Mgr Germain : L'orthodoxie aujourd'hui: une gnose vivante

En entrant dans l’Eglise Orthodoxe il faut se débarrasser de toute conception juridique de type culpabilité, rachat ou péché qui consisterait à ne pas assister à la messe une fois par semaine, ou encore de tout dilemme entre le mérite et la récompense. On se trouve avec elle, en effet, dans une Eglise «primitive» au cœur de laquelle rayonne non la bonne organisation basée sur l’autorité mais le symbole et le rite. Elle sait en outre que par la seule méthode de l’instruction intellectuelle, d’ailleurs inévitable et indispensable, c’est-à-dire par l’instruction scolaire ou universitaire, comme par le catéchisme, il est impossible d’avancer dans la connaissance vraiment spirituelle. Dans cette méthode on demeure en dehors ou à côté du contenu.

La découverte de la vie dans ma vie Un entretien avec Jeanne Guesné

Un enfant né à six mois et demi ne vivra pas; à sept mois on le mettra en couveuse et il vivra. De même pour un bouton de rose sur le rosier: si on sait quand et à quelle hauteur de la tige le couper et que l’on met cette tige dans l’eau, la fleur s’épanouira. Cela se situe précisément dans le temps et dans l’espace. Quelques millimètres en amont ou une journée plus tôt, la fleur serait morte. Et bien pour nous c’est pareil; c’est ici que le travail doit se faire. Seulement nous l’oublions constamment, préoccupés par des notions de rendement, d’efficacité, de techniques qui ont, certes, leur utilité. Mais servons-nous d’elles et ne nous laissons pas prendre par elles. N’oublions pas, encore une fois, que l’homme a un rôle à jouer, qu’il n’est pas là pour rien.

Vers une nouvelle vision du monde Entretien avec Fritjof Capra

On peut dire qu’il y a deux thèmes principaux en physique moderne et, en fait, dans la science en générale. Regardons d’abord la physique. Le premier thème est l’unité de tous les phénomènes et leur interdépendance. Le monde n’apparaît plus comme un assemblage d’objets mais plutôt comme un réseau de relations inséparables. C’est donc l’expérience des physiciens qui leur a montré les limites de la notion d’objet et qu’il valait mieux la remplacer par la notion de pattern ou modèles énergétiques. Le deuxième thème dit que cette réalité, ce réseau de relations, est intrinsèquement dynamique.

Konrad Lorenz : Les grandes étapes de ma carrière scientifique

Cinq étapes marquent mon histoire scientifique. J’ai abordé la théorie de l’évolution grâce au livre de Bölsche et de Selma Lagerlöf ; j’ai appliqué la méthode comparative au comportement avec l’aide d’Hochstetter, je me suis lancé dans l’éthologie, poussé par Bülher, tandis que le violoniste du quatuor d’Heidelberg me permettait d’aller plus avant dans la découverte de Kant ; puis je découvris la science des névroses par l’intermédiaire de la psychiatrie. Dans ma quatre-vingt unième année j’achève un ouvrage : La Destruction de l’humanité et ce que l’on pourrait faire pour l’éviter. Il constitue la somme de ces cinq étapes.

Jacques de La Rocheterie et l’apport de Jung à la psychologie

Pour Freud, la prise de conscience se fait par le processus de cause à effet: «Je suis comme cela parce que»… C’est pourquoi les freudiens ne peuvent plus prendre de patients au-dessus de quarante ans. Les souvenirs sont trop lointains et le conditionnement de la partie de l’existence déjà vécue bien installée de manière rigide. Pour Adler, le travail analytique est principalement finaliste mais cette finalité ne dépasse par l’insertion dans la vie sociale et la diminution des complexes d’infériorité ou de puissance troublant l’individu. Quant à Jung, il tient compte, bien entendu du passé de l’Analysant par l’anamnèse et les rêves de l’Inconscient personnel. Il tient donc compte du processus de cause à effet mais il est également finaliste du fait des rêves de l’Inconscient qui guident le rêveur tout au long de son Evolution.

Jean-Louis Siémons : Un nouveau regard sur la mort et l'après-vie

on ne peut envisager sérieusement la réincarnation sans s’interroger sur le grand mystère du passage d’une existence terrestre à l’autre. Si quelque chose de nous-mêmes survit à la mort physique, pouvons-nous imaginer ce qui arrive à notre conscience dans l’« après-vie» ? D’autres chercheurs scientifiques comme Ian Stevenson ont déjà entamé une discussion à ce propos. Il m’a paru essentiel de la poursuivre en profondeur, avec les éléments nouveaux dont nous disposons en cette fin de siècle.

Eric Baret : Le corps et la pensée sont complètement conditionnés. La seule liberté, c'est de voir ces conditionnements!

Je pense qu’il n’y a qu’une crise: quand vous vous rendez compte que tout ce que vous faites, que tout ce que vous pensez vient de votre mémoire, que tout ce que vous rencontrez, c’est le passé et que vous ne pouvez pas avoir la moindre idée créatrice. Vous avez alors le pressentiment profond que ce que vous cherchez n’est pas dans la situation, n’est pas dans la perception. Vous constatez que vous pouvez uniquement aller devant. Tout ce que vous pensez, c’est devant vous, et pourtant, vous vous rendez compte que vous pouvez uniquement projeter le connu, la mémoire. Le neuf, la liberté ne peuvent être dans la projection. La crise émerge de l’évidence que vous ne pouvez penser que le vieux, alors que c’est le neuf que vous cherchez. Vous vous rendez compte que toute votre vie, que toutes vos actions sont faites constamment pour trouver ce neuf, pour trouver le non-désir et vous ne pouvez que répéter les schèmes qui reproduisent les erreurs passées. Votre questionnement ne peut plus être devant. La pensée n’a pas les éléments pour arriver à la non-pensée. Lorsque l’on rencontre ce moment dans la vie, c’est vraiment une crise, un choc. Vous savez très bien où vous ne voulez pas aller. Vous ne savez pas où vous voulez aller, mais vous voyez très bien où ne se trouve pas ce que vous cherchez. C’est un choc très profond. Les jeunes aussi éprouvent cela. À l’âge de quatorze ou quinze ans, on se rend compte qu’on ne veut pas être comme son père ou sa mère, qu’on ne veut pas mener une vie bourgeoise. On s’aperçoit que la société est factice. À cet âge, on sait très bien ce que l’on ne veut pas, mais on n’a pas le pressentiment de ce que l’on veut. Ce sont vraiment des crises très profondes.

Jacques Castermane : La maturation humaine

Tout le travail que j’ai pu faire auprès de Dürckheim pendant plus de vingt ans, il l’intitulait lui-même « un chemin de maturation humaine ». Je trouvais très intéressant de mettre en relation toute cette dimension de la spiritualité avec celle de l’homme. On peut observer aujourd’hui dans notre monde moderne qu’il y a beaucoup d’adultes, mais très peu de maturité et que la grande névrose qui touche l’Occident, c’est l’expression de ce manque de maturité. Beaucoup de parents, d’adultes ont un souvenir de ce qu’on appelle l’éclat de l’enfance, cet éclat lumineux. Et si l’on observe l’enfant, on pourrait dire que, à la différence de l’adulte que nous sommes, ce jeune être baigne encore dans le Grand Tout. Il est encore dans une vie un peu indifférenciée. Il baigne encore dans l’être. Et au fond, la grande souffrance de l’homme, c’est celle dont parle le bouddhisme aussi, c’est cette séparation de l’être. Ce que l’on appelle le chemin de maturation, c’est, peut-être, tout au fond, de retrouver cette unité avec l’être à l’autre bout de l’existence.

Arnaud Desjardins : La voie consiste beaucoup plus à perdre ce qu'on a en trop qu'à acquérir ce qu'on n'a pas!

À 24 ans, j’ai passé un an et demi de ma vie en sanatorium. J’en suis sorti complètement guéri. Je sens une réelle transformation dans mon existence, c’est sûr, sinon ce serait absurde d’écrire les livres que j’écris ou de porter les témoignages que je porte. Si je n’avais pas eu personnellement la preuve que cette démarche, dite « spirituelle », peut conduire quelque part, je ne témoignerais pas. Ce que je ressens avant tout, c’est la gratitude pour tous ceux qui m’ont aidé et l’impression d’avoir trouvé ma place dans un certain monde, qu’on peut peut-être appeler, en effet, celui de la sagesse. C’est l’impression de ne plus du tout être seul. Je pourrais vous répondre en fonction de ce que je vois de souffrance chez les uns et les autres. L’impression de la solitude est très cruelle pour la plupart des gens. Même si je me trouvais seul, physiquement seul, ou même dans un milieu qui m’est hostile — ce qui peut se produire —, je n’éprouverais pas cette souffrance liée à la solitude.

Albert Low : Il n'y a pas de gradation entre l'ignorance et la sagesse

Vous savez, n’est-ce pas, que Bouddha a dit que « la vie, c’est la souffrance »! Nécessairement au fond de la souffrance, il y a le conflit, il y a contradiction et pour vraiment se réaliser; il faut aller au-delà de la souffrance et du conflit. Pour cela, il faut d’abord faire face au conflit. Avec la prolifération en Occident de différentes branches de l’hindouisme où, par exemple, le gourou est l’incarnation divine que l’on adore, n’est-il pas dangereux de succomber à un nouveau romantisme qui épargne justement cette contradiction fondamentale qui est au centre de l’humain?