Jean Klein : Qui connaît la personna­lité ?

Le moins ne peut discerner le plus, la personne est dans l’impossibilité de comprendre étant elle-même une perception. Je me demanderais à votre place : Qui connaît la personna­lité ? Elle est en grande partie composée d’éléments qui assu­rent la survie en tant qu’individu, de choses apprises, d’édu­cation, d’expériences. C’est un produit de la société avec lequel vous vous identifiez. Je poserais plutôt la question d’une autre manière : Quelle est la lumière qui l’éclaire, qui est derrière toute représentation ? Vous ne trouverez jamais la réponse, mais vous serez saisi par un silence, présence ultime qui se suffit à elle-même.

Jean Klein : Écoutez sans interpréter

En tout cas, dans l’enseignement qui vous est ici transmis, les mots sont seulement une image, écoutez-les sans les inter­préter, afin de sentir ce qui est derrière, ce qui passe par leur intermédiaire. Laissez vivre la formulation sans intervenir, sinon, ce que l’on a entendu devient intellectuel, on cherche à s’en souvenir ; or, ces phrases sont déjà mortes, la mémoire est un cimetière.

Jean Klein : L'état méditatif

L’état méditatif, notre vraie nature, n’est pas à proprement parler un état, il est la substance, le support même de tout état, d’où rien ne s’anticipe, rien ne se projette, où il n’existe aucun dynamisme tendu vers un but, un résultat. Toute Présence silencieuse, il n’est ni intérieur, ni extérieur, il est non localisé physiquement ou psychiquement, hors de l’espace et du temps, il est Être.

Jean Klein : La vraie réponse

L’univers n’a pas d’existence, à part vos sensations : vision, audi­tion, toucher, etc. Il n’est que cela, donc rien d’autre qu’une pensée née de la conscience. Ce qui surgit d’elle et meurt en elle n’est forcé­ment rien d’autre qu’elle. Ainsi, l’univers n’est rien d’autre qu’une pro­longation de cette conscience. Si cette démarche se déroule dans une très grande intimité avec vous-même, qu’une pensée se perde dans la suivante sans que ce soit vous qui provoquiez ce déroulement, qui l’actionniez, vous aboutirez à l’Être qui, bien entendu, n’est ni une expé­rience, dans le sens que nous lui donnons généralement, ni un sentiment.

Sharifa Goodenough : Action et repos

En Occident,on aime surtout l’action, l’activité qui semble à la plupart des Occidentaux le don d’être de l’existence, car si ce n’est pour être actif, à quoi bon vivre ? En Orient, on aime surtout l’immobilité. Si un Occidental va en Orient, s’il s’approche des sages, des mystiques de l’Inde et s’il a recueilli quelque chose de leur sagesse, on peut être sûr que dans la plupart des cas il voudra l’employer pour mieux conduire l’activité de sa vie. Il se dit, il dit aux autres : « Pourquoi tout cela ? Tout ce que j’ai appris je veux l’employer pour l’action pour que nous puissions mieux agir. L’Oriental, au contraire quand il voit toute l’activité du monde dit : « Illusion, jeu d’enfants ! Ce qui compte, c’est la vie elle-même, c’est la vie immobile silencieuse ».

Jean-Michel Varenne : La route de Konya

Un voyage peut, momentanément, briser cette dynamique aliénante et priver ses ressorts de leurs subsides. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire, à condition que nous nous sentions disponibles, d’accélérer le rythme du voyage comme on souffle le feu sur la forge ; de faire reculer les possibilités, d’épuiser les réserves, d’assécher les compensations : marcher jusqu’à l’épuisement, sauter de train en bus, se nourrir de peu…
Cette ascèse déstabilise le régime du mental, provoque la disparition des pensées.

Jean Klein : Au-delà du connu

Comment faut-il concevoir le silence et son opposé ? Si vous voulez vous défaire de l’agitation en vue d’un état de silence, vous rejetez, vous agressez, vous vous défendez, par contre, si vous l’acceptez, l’agitation qui fait partie du silence se perd et se fond en lui; vous atteignez le silence du soi, au-delà du silence et de l’agitation. Il ne faut pas vouloir se défaire de l’agitation, en restant à son niveau, il faut en avoir une écoute totale, elle se meurt alors dans le silence, car elle n’est rien d’autre que silence.

N. Sri Ram : Questions et réponses

Le deuxième moyen proposé, c’est un rejet ou une dissolution continuelle de toutes les images mentales non nécessaires. Si nous disons non nécessaires, nous aurons à nous demander quelles sont les images qui sont nécessaires et celles qui ne le sont pas. Cela demande du discernement, de la vision. Supposons que certaines images mentales soient indésirables, des images d’une nature sensuelle ou violente par exemple, supposons que ces images s’éveillent dans mon mental. Comment pourrai-je les rejeter ? Je leur dirai : allez-vous en, mais elles reviendront et je dirai : quand je cherche à les chasser elles reviennent. Aussi le rejet de ces images mentales est une chose difficile, et si nous employons le mot dissolution, comment peut-on dissoudre une image et la réduire à rien ? Alors, pourrez-vous demander, que vais-je faire de ces images ?

Micheline Flak : Vivre avec le bruit

« Pratyahara » est un terme qui signifie littéralement « retrait des sens vers l’intérieur ». Nous opérons un retrait de ce genre chaque fois que nous oublions le monde extérieur pour nous concentrer sur une tâche qui nous passionne, ou bien lorsque nous sommes sollicités par quelque fonction naturelle comme l’endormissement qui réclame le retour de la conscience en nous-mêmes. Un tel repli s’opère automatiquement chaque fois que nous basculons de la veille au sommeil. La nature nous a dotés d’une capacité d’isolement sensoriel qui a sa contrepartie dans la physiologie du système nerveux. Sans la faculté de s’abstraire, un être humain ne connaîtrait jamais, ni l’inspiration artistique, ni le repos mental. Car c’est la porte ouverte à la création aussi bien qu’à la ré-création. Par un « décrochement » spontané ou appris, on modifie ses ondes cérébrales. Le Pratyahara se signale sur le tracé encéphalographique par le passage des ondes Bêta rapides aux ondes Bêta lentes, puis aux ondes Alpha.

Gabriel Monod-Herzen : Silence et Langage

Ce n’est pas facile d’obtenir le silence intérieur et d’empêcher les pensées de remonter à la surface. Un des moyens est de leur opposer l’indifférence. Si nous laissons les impulsions intérieures déterminer notre conduite, notre attitude, nous sommes pris dans le piège, alors que si nous sommes indifférents… Les Indiens disent que nous sommes des postes émetteurs-récepteurs, les huit-dixièmes de ce que nous pensons a été pensé par quelqu’un d’autre. C’est une pensée qui court dans l’air, mais nous affirmerons : « Je pense… ». Or il faut évincer le « Je ». Nous sommes inconscients d’une grande partie de notre activité psychologique où le « Je » est absent. Pourquoi ne serait-ce pas pareil ailleurs ? Nous attribuons tout à notre petit moi et alors, il n’y a pas de silence possible.