Marie-Ina Bergeron : L'homme et sa parole

La Chine a saisi l’Univers comme un Tout vivant et mouvant grâce au jeu d’une bipolarité ciel/terre, visible/invisible, dedans/dehors, yin/yang, à laquelle la graphie n’a pas échappé. Elle aussi procède du yin et du yang « du dedans et du dehors ». Elle germe et se façonne dans l’intérieur de l’homme, royaume de l’intime, du caché, du Yin. Elle est Yang. A la fois yin et yang l’idéogramme est une totalité, à la limite un Tao : « un yin, un yang c’est le Tao ». L’idéogramme Tao « voie », conserve d’ailleurs le sens de « dire », d’enseigner, d’ouvrir à l’homme « la voie de la connaissance ».

Radha Burnier : Apprendre à être satisfait

Nous pouvons admettre que, pour éviter les grandes souffrances, nous devons nous libérer du désir insatiable. Mais les grandes souffrances ne sont que les formes concentrées de tous les petits moments de tristesse, de mécontentement et de manque que nous expérimentons jour après jour. Accumulés, ils deviennent visibles, mais quand ils sont le tissu de la vie quotidienne, nous ne remarquons pas ces petites choses et ne sentons pas que nos petits manques causent tous les problèmes. Cela ne veut pas dire qu’on ne doive pas se procurer ce qui est nécessaire. Une nouvelle bouilloire dans la cuisine peut être nécessaire, et on peut se la procurer. Mais si nous croyons que le fait d’avoir cette bouilloire va nous rendre plus heureux, c’est une idée complètement fausse. C’est une forme d’ignorance d’associer la bouilloire ou tout autre chose avec notre bien-être.

Marie-Ina Bergeron : La Chine et Teilhard

Toute la différence entre la Chine et l’Occident tient peut-être à ce renversement d’attitude à l’égard du monde, à cette inversion des rapports : ici, la nature soi-disant dénuée de toute valeur spirituelle en soi, n’a d’autre raison d’être, que de se plier à tous les caprices, à toutes les fantaisies, à toutes les « mégalomanies » de l’homme d’Occident; là, pour la Chine ancienne, le « ciel » ou nature, est un « maître », l’homme se tient à ses pieds « comme un ruisseau au pied de la montagne » ou « un disciple au pied du sage ». Il l’écoute, il cherche à comprendre son langage non pour l’asservir, mais pour entrer dans l’œuvre qu’elle lui propose d’accomplir de concert avec elle…

Marie-Ina Bergeron : Les 10000 êtres

Les Chinois ont deux façons d’exprimer le cosmos. Il y a la terre et il y a le ciel. Mais il y a aussi le cosmos dans son unité. Il y a à la fois le cosmos dans son unité et dans sa pluralité c’est-à-dire dans la rencontre des 10.000 êtres. « Dans la pluralité cosmique, les Chinois ont inséré l’homme. »

Dr Thérèse Brosse : Image du corps et formation de l'ego

Si, en effet, peu de personnes ont entendu parler de l’état sans ego, au nombre de ces dernières, bien peu également le désirent. Elles apprécient pourtant la disparition provisoire du mental et de son ego dans l’obscurité du sommeil profond, sans rêve, et devraient, semble-t-il, souhaiter davantage encore sa résorption dans la lumière. Il n’en est rien. Nous aimons passionnément notre ego, nous lui vouons un attachement sans limites. Peu importe les souffrances qu’il nous fait endurer; ce mental individuel représente à nos yeux notre vie même, notre intelligence, notre conscience. (…) Nous ne savons pas, ou bien nous refusons d’admettre, que nous sommes, en réalité, cette Conscience sans limites; aussi préférons-nous mille tortures avec notre ego plutôt que la félicité sans lui

Jacques Brosse: Le gout de l'aventure intérieure entretien avec Jean Biès

La démarche intérieure a toujours eu pour moi un très grand attrait, depuis l’introspection de l’adolescence. Quand j’ai rencontré les doctrines psychologiques, j’ai compris que les livres qui m’en avaient parlé ne pouvaient pas être vraiment compris si l’on ne pratiquait pas soi-même, ce qui fut dès lors mon souci constant : chaque fois que j’ai rencontré une discipline, j’ai essayé de la pratiquer…

Radha Burnier : Le fondement de la méditation

Ainsi, la méditation est ce processus par lequel le pouvoir de perception devient plus profond, plus clair, plus intense, de sorte que nous pénétrons directement au cœur des choses, que nous voyons, non seulement la forme extérieure, mais l’essence intérieure, non seulement le cœur de l’être intérieur des personnes ou des choses pré-sélectionnées, mais la signification de la vie dans son ensemble.

Une alchimiste parmi nous: Marie-Louise von Franz

Les hypothèses fondamentales de la physique sont des images archétypiques, c’est-à-dire énergie, particules, etc. Ce sont donc en dernière analyse des images psychiques (mentales). Au contraire, si l’on descend dans les couches les plus profondes de l’inconscient, on parvient à une couche qui n’est plus purement psychique, mais semble miroiter des faits physiologiques, ou plutôt atomiques. C’est comme si l’on s’approchait d’une réalité unique (que Jung appelle unus mundus) par deux côtés différents, qui n’est plus psychique et pas davantage matérielle, le « mystère de l’être ou de la vie » qui transcende notre compréhension.

Jean Biès : Mystères du cerveau, splendeurs de l’esprit

Le fait est que, de plus en plus, de nombreux scientifiques ne se contentent plus de l’approche déductive du rationalisme, ni de la démarche inductive de l’empirisme, mais tendent vers une certaine «imagination créatrice» qui les rend fraternels à des poètes comme Blake, Héraclite, Rûmi. On ne peut plus nier que si la volupté est l’extase du corps, et le satori, celle de l’esprit, il est d’autres extases, mentales celles-là, qui surgissent on ne sait d’où, brisent les conditionnements, telles de brusques incursions de printemps dans la grisaille des automatismes, de soudaines descentes d’une grâce singulière, des visitations exquises, imprévues, incandescentes, les épanchements d’une autre conscience: ce sont les sourires du cerveau.

Mircea Eliade : L’or et l’immortalité

On peut dire que l’alchimiste a achevé la dernière phase d’un projet très ancien qui naquit quand les premiers hommes entreprirent de transformer la Nature. Le concept de la transmutation alchimique est donc la dernière expression de cette croyance immémoriale de l’action humaine sur la transformation de la Nature. Le mythe de l’alchimie est un des rares mythes optimistes : en effet, l’opus alchimicum ne se contente pas seulement de transformer, de parfaire ou de régénérer la Nature ; elle confère la perfection à l’existence humaine, en lui donnant santé, jeunesse éternelle et même immortalité.