Theodore Roszak : Le monstre, le titan et la nouvelle gnose

Connaître Dieu par l’ordonnance des choses est une déduction, peut-être fragile aux yeux des logiciens sceptiques, mais de caractère au moins vaguement scientifique. Connaître Dieu par la puissance de l’instant est une épiphanie, une connaissance qui nous mène loin de la respectabilité scientifique. Pourtant, c’est là que la gnose atteint son sommet, devient connaissance acceptant de se plier à la discipline du sacré. Elle ne se ferme pas devant les épiphanies qu’offre la vie sous prétexte qu’elles seraient « simplement subjectives ». Elle permet plutôt à l’expérience de s’étendre, elle l’invite à prendre tout son sens. Après tout, si Galilée avait raison de traiter de fous les hommes qui refusaient de regarder la Lune dans un télescope, que devrions-nous dire de ceux qui refusent l’invitation de Blake à voir l’éternité dans un grain de sable ? La gnose tente d’intégrer ces moments d’émerveillement extatique ; elle les considère comme une avance sur la réalité et, de loin, la démarche la plus excitante qu’ait entreprise l’esprit. Car là est la réalité qui donne à nos vies leur sens transcendant.

Michel Random : Libres propos sur Stéphane Lupasco

Je suis un amoureux : par tempérament et par vocation sans doute, je suis à l’égard de Lupasco un amoureux contrit : car si comme moi vous allez à travers ses livres à la pêche que de perles n’allez-vous pas ramener. Des perles oui, mais à quel prix. En voici une : « L’univers, toute chose, est un rêve, pour ainsi dire en soi : la trame du monde s’il existe et, chose étonnante, afin qu’il existe, est faite de rêve »…

Raymond Ruyer : Le sourire de l’oracle

L’oracle me fit comprendre que, dans l’état de pénurie, l’inégalité est plus grande que dans l’état d’abondance. Lorsqu’on se plaint aujourd’hui de l’invasion du ciment, du plastique, de l’automobile, des appareils ménagers, on croit se plaindre de la civilisation industrielle. Mais on se plaint en réalité de l’égalisation démocratique, de la démocratie économique et du fait que trop de citoyens sont à leur aise et sont capables d’acheter auto et maison de campagne. Plus il y a de gens « à leur aise », plus les villes et les campagnes étouffent. Nous ne respirons encore que parce que la démocratie économique est imparfaite et qu’il y a toujours des pauvres et des peuples pauvres. L’abondance pour tous serait l’asphyxie et la paralysie universelles. La pénurie pour presque tous, l’abondance relative et le luxe pour quelques privilégiés, tel est le seul état stable possible.

Michel Random : École française des graveurs visionnaires : un monde à la recherche d'une renaissance de l'univers

Tout discours sur l’art est un discours piégé. On risque les généralités et la louange fleurie, et ces louanges ne sont souvent pas justifiées. Parler d’art est difficile et d’art visionnaire encore plus. Car, l’art visionnaire n’existe pas. Ce qui existe, c’est soit une œuvre rare et privilégiée dont la force et la beauté sont le résultat du talent et de la technique certes, mais plus encore de convergences réussies : c’est l’inspiration qui traversant le fond et la forme s’impose, se burine elle-même, prend corps à travers un poète, un musicien, un graveur, s’incarne en paroles, musique ou signes, se génère elle-même comme source inépuisable d’inspiration et de vision. A ce degré, nous avons quitté l’imaginaire, pour parvenir en cette terre où les choses, les idées et les sentiments n’ont plus un corps mais une « corporéité »…

Iegor Reznikoff : Entrer dans la résonance... pour une écologie de la musique

Dans l’expression musique sacrée, le terme sacré est le plus important, la musique vient après. L’art sacré n’est pas un art en soi ; c’est un art fonctionnel, l’outil par excellence pour aider à la prière, pour entrer dans le monde de l’esprit, par définition difficile à aborder. Mais un outil de beauté, de cette beauté platonicienne qui aide à la contemplation. Alors que l’architecture romane influe par ses volumes, et l’icône par ses lignes et la vision, le son agit directement sur tout le corps, extérieur et intérieur, par la vibration. Le son fait vibrer la colonne vertébrale, la poitrine, la gorge, la région frontale, le sommet de la tête, tous ces lieux contemplatifs, ces lieux de la conscience profonde, qui constituent le corps contemplatif ou encore le corps de lumière.

Michèle Reboul : La conception chrétienne du temps

La notion de la fin du monde a son origine dans la perspective eschatologique du christianisme, d’un temps qui a commencé avec le monde et finira avec lui, d’un temps lié au dessein de Dieu sur l’homme et, partant, d’une évolution créatrice de l’histoire. Le temps n’a de sens que dans la mesure où il s’abolit lui-même en permettant à l’œuvre de la création de s’accomplir, il est le signe et l’épreuve de la liberté. Par suite, des philosophes qui n’admettent ni la création, ni la liberté, ni la transcendance de Dieu sur l’homme sont amenés à nier le temps, à séparer le temps de l’éternité, comme l’imaginaire du réel, alors que l’eschatologie chrétienne est fondée sur l’union paradoxale du temps et de l’éternité.

Dr. Dirk Quatannens : La théologie occidentale

Dans la religion du Feu le monde était uni, avait les mêmes aspirations, les mêmes espoirs, à travers les diverses formes des religions dites païennes. Le courant dit Chrétien étant une synthèse typique à tendance eschatologique de cette religion fondamentale de l’Orient, il trouvera en Occident un sol propice et déjà préparé pour commencer son œuvre de Christianisation qui au fond n’était qu’une œuvre de transformation et d’adaptation aux données ésotériques de l’école de Nazareth et l’établissement du code moral israélite et rabbiniste.

Lizelle Reymond : Hui-Neng, le sixième patriarche

Les novices, arrivés après l’hiver et qui suivaient l’étroit sentier de l’instruction des aînés, marchaient, l’affliction alourdissant leur cœur. « Brillante est votre intelligence, leur avaient dit leurs Maîtres, et profonde votre volontaire obéissance à l’orthodoxie. Mais à partir de maintenant servez aveuglement votre Abbé, et le jour viendra où vous vous assiérez à l’Assemblée des moines, une fleur dans vos mains, le sourire sur vos lèvres, dans la félicité parfaite. Plongez sans crainte dans la soumission entière. » Mais le Quatrième Bouddha, leur Abbé, se mourait lentement.

Daniel Ram : « L'Arbre de la Vie » et le Chemin de la Délivrance

Le principal sujet de conflit pour les spiritualistes est l’opposition apparente des conceptions orientales et occidentales. Mais, et c’est le sujet de cette causerie, le fondement ésotérique de toutes les conceptions philosophiques et religieuses est le même, en Orient comme en Occident. Une seule et même tradition exprime sous des vocables différents, une même vérité symbolique qui, de plus, s’avère en parfaite concordance avec les conclusions de la science la plus moderne.

Michel Random : Abdus Salam : L'unité des quatre énergies de l'univers

La physique du vingtième siècle a donc démontré que la vision organique du monde devient très utile au niveau subatomique. Il sera donc possible de démontrer l’unité organique du monde. Quelles sont les conséquences philosophiques et spirituelles d’une telle démonstration ? Nous avons une sorte de correspondance entre le plus grand et le plus petit. Il nous semble qu’on peut percevoir l’unité organique du monde.