Narasimba Swami : Dialogue avec le Maharshi I

(Revue Être. No 2. 1992) Ces entretiens faisaient partie des archives de l’Ashram qui les a publiés dans « The Mountain Path » en 1982. Traduit de l’anglais par Béatrice Jehl. — « Dialogue avec un disciple ». Swami, donnez-moi, je vous prie, quelques mantra-upadesa. Je n’ai pas pour habitude de donner des mantra-upadesa. Mais Swwami, […]

Pascal Ruga : La fin d'un désir

Je ne tardai pas à réaliser que le désir de voir dans ma propre nature n’était qu’un leurre de plus dès l’instant où cet état était voulu. D’avoir espéré atteindre ce que je pensais être la vérité, même en croyant me dépouiller du désir de la posséder, ne pouvait que me jeter dans une impasse ; car une vérité que l’on peut atteindre n’est pas la vérité, mais une nouvelle cristalli­sation de la poursuite du moi.

Pascal Ruga : Prendre congé de l'illusion, c'est un peu prendre congé des hommes

Mourir à soi, à son art, à sa famille, à ses amis, c’est aussi abandonner toute raison de vivre, toute justification, toute mentalisation de cette justification ; c’est laisser à chaque mouve­ment la transparence de sa présence dans l’im­médiat, c’est le laisser naître d’une source intem­porelle, où la mort et la vie sont les fleurs d’un même bouquet.

Roland Rech : Tuer Bouddha

Que veut dire devenir Bouddha ? Est-ce devenir Bouddha par un Bouddha autre que notre ego ? Réaliser la nature de Bouddha qui est en vous ? Faire apparaître un Bouddha dans notre conscience durant zazen ? Devenir unité avec un autre Bouddha imaginé par notre ego ? Ces questions sont au cœur de toute pratique de méditation, de toute expérience spirituelle. Chaque pratiquant de zazen doit s’interroger : qu’est-ce qui est le plus important ? Devenir Bouddha ou faire zazen ?…

Stan Rougier : Tendresse et colère

L’homme est ainsi fait qu’il sacralise tout ce qu’il touche. Il s’est vu plus grand dans la guerre que dans la paix. Le premier coup porté à la sacralisation de la violence, c’est l’affirmation judéo-islamo-chrétienne : « Dieu seul est Dieu », Dieu seul s’écrit avec une majuscule… La justice, la liberté, la nation, la race, la patrie… rien de ce que les hommes idolâtrent ne mérite de prendre la place de Dieu. Si l’homme admet une relativisation des lois de la survie, s’il accepte de se référer à une Loi divine, tout change… ou du moins tout peut changer.

Michel Random : La déesse danse à Mohendjodaro

La première grande religion de l’humanité était donc la religion de la vie elle-même associée à la vénération de tout ce qui manifeste cette vie elle-même, la terre, le ciel, les animaux et les plantes. Le concept originel semble aller de soi, le sacré s’attache à toutes les manifestations visibles et tan­gibles de, la vie elle-même, parce que l’ensemble de ces manifestations à la fois sacrées et magiques donc en elles-mêmes, révèlent la nature divine des choses. Il est en ce sens profondément naturel que la nature féminine du vivant soit vénérée sous sa forme immanente en premier lieu, et que de ce fait la Grande-Déesse établisse en quelque sorte son autorité économique, sociale et spiri­tuelle.

Pascal Ruga : En marge d'un paradis oublié

Au temps lointain de cette enfance, je ne priais pas, et pourtant tout m’était donné. Rien n’était demandé à ce royaume de lumière dont je sens encore en moi le calme et la force infuse. De ce royaume j’étais le prince innocent, le démiurge enfant pour qui tout vient de naître à chaque instant, – sans d’ailleurs qu’il s’en souciât. À chaque pas se levait un flot d’images, sitôt levées, sitôt défaites – aucune d’elles ne cherchant à prévaloir sur l’autre. Tout était accepté. Chaque chose avait une bonne odeur de bête sauvage, et accomplissait docilement son destin sans être séparée d’un « Principe Premier » dont elle se sentait inconsciemment en même temps créature et créatrice. Le canevas des relations n’avait pas la dureté de ce monde d’angles et d’agressions qui ensuite fut si longtemps mon hypnose majeure. Aucun échange ne présidait à l’échange ; alter­nativement, presque sans transition, les larmes succédaient aux rires avec la capricieuse douceur d’un jour d’avril dont on ne sait trop bien si l’on doit en aimer les nuages ou les ondées, les bleus tendres, ou les rayons primesautiers et malicieux de notre vieux et bon soleil qui rayonne en plein ciel. Chaque action était neuve, aimée pour elle-même, je ne cherchais pas à la garder comme un avare garde son trésor. Rien n’appartenait à rien, et tout appartenait à tout. Le désir d’être ne m’em­portait pas dans l’enfer de son devenir. La vie était une harpe, où le musicien, l’instrument, et l’harmonie qui en fusait, formaient une seule et unique réalité.

Michel Random : Le visage ou le mystère de l'être

C’est le propre du poète de prendre le risque de révéler en se révélant. Nous avons sans doute perdu la magie profonde au profit d’une magie apparente. Et pourtant le fait est là, la drogue de l’image est là. La hantise de voler l’instant et l’instant de l’instant est là pour cristalliser malgré et contre tout ce mystère. On le fait avec répugnance, avec mauvaise conscience, l’ina­vouable mystère se trouve imprimé et publié pour être touché et vu par les yeux de tous, et malgré tout le sacrilège est commis. Qu’on me pardonne ce sacrilège au nom de l’amour qui lui aussi existe hors du temps et de l’espace.

Joël Robert : Sophia ou la Mère Divine

[…] on retrouve toujours un récit qui explique comment les choses ont commencé, com­ment elles continuent et les possibilités de salut qui s’offrent à l’homme. Quelle que soit la version, le mythe assure une fonction de restauration dans une situation de désordre et d’aliénation. C’est toujours Sophia (ou Bar­bèlô) qui est impliquée dans. l’aventure de la dégradation du monde et de sa régénération. Les événements sont liés à la chute de Sophia et à son retour au Père. Mais cette histoire est en même temps celle de tout gnostique : le monde le met dans une situation aliénante d’où il cherche à sortir ; or le salut est dans le retour à l’Un dont il pro­cède. Du Père transcendant, inengendré, émane un monde divin qui a nom Plérôme ou Royaume, suivant les écrits. Il est constitué d’un certain nombre d’entités, générale­ment appelées éons. Le Plérôme est complet en lui-même. Le dernier éon, Sophia (ou Barbèlô) est victime de son éloignement de la Source, ce qui l’entraîne hors du Plé­rôme où elle devient la Mère du démiurge…

Joël Robert : Les écrits hermétiques de Nag Hammadi

[…] le gnostique ne cherche pas à se soustraire à sa condition humaine. Son âme n’est pas envisagée indépendamment de son corps ; elle ne cherche pas dans une ascension, soit avant, soit après la mort, à quitter une prison qui, en fait, n’existe qu’en mode illusoire, la gnose lui ayant appris que la réalisation se fait ici bas dans la recon­naissance que le Royaume est déjà là et que la Résur­rection a déjà eu lieu. Cela étant bien précisé, nous pouvons dire que tout texte gnostique ou hermétique qui dissocie l’âme du corps pour lui faire miroiter le salut dans un ailleurs et un futur s’écarte de la gnose proprement dite, telle qu’elle se présente dans l’Évangile selon Thomas et telle que nous l’enseigne l’Orient.