Elisabeth Meichelbeck : Vers une nouvelle représentation de l'homme

Aussi longtemps que les discours des États seront des discours sur la grandeur de la nation, les États sacrifieront l’évolution des hommes. Aussi longtemps que les discours scientifiques seront des discours sur le viol des secrets de la nature, sur l’ampleur du savoir, de l’érudition, ses découvertes ne seront pas adaptées à l’évolution des hommes. Aussi longtemps que les discours sur l’économie seront des discours de profit, de guerre économique, ils ne créeront pas les conditions d’épanouissement de l’homme. Aussi longtemps que les organisations syndicales, politiques et humanitaires se permettront de s’assigner comme rôle de créer les conditions de vie pour les militants, les pauvres, les riches, les petits, les grands, les citoyens, elles ne permettront pas l’évolution des hommes.

6 Questions à Edgar Morin

Un système est un ensemble d’interactions entre parties (éléments, ou individus, ou être) où ces interactions sont constitutives d’un tout qui lui-même rétroagit sur les parties. Or on peut constater que l’organisation d’un tout produit des qualités ou propriétés émergentes, c’est-à-dire qui n’existent pas au niveau des parties prises isolément, et ces qualités apparaissent non seulement au niveau du tout en tant que tout, mais aussi au niveau des parties en tant que parties (ainsi, si une société naît à partir des interactions entre individus, sans lesquelles elle n’existerait pas, elle dispose des qualités propres qui, rétroagissant sur les individus, leur fournissent la culture, l’éducation, le savoir, etc., qui leur permettent de développer leurs aptitudes individuelles, lesquelles ne seraient pas apparues s’ils étaient seuls dans la nature (comme le montre l’exemple des « enfants-loups »). En même temps, l’organisation d’un « tout » impose des contraintes sur les parties qui perdent ainsi un certain nombre de leurs qualités ou propriétés. D’où l’idée que le système est à la fois plus et moins que la somme des parties, plus et moins que ses constituants ; il est la somme de ses constituants et en même temps autre chose.

Michel Cazenave : Tristan et Iseult, le défi à la loi

En fait, pour quelqu’un qui, d’un côté, intègre mal ce qui se passe en lui, et de l’autre refuse la société, que se passe-t-il ordinairement ? Eh bien, une partie du phénomène hippie aux symboliques féminines, le mouvement écologique avec son obsession de la Mère-Nature, la recherche par la drogue du Paradis perdu et du royaume des images, peuvent en grande partie s’expliquer à partir de ce point de vue. Bien sûr, il faudrait nuancer tout cela, faire la part de ce qui est pathologique et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est régression et de ce qui est progression, mais j’essaie simplement de montrer les multiples voies par où le féminin fait à nouveau son entrée.

Aimé Michel : L'énigme d'être

Si beaucoup de physiciens voient dans le théorème de Bell une sorte de recommencement, de reprise au départ de la physique, c’est que son essence se réduit réellement, et non pas par métaphore à un raisonnement de pure logique de quelques lignes à peine, sans la moindre équation. Il suffit, pour le comprendre, de savoir ce qu’est une addition. En physique, ce raisonnement simplissime s’applique aux mesures que l’on peut faire sur deux particules ayant même origine. Mais on n’a besoin ni de physique ni de particules pour comprendre le raisonnement, qui est universel…

Jean-Michel Varenne : Le langage des objets

La plupart des objets communs et quotidiens sont de véritables extensions de la personnalité. Ils jouissent lentement et silencieusement — à notre insu — d’une vie propre, mais nous ne pourrions nous en défaire sans perdre, personnellement, une part de la magie qu’ils détiennent…

Aimé Michel : Le théorème de Bell

Le théorème de Bell démontre que l’existence d’objets distincts dans l’univers physique est une illusion [Plus exactement, il fait une prédiction que l’expérience permet de réfuter, montrant que l’existence d’objets distincts est une illusion (Bell savait d’avance qu’il en serait ainsi)]. Par « distincts », il ne faut pas seulement entendre « discontinus », ma feuille de papier n’étant pas le même objet que ma main, etc. : il faut entendre que ce qui peut nous apparaître comme objets infiniment éloignés et sans relations réciproques, par exemple cette étoile et mon œil, en réalité, ne sont pas séparables, qu’ils n’ont pas une localisation telle que l’un est ici, l’autre à des milliards de milliards de kilomètres.

Alain de Benoist : Les dédales du labyrinthe

On a proposé bien des interprétations du labyrinthe : représentation rituelle d’une épreuve initiatique, figuration de l’univers, de la terre, des enfers, symbole des entrailles humaines liées à la divination, « maison » où la Terre-Mère accomplirait chaque année son union sacrée (hieros gamos) avec le Père céleste, etc. On a souligné aussi le fait que le labyrinthe reprend et amplifie le thème de la caverne, qui semble avoir joué un rôle dans la religion depuis le paléolithique. D’autres auteurs ont vu — à plus juste raison — dans le labyrinthe l’« aboutissement » d’un dessin de spirale.

Aimé Michel : L'illumination ou l'œil de l'esprit

Comment l’homme est-il devenu, au moins partiellement, maître de ses représentations, c’est ce que nous ignorons. Mais le préhistorien suit au fil du temps la naissance de cette maîtrise, qui fut longue. Ramasser une pierre qui traîne et la tailler, c’est faire aussi bien que le pic épeiche qui taille une pièce de bois pour y caler sa noix et l’attaquer avec son bec. Aller chercher au loin une certaine qualité de pierre pour en faire plusieurs outils qu’ensuite on portera sur soi, cela suppose la représentation libérée qui est le propre de l’homme. Avant d’aller chercher cette pierre, il a fallu imaginer une longue série d’actes sans en faire aucun.

Jean Markale : Vivre le paganisme

En fait le paganisme n’est jamais mort, puisqu’à partir du moment où le christianisme vainqueur a cru l’éliminer, il est demeuré comme un substrat, comme une pensée parallèle, toujours prête à surgir de l’inconscient. Le paganisme, ce n’est pas l’absence de Dieu, l’absence de sacré, l’absence de rituel. Bien au contraire, c’est à partir de la constatation que le sacré n’est plus dans le christianisme, l’affirmation solennelle d’une transcendance.