Règne après règne, la Terre a ausculté le lieu de son être. Et peu à peu, comme une fleur s’ouvre jusqu’en son cœur, la conscience s’est déclose et, d’étape en étape, a recréé le monde. Du néant de l’inconscience initiale, la conscience a lentement émergé, s’exprimant à travers d’impuissants et sublimes instruments, cherchant de plus en plus par leur chenal à capter la vérité du monde. Et le fruit de ses couches a été la cendre et les roches aveugles, a été l’herbe et la forêt aux harpes végétales, a été la larve et l’insecte, le fauve et la bête innocente, miracles myriadaires. Mais aucune de ces formes n’a pu nommer le monde, ni encore moins en deviner l’au-delà. Perdue en un songe insondable, l’âme de la Terre a sans relâche aspiré à la consciente étreinte du ciel, à l’union avec le Soleil dont elle vient et dont ses flancs conservent la mémoire comme en un sanctuaire interdit : en son tréfonds, parmi le feu des magmas sans fin renouvelés, se forment imprévisiblement le visage et le corps des nouvelles créations, des cristaux arachnéens, des fleurs enchantées, des animaux magiques, mais dont la beauté est frappée de cécité ou de stupeur — et pendant des milliards d’années, la Terre a prié et enfanté, sans que lui naquit celui qui saurait voir.
Archaka : La fin du péché originel
