Nisargadatta maharaj : La conscience est partout

Quand le sentiment d’être apparaît il n’a aucunement l’impression d’être un corps ! C’est de ce sentiment d’être qu’est créé le cosmos tout entier. Au sein de cette création vous disposez également d’une forme, mais vous n’avez nul besoin de vous identifier à elle en tant qu’entité fonctionnant et se déplaçant indépendamment dans le monde. Le principe qui anime et propulse le corps est uniquement cet être, cela ne provient pas du corps. Ce grand spectacle cosmique se déroule dans la conscience et à la fin tout se dissoudra dans cette seule conscience. Méditez là-dessus sans vous identifier au corps et vous, conscience, découvrirez que vous soumettre à cette identité de forme humaine est l’action de Mâyâ, l’illusion.

Un autre regard, entretien avec J.H. Lartigue

La photo, l’écriture, la pein­ture, c’est pareil. C’est un cachet d’aspirine qu’on prend quand on peut saisir un tout petit peu de ce qui passe. Ça vous calme. Je souffre quand la nature est trop belle. Supposez qu’on m’em­mène en voiture et que je tra­verse des bourgs, des champs de blé sauvages ; alors, je deviens de mauvaise humeur avec les passagers qui ne compren­nent pas pourquoi. Et c’est parce que je laisse tout ça se perdre.

Étienne Wolff : L'Intention cachée

Que ces notions puissent être considérées par les uns comme purement mécanistes, par les autres comme finalistes, cela n’a rien d’étonnant : car c’est le plan même de l’orga­nisme qui est présent sous une forme concentrée, télégraphi­que, et qui se déroule suivant un mécanisme monté dans le temps et dans l’espace.

Jean Klein : Écoutez sans interpréter

En tout cas, dans l’enseignement qui vous est ici transmis, les mots sont seulement une image, écoutez-les sans les inter­préter, afin de sentir ce qui est derrière, ce qui passe par leur intermédiaire. Laissez vivre la formulation sans intervenir, sinon, ce que l’on a entendu devient intellectuel, on cherche à s’en souvenir ; or, ces phrases sont déjà mortes, la mémoire est un cimetière.

Michel de Salzmann : Les miettes du festin

Sans doute ne peut-on blâmer des tentatives de bonne foi – quoique à l’évidence prématurées – pour n’avoir pas réussi à relever un défi presque impossible, celui de transmettre, hors de son terrain propre, l’essence métaphysique d’un enseignement qui a pour fin, comme pour origine, la « réalisa­tion » des potentialités de l’être et de ses « pouvoirs correspondants de manifestation ». Mais comment, par ailleurs, ne pas savoir que toute naïveté, toute pré­tention, dans ce domaine, risque fatalement d’exposer les autres aux pires méprises, de provoquer inconsciem­ment plus de mal que de bien…

Pierre Schaeffer : Dialogue apocryphe avec Monsieur Gurdjieff

Quelqu’un lui a demandé un jour d’où venait cette musique. Il n’a pas répondu mais indiqué qu’elle venait, bien entendu, du même lieu que des danses, et que c’est grâce à la mémoire des mouvements qu’il s’était souvenu de la musique. La raison qu’il donne est cette correspon­dance mathématique, ces fameuses lois. Moi je veux bien, mais je crois, plus simplement, qu’il est comme tout vir­tuose : sa mémoire musicale est désor­mais dans ses muscles. Un pianiste joue Chopin sans avoir besoin de se remé­morer. La partition est dans le corps.

James Moore : Gurdjieff et Katherine Mansfield

Et voilà que, tout à coup, — c’était le bouquet —, surgissait Katherine Mansfield. « M. Gurdjieff n’est pas du tout comme je pensais », écrit Katherine, « il est comme on veut vraiment le trouver. Mais je suis absolument sûre qu’il peut me mettre sur la bonne voie en toutes circons­tances… » Et maintenant qu’il l’avait acceptée, quel poids pour Gurdjieff : le terrible diagnostic des médecins, le problème des soins intensifs, à lui assurer la mise en péril de son Institut par la mort d’une femme célèbre… Évidemment, il avait prévu ces difficultés, les avait mises en balance avec le besoin de Katherine et, tout bien pesé, les avait écartées. « Pour cela », écrit Ous­pensky, « il a reçu, au cours des années, et avec les intérêts, son plein salaire de mensonges et de calom­nies ». (Fragments d’un Enseignement inconnu.)

Jean Klein : « Je » n'est pas un concept

Vous avez profondément ancrée en vous l’idée que chaque objet, votre environnement, sont distincts de vous, hors de vous. De même, la sensation, votre corps sont des objets parmi les autres pouvant être regardés comme séparés de vous. De ce poste d’observation purement mental, votre ego perd alors son opacité. Vous verrez ensuite que vos pensées, la pensée moi, vos émotions, sentiments de sympathie-antipathie, ne sont également que des objets perçus. Cette distancia­tion vous amènera à vous situer spontanément comme Ultime Connaisseur, et votre notion du moi perdra ainsi ce qui lui reste de substance. L’environnement conçu auparavant comme un amas d’objets se trouve transmuté. L’objet n’est plus un objet, il est désormais une prolongation, une extension, expression de la Conscience, du Soi. C’est le résultat d’une compréhension totale, d’une saisie instantanée. Cette expérience est d’une autre nature que l’assimilation qui procède par étapes.

Hervé Soupiron-Michel : Le Zoo Humain

Le drame de cette humanité c’est de s’être persuadé qu’il valait mieux inventer sa provenance plutôt que de la vivre. Et pourtant, quand je les observe je vois clairement se manifester le flux de vie qu’ils ont tous en commun : fleuve, rivière, ruisseau, torrent, source ; je vois ce flux aborder leurs corps sclérosés, réels ou imaginés, essayer de se frayer un chemin, contournant les écueils que lui oppose la marionnette de bois qu’ils ont construit durant toute leur vie, souvent sans en avoir eu conscience.

Autour de l'enseignement de Gurdjieff, entretien avec Henri Tracol

Le psychisme dont il parle est visiblement du domaine de la manifestation, alors que le spirituel relève de ce qu’il est réellement. Mais il n’y a pas là pour autant une condamnation de la manifestation au profit de l’essence. La perspective qu’il ouvre est celle d’un accomplissement, par la fusion du psychisme et du spirituel, en sorte que la manifestation de l’homme émane de son essence réelle, au lieu de s’imposer à lui du dehors.