtant, c’est à partir d’une telle métamorphose que nous ont parlé les plus grands Inspirés. Et c’est parce que nous ne pouvons en saisir le mécanisme que nous nous méprenons sur le sens de leurs paroles. Leur expérience a cessé de ressembler à la nôtre. Et le plan où ils vivent n’a que de lointains rapports avec celui de nos jours.

Archaka : Bénédiction de l’abîme : Livre II

Même le plus abject des hommes est promis à cette trans­figuration de la semence aveugle en créature visionnaire. Et la plus épaisse ténèbre doit se transmuer en le Soleil éternel. Le voyant n’a pas besoin de le penser pour le savoir. Et il sait qu’un jour viendra où les Pouvoirs obscurs et que nous disons diaboliques seront eux aussi rendus à la Lumière. À eux aussi, va son amour. À eux qui semblent lutter contre la Beauté et la Vérité, à eux qui se servent de nous pour instituer le règne du Mal, mais n’y arrivent jamais complètement, à eux qui, plus que nous encore, ont oublié leur origine et ne peuvent même pas aspirer à la revoir un jour, à eux, les plus affligés de la manifestation universelle, va l’amour illimité de l’homme de Dieu.

John Lilly : Dieu, simulacre de Dieu

L’univers nous a conçus comme une partie de lui-même afin d’étudier et de surveiller le reste de la création depuis une position particulière. Autant nous observons, autant peut-être sommes-nous observés. Autant nous expérimentons, autant il se peut qu’on expérimente sur nous. Il n’est pas impossible que nous soyons le résultat d’une expérience faite dans un immense laboratoire, quoique cela nous donnerait une place trop importante par rapport au reste des créatures.

Jean-G. Bardet : Qu'est-ce que dieu?

Est-ce un Grand Architecte capable de créer et d’ordonnancer, d’une seule de Ses pensées, chacun des innombrables objets de l’Univers, de l’Uni-divers? Serait-ce le Dieu des philosophes, résultat d’une métaphysique rationnelle, à qui l’on ose attribuer, par imposture, le mot de Dieu? Un Être Absolu, incompatible avec l’étable de Bethléem comme avec la Croix du Golgotha? Ou est-ce un Flux d’Amour, à la fois Fleuve par son dynamisme et Étang immense et calme — Étang de Feu, où seront « jetés la Mort et l’Enfer » (Apoc. 20, 14)? Cette image correspond bien mieux à la physique de « notre temps », laquelle n’est plus celle des solides, mus par des forces externes (celle d’Aristote – Galilée – Newton), mais celle des énergies internes.

Aimé Michel : Raymond Ruyer: restons sceptiques!

Les antiparadoxes les plus féconds encadrent notre avenir d’espèces. Ils fondent la seule eschatologie possible, qui est scientifique, car Ruyer récuse toutes les ratiocinations idéologiques : il n’accepte que les vérités modestes et limitées de la science. Exemple d’antiparadoxe eschatologique : qui ne se reproduit pas disparaît de l’avenir. Evidemment ! Eh oui, évidemment, mais qu’en pensent les déviants de toutes sortes ? Les prédicants du célibat, du couple stérile ou homosexuel, de l’enfant unique, de la dissolution familiale ? Plus ils ont raison et plus ils seront prompts à disparaître puisqu’ils s’effacent eux-mêmes de ce monde avec un entrain fanatique