Nous voyons ainsi comment le millénarisme des pionniers aboutit peu à peu à l’idée de progrès. La première étape consista à effectuer un rapprochement entre le paradis et les ressources terrestres du Nouveau Monde. A l’étape suivante, la tension eschatologique fut réduite par l’omission de la période de décadence et de misère qui était supposée précéder les « Derniers jours », et c’est ainsi qu’on en arriva finalement à l’idée d’une amélioration progressive et constante.
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Jean Chevalier : De Mahomet à l’âge des réformes
Ce n’est pas en restant au niveau des généralités faciles que Mircea Eliade se montre un incomparable défricheur de sens. Il examine les mythes, rites et croyances jusque dans leurs menus détails, ne négligeant aucun trait qui puisse solliciter l’intervention de l’herméneute, pour démasquer son rôle particulier dans un ensemble traditionnel. La somme d’érudition incorporée dans cette Histoire des Croyances et des Idées religieuses est vraiment prodigieuse! Ce qui est le plus étonnant, c’est la réussite qui, loin de ressembler seulement à une savante compilation, constitue une intelligente exploration des profondeurs, la projection d’un faisceau de lumière sur ce qu’on a justement appelé «la conscience des anciens et l’inconscient des modernes». Nous sommes loin d’un James George Fraser, avec ses hâtives et superficielles généralisations.
Ioan P. Couliano : Mircea Eliade et son œuvre - L'histoire vraie du mythe
La fonction du mythe, cette histoire que l’herméneutique rend vraie, est de créer un puissant obstacle entre l’homme et le rien, d’empêcher que celui-ci s’empare du monde humain. Le mythe, c’est l’humanité de l’homme, ce qui le tire du rien, ce qui l’oppose au néant. Sur le plan de l’herméneutique, le mystagogue se transforme en vrai magicien et pécheur des consciences à la dérive, qui risquent d’être englouties par le rien. Le mystagogue sauve.
Marie-Madeleine Davy : Les Chartreux aujourd'hui comme hier, silence et solitude

La solitude est d’ordre alchimique. Elle est comparable au feu qui dans le fourneau provoque la fonte du plomb pour faire émerger l’or. Toutefois, il est une condition pour que l’opération soit réussie, c’est que tout soit jeté dans le chaudron. Si le solitaire conserve à part la moindre pensée, le plus infime désir, une affectivité privilégiante, rien ne se passe en dépit des apparences : tout est perpétuellement à recommencer. La solitude du corps apparaît inefficace, voire inutile, si elle ne se déploie pas au-dedans afin de décaper le corps et l’âme, dévorant par sa flamme les obstacles qui barrent l’entrée de la chambre du trésor. Le fond du fond — pour employer le langage de Maître Eckhart — n’est accessible qu’à ce prix.
Jacques Duchesne-Guillemin : Synthèse du dualisme
Toute l’histoire de la philosophie occidentale apparaît ainsi comme une alternance de dualisme et de monisme, puisque déjà Aristote combattait le dualisme de Platon et qu’au monisme aristotélicien et stoïcien succéda une période de néo-platonisme, païen et chrétien, jusqu’au renouveau aristotélicien du XIIe siècle. Platon enfin n’a pas inventé de toutes pièces son dualisme, qu’annoncent Empédocle, Anaxagore, les Orphiques et les Pythagoriciens.
Richard M. Bucke : Conscience cosmique
La Conscience Cosmique est une forme de conscience plus élevée que celle possédée par l’homme ordinaire. Celle-ci est appelée Conscience personnelle ou encore Soi-Conscience. L’être, avant d’atteindre cette conscience personnelle, a passé par un degré que nous appellerons la simple conscience, les animaux supérieurs, ainsi que les enfants pendant les premières années de leur vie ne possèdent que la simple conscience.
Jean Delmanoir : Usage positiviste des religions
Où trouver l’art d’utiliser pour le mieux cet instant qui passe ? Qui me donnera la réponse à l’éternelle question ? Que faire pour que cet acte soit parfait, harmonieux en plein accord avec les puissances cosmiques qui mènent le monde ? Ce n’est certes pas la morale qui me répondra. C’est l’expérience humaine qui doit me donner la solution. Où trouver l’expérience humaine ? Dans les religions — Pourquoi ? Parce que les religions ont donné à l’homme des règles pratiques et détaillées. Des codes — Serons-nous victimes de ces codes ? Non parce qu’il n’y a pas de religion au-dessus de la Vérité et que celui qui veut la servitude envers un code abdique le pouvoir créateur de l’esprit humain.
Pierre d'Angkor : L'irréligion de l'avenir
DEPUIS un quart de siècle que Krishnamurti parcourt les cinq continents répandant en tous lieux sa parole illuminatrice et libératrice, il demeure inconcevable que l’énigme multiple que posent cette présence, cet enseignement, cette vie toute entière consacrée au bien supérieur de l’humanité, n’ait pas éveillé davantage l’intérêt, suscité la curiosité générale du public sérieux et cultivé qui l’écoutait. Curiosité superficielle sans doute des auditoires, où se pressait une foule dense, mais sans retentissement dans les profondeurs, apparemment du moins.
Carlo Suarès : Entretien avec Krishnamurti
Nous savons tous que notre époque est explosive, que les moyens de l’homme, demeurés à peu de chose près constants pendant des millénaires, sont tout à coup multipliés des millions de fois ; que les calculateurs électroniques, pour ne mentionner que cela, deviennent d’heure en heure plus fantastiques ; que demain on ira dans la Lune ou ailleurs ; que la biologie est en train de découvrir le mystère de la vie et même de créer la vie. Nous savons que les données les mieux établies de la science s’écroulent ; que tout est constamment remis en question et que les cerveaux sont contraints et forcés de se mettre en mouvement. Nous savons tout cela ; il n’est donc pas nécessaire de revenir sur cet aspect de notre époque. Dans la confusion actuelle, l’homme est à la recherche d’une sécurité matérielle qui ne peut être trouvée que par des connaissances technologiques. Les religions sont devenues des superstructures qui n’ont guère une réelle importance dans les affaires du monde, cependant que les questions fondamentales demeurent sans réponse: le Temps, la Douleur, la Peur…
René Fouéré : Religions organisées et idéologies socio-politiques ou l’inconsciente crédulité des incrédules
Krishnamurti paraît assez souvent mettre sur le même plan, pour ne pas dire dans le même sac, les « religions » ou organisations religieuses usuelles et les idéologies sociales ou politiques. Il a, en un sens, raison, car les unes et les autres sont de dangereux obstacles à la libération humaine — quand elles ne mettent pas en péril la vie même des individus ! Je pense néanmoins qu’à y regarder de plus près, on ne peut pas entièrement confondre les unes avec les autres.