lama Denis Teundroup : Amour et connaissance

Le bouddhisme du Mahâyâna met l’accent avec insistance sur la nécessité de l’union de l’Amour et de la Connaissance. Nous pouvons rappeler ici l’i­mage traditionnelle de l’oiseau avec ses deux ailes : la colombe de l’esprit a besoin de l’aile droite de l’amour et de l’aile gauche de la connaissance pour s’envoler au firmament de la Claire Lumière du pur-esprit. Mais si l’on proclame l’exigence de la conjonction de ces deux approches, selon les pratiques et les individus, l’accent est mis davantage sur l’une ou l’autre. Il y a des voies plus sèches, d’au­tres plus humides, des voies qui insistent davantage sur la con­naissance, d’autres sur l’amour, mais sans jamais les dissocier. Par connaissance, il faut comprendre la Connaissance Trans­cendante, la Prajnâpâramitâ.

Armand Abecassis : Les élans de la mystique juive

Qui proclame la « mort de Dieu », est inéluc­tablement conduit à la « mort de l’homme », et à la « dégradation du monde ». L’histoire contemporaine illustre dans une certaine mesure ce processus. L’équilibre d’une civi­lisation et sa force se mesurent à la manière dont elle affronte simultanément ces trois questions, mais, dans d’histoire de l’Occi­dent, il semble que l’on ait, tour à tour, dé­veloppé l’une ou l’autre comme dominante, comme si une hiérarchie était faite et qu’une urgence imposait de la développer au détriment des deux autres questions.

Marc Alain Descamps : Le sentiment de lumière

L’Islam est issu des terres de lumière ; c’est la religion du désert et des longs espaces infinis. Toute lumière vient de l’Unique, et chacune y renvoit. Son universelle présence est d’abord manifestée par l’éclatante lumière de Midi. Pour les Musulmans l’existence est lumière. Le monde n’est que la réflexion de Dieu à travers le miroir de l’obscurité. La lumière essentielle en se réfléchissant fait apparaître le monde phénoménal. La lumière du jour est donc le symbole du monde transcendant. Le soleil est le signe mobile de l’Esprit, qu’éclaire l’autre monde, et la lumière intellectuelle est une manifestation de la connaissance divine qui se déverse sur la terre.

Le paradis est l'enfer du sage, entretien avec Faouzi Skali

Le cœur ne désigne pas seule­ment le cœur organique mais aussi le centre subtil de l’être, celui qui reçoit la connais­sance et donc Dieu. Un texte dans lequel Dieu parle rappelle : « ni mon ciel, ni ma terre ne peut me contenir mais je suis tout entier conte­nu dans le cœur de mon servi­teur ». Mais on parle aussi de l’œil du cœur. Dans tout le langage coranique, l’intelligence est l’intelligence du cœur, y compris dans le discernement. Alors que dans le monde moderne le mental, le cœur et le domaine spirituel sont séparés.

Nur'Ali Elâhi : Les sept cités

La deuxième étape est délivrée de toutes les contraintes des structures corporelles et des paroles verbales. Son lieu part de la mémoire (sine, la poitrine) et va au cœur. Le résultat est la présence du cœur » et l’illumination spirituelle… Cette étape est plus élevée que la première et correspond à l’univers du Malakut (angélique). Elle est appelée degré de tariqat (chemin spirituel). Son effet est de sauver le pratiquant des attaches mondaines et de l’écarter des désirs et des caprices des passions et tentations du soi-impé­rieux.

Francine Kaufmann et Josy Eisenberg : Le judaïsme

Le terme même de « judaïsme » peut avoir une acception proprement religieuse : en tant que religion des juifs ; mais aussi socio-politique comme représentation globale de la po­pulation juive, c’est ainsi que l’on parle de judaïsme mondial ou de judaïsme français. Cette dualité exprime assez bien la complexité du destin juif, qui est tout ensemble civilisation et religion ou, simplement, communauté d’origine. Une telle ambiguïté provoque d’ailleurs parmi les juifs contemporains de nombreux débats autour de ce qu’on appelle communé­ment l’« identité juive ».

Vincent Bardet et Zeno Bianu : La voie du chamane

Partout où l’on rencontre le chamanisme, deux conceptions quant à l’origine de la maladie prédominent ; soit le « rapt de l’âme » ou le vol du pouvoir, soit la possession ou l’intrusion d’entités malfaisantes dans le corps du malade. La cure chamanique se fonde donc soit sur un rappel, une chasse au pouvoir enfui, que le chamane rejoint en extase et rend au corps « despiritua­lisé », soit sur une expulsion/extraction du pouvoir per­turbateur. Quel que soit l’objet de la cure, celle-ci est subordonnée à une technique ancestrale qu’on retrouve à travers toute la planète, dans le temps comme dans l’espace : le voyage chamanique.

Vincent Monteil : L’Islam - La révélation du dernier Prophète

La doctrine de l’islâm est contenue dans le Coran et dans la Sunna, c’est-à-dire la Tradition vécue et enseignée par le Prophète, autrement dit, l’ensemble des « dicts » ou logia ou hadith de Muhammad. Le mot Qur’ân signifie « récitation ». Le texte révélé à Muhammad est considéré, par les musulmans, comme le Verbe même de Dieu – selon l’expression de Louis Massignon, « comme une dictée surnaturelle enre­gistrée par le Prophète inspirées ». D’abord retenu par cœur, puis transcrit sur des fragments de poteries, des peaux, des palmes, des omoplates de mouton, une version définitive, la Vulgate », en fut établie après la mort du Prophète, puis fixée au IXe siècle, en notant les « points diacritiques » qui permettent de distinguer les consonnes au « squelette » com­mun, ainsi que les signes des voyelles brèves. Matériellement, c’est une suite de cent quatorze chapitres ou sourates, les plus longues au début, les plus courtes à la fin, subdivisées en plus de six mille versets. Vingt-neuf sourates commencent par des lettres isolées, dont le véritable sens est controversé (les mystiques en font grand cas). Les orientalistes ont cherché à classer les sourates en suivant l’ordre chronologique le plus vraisemblable, c’est ce qu’a fait, en particulier, Régis Bla­chère, en 1949-1950. Longtemps, les musulmans ont répugné à traduire le Coran arabe. Aujourd’hui, il en existe de nom­breuses versions dans les principales langues du monde de l’islâm, du wolof du Sénégal au swahili de l’Afrique orientale, du turc au malais-indonésien. Certaines de ces traductions sont peu satisfaisantes, soit que, pour mieux coller au texte original, elles se réduisent à un mot à mot incompréhensible, soit, au contraire, qu’elles l’interprètent de façon contestable. Il faut pourtant reconnaître qu’il est indispensable de traduire le Coran pour le rendre intelligible à la masse des fidèles, qui l’apprend par cœur sans le comprendre.

Joël Thomas : Sénèque et la Bhagavad Gita

[…] il est sans doute plus intéressant de remarquer que les convergences entre les deux messages sont tout à fait étonnantes. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à une approche fondamentale, sur le plan métaphysique et ontologique, et la comparaison des deux œuvres se révèle, sur ce plan, en elle-même heuristique : elle leur permet de vivifier mutuellement leur contenu spirituel. Il n’est plus question de mettre en évidence une influence directe. Sénèque et la Bhagavad Gita en arrivent à une introspection si poussée, un regard si dessillant dans l’analyse de l’être et de son devenir, que leurs démarches se rencontrent, non parce que l’un imite l’autre, mais parce que, dans le cadre de cette « logique » métaphysique, il ne pouvait pas en être autrement. On voit ce que le rapprochement peut avoir d’important, en particulier pour la pensée de Sénèque, « encombrée », comme nous le voyions, de tout un poids de perceptions affectives, de particularismes liés à son psychisme, par rapport à la Bhagavad Gita, anonyme, et donc plus « éthérée ».