Kenneth White : Vers un nouvel espace culturel

La culture, c’est la manière dont l’être humain se conçoit, se travaille et se dirige. Une culture, c’est un ensemble de motifs et de motivations, une vue et une vie d’ensemble, telles que les connaissaient, par exemple, le Moyen Age ou, pour remonter dans le temps, une cité grecque, une tribu paléolithique. Nous ne pouvons guère prétendre, aujourd’hui, à une « culture » dans ce sens. Ce que nous avons c’est « de la culture », c’est-à-dire, un peu de ceci, un peu de cela : des restes de christianisme (réduit la plupart du temps à la platitude moralisante, au misérabilisme généralisé, au gnangnan sentimental), une dose d’humanisme gréco-latin (référence mythopoétique au 19e siècle, il ne nous sert plus guère que de structure grammaticale et de glossolalie byzantine), un peu de science (traduite d’un côté en science-fiction fantasmante, de l’autre, en scientisme universitaire) et quelques références exotiques et cosmopolites (depuis les Aztèques jusqu’au Zen) : « un plat dont même les chiens ne voudraient pas », disait sévèrement, Nietzsche.

Alan W. Watts : Peinture sans cadre

Connaître l’univers uniquement en termes de nos catégories, de nos cadres de valeurs est exactement ce que la philosophie indienne désigne par « maya ». Elle nous enseigne qu’une telle connaissance est en un certain sens une illusion. Le terme « maya » est en relation avec nos mots « mètre », « matrix » et « matériel ». Il provient de la racine sanscrite « matr- » signifiant « mesurer ». Toute mensuration est une mise en catégorie, une limitation dans un cadre, une description, comme un cercle est décrit par un compas, comme les minutes sont marquées sur une horloge. Tout ceci constitue le réseau fragile des abstractions à l’aide desquelles l’esprit humain tente de saisir le monde, mais c’est finalement toujours en vain.

Roger Van Malder : La caractérologie au service de la connaissance des Hommes et de soi-même

Nous avons, pour la plupart, la déplorable habitude de projeter sur nos semblables nos propres qualités et surtout nos propres défauts. En agissant de la sorte, nous nous imaginions, bien à tort, que les autres hommes possèdent un caractère égal au nôtre. Comme cela n’est généralement pas le cas, et qu’en plus, nous ne nous connaissons même pas nous-mêmes, la vie en société, le contact avec autrui est le plus souvent une source de conflits et de souffrances.

Pierre Vial : Les judéo–chrétiens ont-ils assassiné le monde antique

C’est sans doute le plus grand mérite de Gibbon d’avoir clairement aperçu en quoi les chrétiens, apportant une échelle des valeurs, une vision du monde inconciliable avec celle de l’Antiquité païenne, ont été amenés à constituer une contre-société, refusant la société romaine dont ils étaient théoriquement membres et même attendant avec impatience, dans leur logique propre, la fin d’un monde qui n’était, selon eux, qu’apparence et vaine agitation.

Jean Varenne : Hindouisme : L'âge noir mais aussi l'éternel retour

Prenons garde ici qu’une telle conception du devenir cosmique n’entraîne nullement le désespoir chez ceux qui la professent. C’est même tout le contraire, car la nature, changeante, variée, déploie sans cesse la beauté et la chaleur bénéfique, heureuse de la vie. Il y a là une véritable « magie » (en sanskrit : mâyâ) dont les prestiges sont goûtés avec gourmandise par tous les vivants. C’est pourquoi les hindous appellent daïvam (« divin ») ce destin auquel toutes choses sont soumises…

Georges Vallin : Philosophie occidentale et métaphysique orientale

Dans une Upanishad, il est dit que la dimension supra-personnelle, le para-brahma, est les trois quarts de la vérité; tout le reste, à savoir ce que nous avons l’habitude d’appeler Dieu, le monde et l’homme, est un petit quart. Et lorsque l’on s’aperçoit que la philosophie débute avec l’oubli des trois quarts de la vérité, le quart qui reste a une aventure qu’il est facile de baliser et de repérer. C’est au fond l’aventure de l’égo qui se détache de sa véritable nature et qui va être condamné à fantasmer des dualités…

le docteur Guy van Renynghe : L’énergie humaine

Dans la vision cosmique de Teilhard, l’Univers est issu d’une seule et même énergie psychique. Il distinguait l’énergie tangentielle ou l’aspect matériel des choses et l’énergie radiale ou force psychique qui induit la construction d’éléments plus complexes. De l’ambivalence de l’énergie première, il résulte que toute matière porte une part de psychisme ou de conscience, tout en admettant des degrés différents dans le monde inanimé et vivant. Teilhard poursuit en écrivant que matière et conscience évoluent suivant la loi de complexité-conscience. La qualité de conscience augmente avec la complexité du cerveau qui chez l’homo sapiens permet la pensée réfléchie.

Guy van Renynghe : A la Recherche d'une Intégration Psychobiologique

Le dilemme de l’âme a pu se formuler ainsi : si nous acceptons que les activités mentales sont des manifestations de l’âme, les modifications de ces activités, par une stimulation électrique du cerveau, reviendraient à manipuler l’âme par l’électricité ce qui est illogique puisque l’âme est incorporelle par définition. Si d’autre part, nous privons l’âme des toutes les fonctions mentales dont nous pouvons démontrer la dépendance par rapport à la physiologie cérébrale, nous la réduisons à une abstraction incorporelle, difficilement saisissable par l’esprit relativement pauvre de l’homme.

Frans Wittemans : Krishnamurti et l'Idée Religieuse

Avec la venue de Krishnamurti a commencé une période nouvelle dans l’histoire du monde au point de vue religieux, car il s’élève avec la plus grande autorité contre pareil sentiment qui, dit-il, n’a établi que confusion entre les hommes. « Chaque religion a eu son propre dieu, son ciel et son enfer. Dieu me garde d’ajouter quelque chose à cette confusion. Si vous me demandez ce qu’il faut entendre par Dieu, je vous répondrai que pour les uns c’est une puissance suprême; pour d’autres, l’intelligence suprême; pour d’autres encore, l’énergie créatrice. Pour moi, c’est la Vie Universelle, qui ne doit pas être adorée, mais dont nous sommes nous-mêmes les porteurs. »

Serge Young : Charles Morgan l'art et l'unité de l'esprit

Alors donc, il existe quelque chose en nous qui dialogue avec l’univers tout entier. Et notre solitude que nous croyons sans voix n’est qu’une solitude sans oreille. Quelque chose détient le secret que nous cherchons en vain. Et il suffit d’écouter, direz-vous ? Mais cela n’est pas si simple. La chair de l’homme a pris une importance extrême. L’homme est perdu dans cet univers des apparences qu’il a voulu à tout prix, concevoir et approfondir. L’homme qui se rue dans sa crainte d’être seul, les bras ouverts, dans sa soif d’étreindre les formes et les surfaces, alors que seule en lui quelque chose est là qui n’est séparé de rien ! La vie des aspects à laquelle il a donné crédit se boursouffle et l’entoure, le retient prisonnier sans parvenir à pénétrer en lui. Il est aveuglé par le temporel et le variable. Il se dispute avec des fantômes qui lui échappent. Il est semblable à celui qui, cherchant la porte de sa cellule, lui tournerait le dos et se heurterait en vain au mur opposé.