Michèle Reboul : Spinoza, l'homme ivre de dieu

Toute la philosophie de Spinoza est centrée sur cette certitude : Tout est en Dieu, Dieu est Tout, mais rien n’est Dieu. C’est pourquoi il est faux, comme le disent trop souvent bien des commentateurs (qui semblent n’avoir jamais lu directement Spinoza), de parler de panthéisme spinoziste. Il y aurait panthéisme si le monde et tout ce qu’il contient était Dieu. Mais il y a une totale différence de sens et même une opposition entre le fait de penser que tout est Dieu (panthéisme) et que tout est en Dieu. Dans premier cas (le panthéisme), tout est identique ; dans l’autre (le spinozisme), tout est uni à Dieu, car Dieu étant l’Un, unifie toutes choses et tout être en Lui. Dans l’identité, il n’y a ni mouvement, ni vie, ni amour. L’unité, elle, permet une union de plus en plus consciente dans une vie de désir et « d’amour intellectuel ».

La réalité sensorielle. Libres propos de Michel Random

Il y a évidemment un fil d’or, un fil interne qui relie les propriétés de toutes choses, qui fait le pont entre le qualitatif et le quantitatif, le monde de la matière et celui de la pensée, entre l’événement instantané, la réalité soudaine, l’apparition spontanée et mouvante des choses, et l’espace-temps. Il existe ce fil qui est au-dehors et au-dedans, qui forme et informe, qui modèle et crée, qui partant de l’infiniment grand à l’infiniment petit, se manifeste avec la même cohérence, la même puissance d’obstination si l’on peut dire, ce fil qui ne lâche lui jamais prise, que rien ne peut entamer, qui a toujours été et qui probablement sera toujours. Et ce fil de toutes relations, ce fil enchanté, n’est autre que le vivant.

Dominique Casterman : La passion philosophique et la quête du sens

Comment ne pas voir que la nature entière est vivante, que tout est lié, que toutes les cellules, tous les atomes de notre corps sont des entités créatrices au même titre que l’intellect et l’esprit humain? Prendre conscience que le principe de notre conscience ne repose pas seulement sur notre corps, mais aussi sur le corps de l’univers dans son ensemble invite à cesser de vouloir maîtriser et exploiter la nature exclusivement pour nos propres fins…

le Dr M. Engelson : L'Inversion

C’est là que réside la différence fondamentale entre l’ « animal » (qui ne « se voit pas », au sens métaphysique du terme, — qui n’a pas la « conscience de conscience »), entre l’ « homme » (qui « se voit dans le miroir », donc qui croit se voir, mais qui ne perçoit que son image inversée et, par conséquent, factice : « Maia », à laquelle il manque de surcroît une « dimension », du fait de l’inversion subie), enfin le « surhomme » (qui se voit en « réel », dans l’absolu, c’est-à-dire intérieurement, en lui-même, et non extérieurement dans un miroir), réalisant ce stade ultime d’inversion, dont Abellio a donné une si fulgurante analyse.

Maurice Lambilliotte : Le Sens de la Création

La connaissance — et peut-être est-ce ce mot qui est ambivalent — doit donc pouvoir nous conduire effectivement hors de la dualité. Même dans l’état d’individu et pourtant sans que cette dualité dépassée, soit absurde ou niable pour tout ce qui concerne le « plan ». Une telle contradiction ne peut paraître irréductible que pour l’intelligence rationnelle et objectivante. Elle ne l’est certainement pas, du point de vue de certains états d’évidence, de communion consciente et d’effective reliance.

Jean-Charles Pichon: Il s’agit de renverser les croyances

Les dieux sumériens, les dieux tauriques ont tendu à une plus grande universalisation que les dieux géméliques et ils sont arrivés à l’universalisation par cette idée de création qui est quand même commune à tous les hommes ; Jehova, Brahman, et les dieux de justice ont tendu à aller plus loin dans la pénétration de l’humanité et ils y sont arrivés en restreignant la cité à la tribu, à la famille, au foyer. Les dieux d’amour ont encore tendu à une universalisation plus grande et ils y sont arrivés par une restriction de la tribu au couple. Actuellement, si l’on veut aller à une universalisation cosmique, on a l’impression qu’il faudra atteindre à l’individu. C’est l’individu qui doit être au niveau de l’univers, qui doit s’intégrer et se réaliser dans l’univers.

Marcel Hennart : Vie et Unité

Sans fin, l’Univers, fuyant l’unité fondamentale qui se trouve en lui, s’échafaude en organismes de plus en plus compliqués. Cependant, à chaque étape, se retrouve, transformée, sublimée peu à peu, l’éternelle inquiétude. La soif de l’Unité perdue, l’obscure soif de Dieu, embrase l’Univers. Certes, mille preuves physiques ne valent pas une seule intuition de l’âme. Ce désir, ce besoin d’Unité tourmentant la Création qui se connaît séparée, nous l’éprouvons au plus aigu de l’esprit.

Marcel Hennart : Nostalgie de l'Unité

On rencontre assez fréquemment la conception dualiste. Elle s’applique, d’ailleurs, aux notions les plus diverses qui soient notion du monde réel et du monde illusoire, notion de l’être et du non-être, notion de l’âme et du corps, notion de l’amour et de la raison, notion du bien et du mal… notions plus physiques, enfin. Il est curieux de voir combien ces notions sont anciennes et se retrouvent chez les peuples les plus dissemblables.

Marcel Hennart : La joie de l'unité

C’est le même souci constructif, la même recherche de l’Un qui a conduit le mental à ce qu’on appelle communément : le désir de l’ABSOLU. La connaissance des différentes beautés nous amène à la connaissance de l’essentielle Beauté ; la connaissance des différentes vérités nous amène à la connaissance de l’essentielle Vérité. Ainsi est possible pour le mental la connaissance de l’Être, muni des différentes perfections, dont nous ne connaissons que des pâles reflets.

Serge Young : Charles Morgan l'art et l'unité de l'esprit

Alors donc, il existe quelque chose en nous qui dialogue avec l’univers tout entier. Et notre solitude que nous croyons sans voix n’est qu’une solitude sans oreille. Quelque chose détient le secret que nous cherchons en vain. Et il suffit d’écouter, direz-vous ? Mais cela n’est pas si simple. La chair de l’homme a pris une importance extrême. L’homme est perdu dans cet univers des apparences qu’il a voulu à tout prix, concevoir et approfondir. L’homme qui se rue dans sa crainte d’être seul, les bras ouverts, dans sa soif d’étreindre les formes et les surfaces, alors que seule en lui quelque chose est là qui n’est séparé de rien ! La vie des aspects à laquelle il a donné crédit se boursouffle et l’entoure, le retient prisonnier sans parvenir à pénétrer en lui. Il est aveuglé par le temporel et le variable. Il se dispute avec des fantômes qui lui échappent. Il est semblable à celui qui, cherchant la porte de sa cellule, lui tournerait le dos et se heurterait en vain au mur opposé.