la sexualité : Le tantrisme ou l'éveil

Au point de départ, les tantriques se rapprochent des adeptes du yoga classique. Comme ces derniers ils professent que l’individu doit trouver en lui-même toutes les ressources qui lui permettront de dépasser les misères de la condition humaine. Ce ne sera donc ni par l’étude des textes sacrés, ni par la pratique de la dévotion, ni par le jeu dialectique que l’homme fera son salut mais par une « prise en compte » de sa personne tout entière, corps, âme, esprit. Bien entendu, l’étude, la prière, la réflexion intellec­tuelle peuvent aider à cette prise en compte, mais comme adjuvants seulement, l’essentiel restant cette descente à l’intérieur de soi, visant à la découverte de l’être intime.

Le chemin de dieu en nous - propos de Chiragh

Observons cependant, puisque nous en sommes là et pour sacrifier au goût du jour, que cette discussion avec soi-même et au besoin cette bataille contre soi-même ne « censure » rien, ne « refoule » rien. Car le moment où nous décidons librement de conquérir notre liberté intérieure est le moment où nous devenons, dans le sens réel du terme, un être humain à part entière et où nous ouvrons enfin les yeux. C’est aussi le moment où les masques multiples de notre Ennemi, de celui qui nous a fait tant souffrir commencent à bouger et où nous nous prenons à soupçonner son vrai visage: et voici qu’à notre saisissement nous découvrons, sans erreur et sans dérobade possible, que cet Ennemi porte nos propres traits. Et à ce moment-là, à cette heure-là, il n’est vraiment plus question de « refoulement » ni de « censure », produit artificiels d’une contrainte morale aveugle imposée de l’extérieur à un être dont les yeux étaient bandés. Et c’est bien d’une autre lutte et d’un plus haut combat qu’il s’agit.

Lynn Margulis : Naissance de la naissance

La naissance est une curiosité récente dans l’histoire de l’évolution de la vie. Si on la définit par rapport à ce qui se passe chez les mammifères, par le fait que la progéniture d’un animal émerge du corps de son parent femelle après avoir séjourné quelques semaines ou quelques mois dans l’utérus de celle-ci, c’est un processus en fait extrêmement rare, dont les origines remontent à l’apparition des mammifères eux-mêmes, il y a environ deux cents millions d’années…

Dorion Sagan : Sexualité et créativité

Ce dernier point est très important. Il montre que quelque chose doit être en œuvre pour contenir, diriger, filtrer le flot incessant des associations qui germent dans l’esprit du créateur, et pour choisir parmi celles-ci. L’effet exercé par la logique sur le chaos indifférencié des idées artistiques et scientifiques en formation est presque semblable, à un point qui en est presque alarmant, à celui exercé par la sélection naturelle sur l’évolution des espèces vivantes. Peut-être que l’hémisphère gauche de notre cerveau, linéaire, digital, verbal, et conceptuel s’entraîne dans l’exercice de cette faculté sur l’hémisphère droit, analogique et non verbal.

A.-M. Cocagnac : Voyage au pays de l’âme ouverte

Une question pourtant demeure. Il semble que certains états de méditation puissent déclencher la perception élargie induite généralement par l’acte sexuel. L’accès au « septième ciel » ne passe pas toujours par la satisfaction viscérale. Certes, l’expérience que recouvre cette métaphore cosmologique peut être de nature très diverse : l’union au Dieu personnel des chrétiens n’est pas la fusion avec le Brahman ou l’expérience du Vide propre aux bouddhistes. Il semble cependant que l’élargissement de la perception habituelle caractérise toutes ces manifestations de type extatique. On pourrait donc parler d’une « échancrure de la conscience » commune à l’orgasme pleinement vécu comme à l’extase apparemment la plus désincarnée.

Alexandre Maupertuis : Célébration de la femme et prostitution sacres

C’est ainsi qu’avant même que la prostitution sacrée devienne un phénomène folklorique, avant qu’une théologie compliquée de la femme ne remplace la vénération évidente de la fécondité et que l’hospitalité sexuelle ne se transforme en commodité touristique, on peut soupçonner un usage collectif et réciproque des hommes et des femmes. Pourtant, malgré la prédominance très nette du féminin au point de vue théologique, il semble bien que ce soit davantage au profit de l’homme que ce collectivisme s’accomplisse…

Aimé Michel : Zut au zizi ou la sexualité dépassée

La sexualité animale (qui fut celle de l’ancêtre de l’homme) est bien différente de la nôtre. L’homme, a-t-on dit, est le seul animal capable de boire sans soif et de faire l’amour hors de saison. Presque toutes les calamités dont il souffre viennent de là. Et c’est là l’objection que soulève la théorie des deux cerveaux de Mac Lean et de Koestler. Les tragédies archétypiques de notre espèce, telles, par exemple, qu’on les trouve dans Racine, ne doivent rien à notre cerveau reptilien. Le cerveau reptilien d’Hermione, d’Oreste, de Pyrrhus et d’Andromaque se soucie peu du problème insoluble des amours triangulaires. Il ne se soucie que du soulagement de la glande, auquel tous ces héros malheureux atteindraient sur-le-champ, s’ils avaient la sagesse du reptile. Quant au cerveau supérieur voué aux opérations intellectuelles, en quoi le soulagement de la glande devrait-il l’intéresser ?

Jean-Louis Bernard : La controverse sur le tantrisme

Ce mythe du Dieu unique à deux sexes se projettera sur le couple pratiquant le tantrisme. II formera unité. L’homme s’exercera à l’arrêt de la pensée pour s’identifier à Shiva qui est au-delà du mental ; la femme, elle, s’entraînera à la visualisation, mais en choisissant des thèmes sacralisés (par exemple la danse cosmique du Shiva androgyne). Par lente réaction, chacun sentira grandir en lui son autre pôle : « anima » pour l’homme « animus » pour la femme. Dans un premier temps, l’homme identifiera par jeu mystique sa compagne à la Shakti, puis il reportera l’identification sur la femme intérieure qui se concrétise en lui et plus spécialement en son mental inconscient, c’est-à-dire les zones dormantes du cerveau. Et l’anima, véritable médium intérieur, se modèlera sur l’universelle Shakti. Même processus pour la femme, en sens inverse et complémentaire.

Gabriel Monod-Herzen : Le problème sexuel

Quand, comme je l’ai fait, on a vécu pendant une dizaine d’années avec les Hindous, on a l’impression — et les questions religieuses y sont pour quelque chose — que nous sommes tous des obsédés sexuels. Là-bas l’idée ne vient à personne d’établir un lien quelconque entre les rapports sexuels et le péché. Tout le monde sait ce qui se passe chez les animaux, on en parle lorsque c’est nécessaire et non le reste du temps. Je n’en veux pour preuve que le petit monument que l’on rencontre le plus souvent en Inde, le lingam de Shiva, à la vue duquel les Européens concluent tout de suite, que le pouvoir créateur divin qui, pour les Hindous est quelque chose de capital, parce que le pouvoir créateur universel se manifeste comme cela dans l’homme, n’est pas autre chose qu’une sublimation de la création humaine.