Paul Chauchard : Teilhard et la révolution du cerveau

C’est oublier que si l’homme apparaît ainsi c’est qu’une mauvaise éducation a fait de lui un « cérébral » c’est-à-dire quelqu’un qui ne sait pas utiliser correctement son cerveau machine à vivre. C’est le cas des intellectuels enfermés dans leurs idéologies et leurs verbalismes, des faux spirituels méprisant la chair, mais aussi des faux manuels sans créativité du travail en miette. Toute activité vraiment humaine doit être expression corporelle de créativité joyeuse. Ainsi l’homme n’est pas mal fait, mais dénaturé par une mauvaise éducation.

Philippe Camby : Prêtre ou poète : proclamer la langue des dieux

Cette expérience grandiose, l’extase poétique, est celle d’une expansion infinie des facultés de l’âme. Le chant, la phrase, le mot qui en sont le moteur établissent ou révèlent un accord entre l’esprit du monde (l’esprit de la Terre !) et celui de l’homme. L’âme, devenue toutes choses, a la révélation de l’harmonie et des correspondances. L’homme devient le sens, l’intelligence et la parole du monde. « Le chant est existence… c’est un vol en Dieu ».

A.-M. Cocagnac : L'apocalypse et ses images

Les mythes originels sont les propositions sémantiques de la vie elle-même. Cette vie est à la fois extérieure et intérieure. Elle rejoint, d’une part, l’environnement cosmique et, de l’autre, elle descend dans la profondeur du cœur pour rejoindre ce que Tauler nommait le Grunt, la couche profonde de l’être, « celle que l’on atteint en le débarrassant de toutes ses superstructures… des images fabriquées par la raison et par les sens »

Jean Chevalier : 4 Livres pour ressusciter le diable

Jamais, peut-être, le diable n’a été plus à l’ordre du jour, plus actuel qu’en ce moment, avec tous les phénomènes de sorcellerie, de magie, d’envoûtements, de possessions, de talismans, de démesures que l’on se complaît à décrire. Un procès retentissant est en cours en Bavière sur des scènes d’exorcisme qui n’ont pas préservé une jeune fille d’une mort singulière. Des films, comme « l’Exorciste » ou « la Malédiction », qui remettent le diable en vedette, ont attiré des millions de spectateurs. Fictions impressionnantes sur le rôle d’un personnage aussi puissant qu’intelligent dans sa malfaisance, Satan, « une sorte d’être méchant, railleur et raisonnable », disait Dostoïevski, et qui mène le monde de désastre en désastre, de désordre en désordre, de crime en crime.

Roger Caillois : Classification des Jeux

On connaît l’extrême qualité d’attention que Roger Caillois (1913-1978) voue aux objets qu’il appréhende, son approche du Sacré, non certes à la manière de Georges Bataille dont la philosophie du sacré est, elle, liée au primat de l’expérience intérieure, mais bien plutôt ici par un entier regard, oui le regard de Caillois qui envahit, pénètre toutes les données, tous les aspects d’un même problème du sacré, en l’occurrence, celui des Jeux : ils nous communiquent, si nous méditons sur eux, cette sorte de ferveur ou mieux peut-être d’émoi intellectuel que nous apportent aussi la poésie et certains rêves.

Maurice Lambilliotte

A.-M. Cocagnac : Voyage au pays de l’âme ouverte

Une question pourtant demeure. Il semble que certains états de méditation puissent déclencher la perception élargie induite généralement par l’acte sexuel. L’accès au « septième ciel » ne passe pas toujours par la satisfaction viscérale. Certes, l’expérience que recouvre cette métaphore cosmologique peut être de nature très diverse : l’union au Dieu personnel des chrétiens n’est pas la fusion avec le Brahman ou l’expérience du Vide propre aux bouddhistes. Il semble cependant que l’élargissement de la perception habituelle caractérise toutes ces manifestations de type extatique. On pourrait donc parler d’une « échancrure de la conscience » commune à l’orgasme pleinement vécu comme à l’extase apparemment la plus désincarnée.

Jean Chevalier : 6 Livres pour redécouvrir les symboles

Le sens des symboles s’est atrophié dans la conscience contemporaine, du fait surtout de la prédominance des sciences exactes et des techniques. Comme des eaux souterraines comprimées, ils rejaillissent aujourd’hui. Le succès de l’exposition « le Symbolisme en Europe », à Paris, au Grand Palais, en 1975-1976, en fut un éclatant témoignage. Déjà, la psychanalyse, l’ethnologie, la linguistique, la secousse surréaliste, la révolution culturelle du désir, l’irruption des vagues orientalistes, l’apparition d’une nouvelle gnose, la rébellion des « nouveaux philosophes » et les déconvenues des prétentions positivistes quant au sens et aux finalités de la vie humaine ont remis en lumière l’importance méconnue des symboles.

A.-M. Cocagnac : De la pop-music au grégorien

Descendre dans l’abîme du son n’est pas une aventure extérieure. C’est une plongée dans l’espace intime du cœur. Tout ce que l’homme refoule et, bien au-delà, tout ce qu’il ne peut atteindre par la petite échelle du langage interne s’ouvre brusquement devant lui comme le gouffre sous les pieds d’un spéléologue à bout de corde. Le son apparaît alors non plus comme une vibration mesurable mais comme la tentation d’un voyage au plus profond de l’âme. Il y a tout lieu de croire, de craindre, que ce voyage soit sans retour.

A. - M. Cocagnac : L'église et les mystères perdus

L’homme connaît, au cours de sa vie, plusieurs âges critiques. « Critique » signifie ici « qui contraint à choisir ». L’adolescent, l’adulte, l’homme sur son déclin se trouvent acculés à de telles déterminations. Cette « critique » alors semble dure, elle suppose des éliminations douloureuses. Elle doit écarter le relatif pour découvrir l’essentiel. L’enfant abandonne un certain droit au jeu, l’homme mûr quelques illusions du pouvoir et le vieillard l’espoir d’être temporellement immortel. L’Eglise connaît aujourd’hui un âge critique : c’est la preuve de sa vie. Si le terme d’autocritique n’était pas, parfois, si malsonnant, il faudrait l’appliquer à l’urgent discernement qui s’impose maintenant à sa conscience.

Maryse Choisy : Symboles et mythes

Nous oublions que les mythes valent ce que valent les hommes qui les nourrissent. Nous oublions que le mythe est une projection extérieure du conflit entre les instincts de vie et les instincts de mort, du conflit amour-haine, au plus secret des âmes. Voilà pourquoi tous les mythes cultivent l’amour pour certains êtres et la haine pour les autres. Il leur faut des alliés et des ennemis. « Dans les ennemis ils rangent tous ceux qui s’opposent à la convention mythique, soit par leurs actes, soit par leur existence même, soit parce qu’ils ont le malheur de prouver que le système auquel on a besoin de croire, ne s’impose pas rationnellement à toutes les intelligences. »