Jacques Castermane : La maturation humaine

Tout le travail que j’ai pu faire auprès de Dürckheim pendant plus de vingt ans, il l’intitulait lui-même « un chemin de maturation humaine ». Je trouvais très intéressant de mettre en relation toute cette dimension de la spiritualité avec celle de l’homme. On peut observer aujourd’hui dans notre monde moderne qu’il y a beaucoup d’adultes, mais très peu de maturité et que la grande névrose qui touche l’Occident, c’est l’expression de ce manque de maturité. Beaucoup de parents, d’adultes ont un souvenir de ce qu’on appelle l’éclat de l’enfance, cet éclat lumineux. Et si l’on observe l’enfant, on pourrait dire que, à la différence de l’adulte que nous sommes, ce jeune être baigne encore dans le Grand Tout. Il est encore dans une vie un peu indifférenciée. Il baigne encore dans l’être. Et au fond, la grande souffrance de l’homme, c’est celle dont parle le bouddhisme aussi, c’est cette séparation de l’être. Ce que l’on appelle le chemin de maturation, c’est, peut-être, tout au fond, de retrouver cette unité avec l’être à l’autre bout de l’existence.

Arnaud Desjardins : La voie consiste beaucoup plus à perdre ce qu'on a en trop qu'à acquérir ce qu'on n'a pas!

À 24 ans, j’ai passé un an et demi de ma vie en sanatorium. J’en suis sorti complètement guéri. Je sens une réelle transformation dans mon existence, c’est sûr, sinon ce serait absurde d’écrire les livres que j’écris ou de porter les témoignages que je porte. Si je n’avais pas eu personnellement la preuve que cette démarche, dite « spirituelle », peut conduire quelque part, je ne témoignerais pas. Ce que je ressens avant tout, c’est la gratitude pour tous ceux qui m’ont aidé et l’impression d’avoir trouvé ma place dans un certain monde, qu’on peut peut-être appeler, en effet, celui de la sagesse. C’est l’impression de ne plus du tout être seul. Je pourrais vous répondre en fonction de ce que je vois de souffrance chez les uns et les autres. L’impression de la solitude est très cruelle pour la plupart des gens. Même si je me trouvais seul, physiquement seul, ou même dans un milieu qui m’est hostile — ce qui peut se produire —, je n’éprouverais pas cette souffrance liée à la solitude.

Albert Low : Il n'y a pas de gradation entre l'ignorance et la sagesse

Vous savez, n’est-ce pas, que Bouddha a dit que « la vie, c’est la souffrance »! Nécessairement au fond de la souffrance, il y a le conflit, il y a contradiction et pour vraiment se réaliser; il faut aller au-delà de la souffrance et du conflit. Pour cela, il faut d’abord faire face au conflit. Avec la prolifération en Occident de différentes branches de l’hindouisme où, par exemple, le gourou est l’incarnation divine que l’on adore, n’est-il pas dangereux de succomber à un nouveau romantisme qui épargne justement cette contradiction fondamentale qui est au centre de l’humain?

Carlo Suarès : Question : « Vivre et/ou survivre (?) »

Je comprends le mot vivre. Je ne comprends absolument pas du tout ce que vous entendez par survivre. C’est un mot qui pour moi n’a strictement aucun sens. Si vous dites qu’on a détaché un cœur, qu’on l’a mis dans un bocal et qu’il continue à battre, il survit parce qu’il bat sans avoir aucune fonction, je le dirais bien, mais je ne pense pas que vous puissiez me parler de cela. Pour moi, tout vit. Et tout est conscience.

J. Krishnamurti : Ainsi parlait Krishnamurti

Il y a tout un ensemble de théories, de grandes, de nombreuses abstractions, et les gens vivent dans les traditions du passé : acceptent l’autorité. Tout cela n’est pas la religion. Tout cela ne conduit pas à la spiritualité. Ils peuvent aller dans les temples. Ils peuvent avoir d’innombrables rituels, des traditions historiques, non! des fictions historiques! Il y a tout un tas de gourous dans le monde entier, gagnant de l’argent, et avec toute une bande de disciples. J’espère que vous ne vous froissez pas de m’entendre parler ainsi.

Joël André : Un entretien avec Raymond Abellio

Aujourd’hui, on peut et on doit imaginer, c’est conforme à tous les enseignements de la tradition, une sorte de « remontée » où les anciens pouvoirs doivent être réintégrés, passant de l’état d’instinct ou de réflexe à l’état de pouvoirs conscients et maîtrisés. Que cela devienne universel, ce n’est sûrement pas à la même cadence pour tout le monde, c’est évident. Les médiums que nous connaissons sont souvent des êtres frustes, qui sont encore du côté descendant de la courbe, et quand on dit aujourd’hui qu’ils tendent à disparaître, c’est parce que l’évolution de la conscience tend à la fermeture de l’Ego sur lui-même, ce qui amoindrit, et même détruit provisoirement les anciens pouvoirs.

Jean-Louis Siémons : La science et le problème de l’après-vie

Au début, mes études au lycée m’ont porté vers la médecine, qui est une manière d’être humaniste, mais j’ai bifurqué vers la chimie biologique et finalement vers la physique sans renoncer à mes autres intérêts. La science ne nous oblige pas à renoncer à étudier ce qu’est l’homme et ce qu’il fait sur la terre. Donc, avec mes études scientifiques — j’ai deux doctorats — j’ai continué mes études spirituelles. J’ai étudié de très prés des livres comme la Bhagavad Gîta qui est considéré comme l’évangile de l’Inde, et pour mieux étudier ce livre profond, j’ai commencé à apprendre le sanskrit. De nos jours, il n’est plus surprenant de rencontrer des scientifiques qui s’intéressent à autres choses aussi. Oppenheimer a été pour nous l’un des premiers en Occident à s’intéresser à l’Inde et à la Bhagavad Gîta. De nos jours, on trouve des gens comme Fritjof Capra et d’autres. On n’a plus besoin aujourd’hui, en tant que scientifique, de justifier son intérêt pour des idées philosophiques et spirituelles.

Carlo Suarès : Entretien avec Krishnamurti

Nous savons tous que notre époque est explosive, que les moyens de l’homme, demeurés à peu de chose près constants pendant des millénaires, sont tout à coup multipliés des millions de fois ; que les calculateurs électroniques, pour ne mentionner que cela, deviennent d’heure en heure plus fantastiques ; que demain on ira dans la Lune ou ailleurs ; que la biologie est en train de découvrir le mystère de la vie et même de créer la vie. Nous savons que les données les mieux établies de la science s’écroulent ; que tout est constamment remis en question et que les cerveaux sont contraints et forcés de se mettre en mouvement. Nous savons tout cela ; il n’est donc pas nécessaire de revenir sur cet aspect de notre époque. Dans la confusion actuelle, l’homme est à la recherche d’une sécurité matérielle qui ne peut être trouvée que par des connaissances technologiques. Les religions sont devenues des superstructures qui n’ont guère une réelle importance dans les affaires du monde, cependant que les questions fondamentales demeurent sans réponse: le Temps, la Douleur, la Peur…

Robert Linssen : L'éveil ?

Les présentes réponses sont destinées à ceux qui sont sérieusement engagés dans le domaine de la recherche intérieure. Nos commentaires pourraient donner l’impression d’un caractère exceptionnel et des difficultés de l’Éveil. Rien ne devrait être plus simple et naturel que l’obéissance à la nature profonde de soi et des choses. Parce que nous sommes trop compliqués, il nous semble « compliqué » de réaliser la suprême simplicité.

Certains y arrivent spontanément sans le recours aux informations qui sont présentées ici. Tout simplement la « divine surprise » leur est arrivée parce que le moment était venu.

L’ère nouvelle est celle de la Plénitude de l’état sans ego…

Robert Linssen : À propos de J. Krishnamurti

J’ai rencontré Krishnamurti pour la première fois en 1928 au Camp International d’Ommen en Hollande. J’ai eu le sentiment de l’avoir toujours connu. Son extrême simplicité et la spontanéité de l’accueil affectueux qu’il me témoignait m’avaient fort ému. D’autres amis ont eu cette impression. Mais au-delà de cette simplicité, la présence d’un rayonnement spirituel et la pénétration d’un regard semblaient scruter les profondeurs de mon être et n’avoir aucun secret. Krishnamurti avait alors 33 ans. Entre 1931 et 1938, nous nous liâmes d’une profonde amitié. En 1931, je fondais à Bruxelles avec quelques amis le premier « Centre Belge Krishnamurti », transformé plus tard, en 1983, sous la dénomination « Comité Belge Krishnamurti » dont j’assume toujours la vice-présidence.