Robert Powell : Si la conscience ne choisit pas, qui donc est conscient ?

Maharshi nous exhorte constamment à poursuivre l’enquête « Qui suis-je? », « À qui cela arrive-t-il ? », et ainsi de suite, non parce qu’un tel « Qui » existe, mais parce qu’au cours de cette même recherche nous découvrirons son irréalité et que cette découverte mettra fin à la prévalence de l’ego. Puisque l’observateur en tant qu’entité psychologique n’est rien d’autre qu’un flux de pensées activées et maintenues par le désir, on voit déjà qu’un examen de ce qui arrive à cette entité en poursuivant la recherche du « Qui suis-je ? » doit être essentiellement la même chose que le processus de connaissance du soi dans une prise de conscience sans choix. Les deux enseignements ont comme commun dénominateur l’injonction suivante : « Trouvez d’abord qui est l’observateur, et tout s’ensuivra naturellement. »

Roger Godel : Spectateur devant le monde

Un ferme ancrage préalable dans le socle du réel s’impose à l’homme de science s’il veut entreprendre sous d’heureux auspices l’exploration aventureuse de sa propre structure jusqu’à l’ultime profondeur. Il est souhaitable qu’une amarre indestructible, guidant sa progression dans la descente aux abîmes, lui assure une stabilité à l’épreuve des courants de dérive. Car c’est d’abord dans un monde de fluidité aux formes incertaines qu’il doit passer ; au-delà du territoire où s’élèvent encore les fugitives constructions mentales qui lui sont familières, aucun indice sensible n’apparaît. Un uni­vers sans dimensions d’espace ni de temps se laisse découvrir – paysage de figures significatives que seule une conscience en éveil peut déchiffrer. Aucun pionnier de cette expédition ne saurait procéder avec l’aide des seules ressources dont dispose l’investigation mentale au-delà des frontières extrêmes de la psyché ; et dès les premiers pas il risque de s’égarer par défaut d’épisté­mologie. L’achèvement de l’itinéraire exige que soit éveillée la connaissance – à la fois transcendante et immanente de l’intemporel.

Jean Klein : Attention et Concentration

On parle souvent de concentration, d’attention, il me semble important de clarifier ce que nous entendons par ces expressions. L’attention est un mouvement naturel d’énergies, elle fait partie de la nature même du cerveau, elle n’est pas contaminée par le moi, le je, elle est sans direction : l’œil est là sans qu’une chose soit vue, l’audition et rien n’est entendu, elle n’entraîne aucune réaction. Si cette lucidité se maintient, elle s’ouvre, s’épanouit, s’élargit, elle est intelli­gence, elle occupe notre globalité. On peut dire qu’elle croît en quelque sorte et devient conscience…

Le sentiment de présence. Entretien avec Nisargadatta Maharaj (1981)

Il est inutile de vous concentrer sur cette présence, elle est toujours là. L’essence de vos actions, peu importe les­quelles, est le corps-nourriture. Laissez le corps-nourriture faire son travail mais comprenez bien que ce qui effectue le travail n’est pas vous, vous êtes uniquement le sentiment de présence. Quels que soient vos efforts, physiques ou intellectuels, il s’agira essentiellement d’efforts du corps-nourriture. Pour vous il n’y a rien à faire. Tout ce qui doit se produire se produira de lui-même, accompagné de la conviction d’être totalement à l’écart du corps et de l’intellect.

Raymond Oillet : Les grands thèmes métaphysiques de l’Évangile selon Thomas

Aux hommes que la nostalgie de l’Être a mis en che­min, les mouvements gnostiques ont proposé des voies de retour à l’Un. Et donc de sortie du langage. La gnose se mêle toujours à l’Histoire, mais comme un courant sou­terrain, sans mélange… En s’adressant aux Juifs, ses contemporains, Jésus a dû aborder certains de leurs pro­blèmes spécifiques mais sans rien sacrifier de la qualité proprement métaphysique de son enseignement. C’est par la connaissance, et la connaissance de soi, que l’homme parvient à la connaissance du Père, à se trouver identique à Lui, à se sauver de l’emprise du monde et de la mort. Que cette gnose soit non-chrétienne paraîtra l’évidence même. En parler comme d’une hérésie est une erreur et une injure. Jésus a jeté un feu (log. 10). Si ce feu peut nous brûler, ne pourrait-il pas aussi nous délivrer de nos liens ?

l’Advaita Moderne Traditionnelle : Les gourous de l’Advaita Moderne Non Traditionnelle et leurs critiques

Le courant Moderne de l’Advaita s’est divisé en deux camps : l’un reste fidèle à une expression plus traditionnelle de l’Advaita Vedanta tandis que l’autre s’écarte clairement de ce système spirituel traditionnel. Ces quinze dernières années, le camp de l’Advaita Moderne Traditionnelle a critiqué largement et fermement les enseignants et l’enseignement de l’Advaita Moderne Non-Traditionnelle.

Émile Gillabert : L'Évangile selon Thomas et les Évangiles Canoniques

La libération de l’homme grâce à la connaissance par identification, tel est le trait essentiel de l’Évangile selon Thomas. Cette libération est conçue comme un éveil tandis que dans les évangiles canoniques elle devient la résurrection au sens de réanimation d’un cadavre ; elle est intérieure et individuelle et non régénération collec­tive de notre être pécheur par un sang rédempteur ; elle est prise de conscience que notre Être véritable est éternel alors que notre être psycho-somatique est mortel ; elle est invitation à faire le deux Un, et non dualité cultivée et entretenue dans le temps et pour l’éternité du Créateur et de la créature ; elle dénonce le caractère illusoire, voire mensonger, du temps et de l’espace, récusant ainsi la conception du salut dans le devenir historique.

Joël Robert : Les écrits hermétiques de Nag Hammadi

[…] le gnostique ne cherche pas à se soustraire à sa condition humaine. Son âme n’est pas envisagée indépendamment de son corps ; elle ne cherche pas dans une ascension, soit avant, soit après la mort, à quitter une prison qui, en fait, n’existe qu’en mode illusoire, la gnose lui ayant appris que la réalisation se fait ici bas dans la recon­naissance que le Royaume est déjà là et que la Résur­rection a déjà eu lieu. Cela étant bien précisé, nous pouvons dire que tout texte gnostique ou hermétique qui dissocie l’âme du corps pour lui faire miroiter le salut dans un ailleurs et un futur s’écarte de la gnose proprement dite, telle qu’elle se présente dans l’Évangile selon Thomas et telle que nous l’enseigne l’Orient.

Jean Klein : Être attentif

Regardez votre fonctionnement dès que vous êtes confronté à un problème. Vous vous apercevrez que vous ne lui donnez pas la possibilité de s’exposer, de se dévoiler entiè­rement ; vous jugez, comparez, interprétez, cherchant instinc­tivement à vous trouver en sécurité devant la difficulté. Voyez-le ; dans cette attitude, vous ne pouvez faire un avec elle, vous restez obnubilé par vos réactions, vos résistances. Si vous savez rester dans la perception directe, telle qu’elle s’est pré­sentée à vous, elle se réfère à votre totalité, non à l’image que vous avez créée ; elle se démasque, apporte sa solution et l’action juste.

Un objet unique rechercher ce que Jésus a dit. Entretien avec Émile Gillabert

La science contemporaine remet en cause la réalité des objets. Cette table, ce cendrier apparaissent comme des objets solides alors que le chercheur en micro­physique voit de l’énergie en mouvement. Cette vision du monde va dans le sens de la non-dualité gnostique. C’est par suite d’une illusion que je vois les choses séparées. Le savant et le métaphysicien sont d’accord sur l’interdépendance de toute chose ; l’un et l’autre comprennent cette parole de Jésus : « Il y a de la lumière au dedans d’un être lumineux, et il illumine le monde entier » (log. 24).