Dominique Casterman : Robert Linssen, Un penseur de notre temps à l’intersection des sciences et de la spiritualité

Les aspects visibles et invisibles de l’univers sont une totalité une. Il n’y a aucune dualité radicale entre ce que nous définissons conventionnellement comme étant de l’ordre du physique, du psychique et du spirituel. C’est la tendance exclusivement analytique du mental qui découpe, par le moyen de la pensée fonctionnant en mode dualiste, cette totalité une en entités séparées. Dans les faits bruts, il n’y a pas d’esprit qui soit opposé à la matière, pas de dedans qui soit opposé au dehors, en bref il n’y a pas de cloisons étanches car tout est solidaire de tout.

Dominique Castermane : L’éveil spirituel

L’être humain est à la fois corps, conscience de soi (esprit) et raison. Par le corps, qui est un mode de la nature, il est spontanément (dans le sens de forcément) relié au monde ; par la conscience de soi il se vit comme un individu à part de la nature ; et par la raison il redécouvre son appartenance planétaire et sociale. La difficulté est de trouver l’équilibre corps-esprit-raison, c’est-à-dire nature biologique, liberté individuelle et intégration au monde sans s’aliéner à des systèmes doctrinaires ou des croyances…

Ioan Culiano : Eliade ou le refus du symbolisme…

La structure et la fonction du symbole reli­gieux sont analysées par Eliade dans de nombreux endroits de son œuvre. Un brillant essai appartenant au recueil La Nostalgie des origines (1971) est consacré tout particulièrement à ce problème. Par ailleurs, Eliade exprime souvent son adhésion (conditionnée) à l’œuvre de Carl Gustav Jung et à son interprétation des sym­boles. Ici, ce n’est plus l’historien des religions, mais le philosophe et l’anthropologue qui parle. Pour celui-ci, il est fort vraisemblable que les symboles continuent de mener une existence occulte dans les couches archaïque de la psyché, pouvant être actualisés soit par un effort conscient, soit à cause d’une maladie psychique. Mais, à y regarder de près, ni l’historien des religions qui décrit les symboles, ni le psycho­logue qui s’occupe de leur fonction psychique n’ont encore entamé le discours qui concerne l’origine et l’essence des symboles.

Maurice Cocagnac : Dieu Violent

« Dieu » est un très gros mot qui dégage autant de chaleur que de lumière. Qu’on l’affirme ou qu’on le nie, qu’on le loue ou qu’on l’invective, Dieu est encore, pour bien des hommes d’aujourd’hui, l’objet, le sujet et la cause de mouvements de l’âme, d’émotions et de passions que la raison ne parvient pas à tempérer. Il dégage des fièvres de nature contradictoire. Au nom de Dieu on peut soigner les lépreux, veiller les mourants, s’immerger dans la misère pour être plus proche des plus pauvres. On peut pratiquer une non-violence héroïque mais tout aussi bien participer à la guérilla urbaine ou conduire à la mort des adolescents mystiquement surchauffés.

Tao de la physique, physique du tao entretien avec Fritjof Capra

Les physiciens explorent les niveaux de la matière, les mysti­ques explorent les niveaux de l’esprit. Et ce qu’ils ont en com­mun dans leurs explorations, c’est que ces niveaux dans les deux cas se trouvent au-delà de la percep­tion sensorielle ordinaire. Cela vaut également pour les physi­ciens. La physique quantique est aussi un mode non ordinaire de perception par des instruments très sophistiqués. Ainsi, d’une part, on a des scientifiques qui sondent la matière au moyen d’instruments très sophistiqués et, d’autre part, on a des mystiques qui sondent la conscience avec des techniques de méditation très sophistiquées. Tous deux attei­gnent des niveaux de perception non ordinaires, et à ces niveaux non ordinaires, il semble que les structures et les principes d’orga­nisation qu’ils observent soient très similaires…

Pierre Crépon : Les Évangiles gnostiques présentés

Les textes gnostiques trouvés dans la biblio­thèque de Nag Hammadi montrent l’extrême diversité des éléments constituant le gnosti­cisme aux 3e et 4e siècles. La majorité de ces textes n’ont de chrétien que le cadre et ils ne renferment que des révélations stricte­ment gnostiques. D’autres, au contraire, se rat­tachent plus ouvertement à la tradition chré­tienne et les thèmes gnostiques y apparais­sent plus subtilement. Dans cette dernière catégorie entre, au premier titre, le célèbre Évangile selon Thomas, mais aussi d’autres textes moins connus tels que l’Évangile selon Philippe et l’Évangile de Vérité dont nous présentons ici des extraits.

Michel Camus : Visages immobiles de Raymond Abellio, Un grand livre dantesque

Dans Visages immobiles, la fosse de Babel n’a plus de fond, elle est devenue insondable. Cet abîme, qui est celui du dehors, appelle l’abîme du dedans : voici les yeux d’Ezéchiel désormais sans visage. Imaginez l’étincelle d’un regard sans yeux et sans visage, ce n’est pas une fiction, c’est autre chose. Car il y a deux romans dans le dernier roman d’Abellio : le roman secret du huitième jour, celui de l’homme intérieur, celui qu’il faut méditer entre les lignes et qui juge celui qui le médite, et l’autre, celui-ci dramatique, l’immense roman du terrorisme poli­tique à l’échelle planétaire…

Paul Chauchard : Temps et nature humaine

Nous voyons ainsi combien le temps importe à la nature de l’homme. Celui-ci, bien plus que l’animal, va en prendre conscience. Mais il ne se rend pas assez compte combien le temps est une réalité de sa chair, combien le temps l’a marqué et le marque, contribuant à le faire ce qu’il est, assez autre peut-être de ce qu’il aurait pu être. Le temps, c’est le dynamisme même de notre être en évolution constante, c’est la présence de tout notre passé dans notre présent, à notre insu même. Prendre conscience du temps, ce n’est donc pas connaître le cadre extérieur de notre vie, mais jeter un regard sur la réalité même de notre être.

Jean Chevalier : La pensée rationnelle n'a pas réussi à tuer la pensée symbolique

L’allégorie, comme le disait Henry Corbin, n’est « qu’un travestisse­ment du connu et du connaissable », tandis que le symbole vous transporte à un autre niveau de perception ou de connaissance, à la découverte d’un autre niveau d’être, que celui qui est immédiatement signifié. C’est ce qu’on appelle le pouvoir d’anaphore du symbole : sa capacité de vous transporter, de vous faire traverser le sens premier du signe. L’allégorie est un procédé simple : l’image signifiant directement une idée ; par exemple, une figure de Vénus, ou de Cupidon avec son arc et ses flèches, désignant l’amour ; des balances, la justice. Le rapport reste ici superficiel, banalisé formel, conventionnel ; il conduit à l’académisme. L’allégorie ne dépasse guère le plan des procédés de rhétorique. C’est en somme une traduction imagée et univoque d’une idée ou d’un sentiment. Le symbole agit au contraire comme une suggestion, une provocation, une sollicitation immanentes et il ne craint pas l’équivoque. Son sens profond peut être à l’opposé de son sens apparent…

Paul Chauchard : Zen et psychosomatique

La grande découverte de la psychophysiologie moderne, c’est que l’équilibre harmonieux du corps et de l’esprit dépend des centres révélateurs de la base du cerveau, centres de la vigilance et de la paix intérieure, de l’érotisme de vie dont nous avons fait les centres de la folie du corps, de la distraction énervée, de l’angoisse et de la mort. L’énervement est le contraire de la vigilance qui passe au contraire par les techniques de relaxation et de calme pour nous mettre dans l’optimum d’un état de conscience normal.