Robert Powell : Libres parmi les esclaves

Le mot liberté a autant d’impact que le mot amour et nous galvaudons l’un autant que l’autre. À quoi songeons-nous quand nous parlons de liberté ? Faisons-nous allusion à une liberté de pensée, de désir, dégagée d’oppression ou de besoin d’interférence gouvernementale ? Nous pourrions, je pense, énumérer une foule de libertés, mais aussi nécessaires soient-elles à toute société convenable, elles n’ont rien de comparable avec la liberté qui nous intéresse, dans son sens le plus fondamental. Cette liberté est un état d’esprit qui s’épanouit malgré ou même en l’absence d’une liberté extérieure; c’est la seule façon authentique d’accomplir cette liberté extérieure.

Katia Barbérian : William Blake

L’une des intuitions fondamentales de Blake est l’essentielle divinité de l’homme : « Nous sommes tous membres du corps divin et participant de la nature divine. » Ceci est, une fois de plus, représentatif de la tra­dition mystique : si l’homme peut accéder, étape après étape, à un autre univers, c’est qu’il fait partie de l’âme du monde, c’est que son âme est un fragment d’éternité. Ainsi peuvent se comprendre les visions de Blake, en quête de l’extase spirituelle : « Tandis que je marchais parmi les feux de l’enfer…, je rassemblais quelques proverbes… Comment ne pas savoir que chaque oiseau qui traverse l’espace est un monde immense de délices, enfermé par tes cinq sens ? »

Le temps c'est la pensée, entretien avec Robert Powell

En somme, la conscience sans choix doit naître sans aucune pression de l’esprit, spontanément; autrement, elle n’est pas « sans choix ». Examinez tout d’abord la question de motivation, et voyez si votre conscience sans choix est le moyen d’arriver à une fin, ou si c’est une fin en soi pour vous. Si tel est le cas, vous serez en présence de justes assises. Ne tentez pas alors de « retenir votre jugement, » c’est impossible; si vous essayez de le faire, vous ne ferez que refouler la pensée et donner plus de force à l’esprit subconscient. N’essayez pas d’être conscient. Soyez-le. Faites-en l’expérience, jouez avec, et voyez ce qui se produit; personne ne peut vous le dire, et si quelqu’un vous le disait, cela n’aurait aucune valeur pour vous. N’en faites surtout pas un problème; nous en avons déjà assez comme ça !

Katia Barbérian : Balzac

Ce qu’il faut noter, c’est que l’intérêt de Balzac pour ce qui relève de la télépathie, de la claire vue, du somnambulisme, de la bilocation, des extases, des apparitions etc., relève de ce que nous appellerions aujourd’hui la parapsychologie, et est effectivement susceptible d’un traitement scientifique. Les phénomènes télépathiques relèvent d’une analyse de la pensée en termes d’ondes, en termes physiques comme le pressentait Balzac. La cosmologie balzacienne repose en définitive sur l’exigence d’unité, et sur le refus d’admettre des dualismes qualita­tifs au niveau ontologique. Il fallait donc revenir sur le magnétisme comme principe moteur du système…

Robert Powell : Si la conscience ne choisit pas, qui donc est conscient ?

Maharshi nous exhorte constamment à poursuivre l’enquête « Qui suis-je? », « À qui cela arrive-t-il ? », et ainsi de suite, non parce qu’un tel « Qui » existe, mais parce qu’au cours de cette même recherche nous découvrirons son irréalité et que cette découverte mettra fin à la prévalence de l’ego. Puisque l’observateur en tant qu’entité psychologique n’est rien d’autre qu’un flux de pensées activées et maintenues par le désir, on voit déjà qu’un examen de ce qui arrive à cette entité en poursuivant la recherche du « Qui suis-je ? » doit être essentiellement la même chose que le processus de connaissance du soi dans une prise de conscience sans choix. Les deux enseignements ont comme commun dénominateur l’injonction suivante : « Trouvez d’abord qui est l’observateur, et tout s’ensuivra naturellement. »

Katia Barbérian : Baudelaire

Qu’y a-t-il dans la parole de Baude­laire qui nous concerne tant que nous sommes pris, dans notre essence même, au cœur de cette parole ? Quelle magie du verbe, de cette poésie dont il ne suffit pas de faire l’analyse littéraire, parce que la création est beaucoup plus que la simple littéralité? C’est en ce sens, précisé­ment, que le « mythe » de Baudelaire peut nous intéresser : image du poète « maudit », de la solitude, des abîmes, de la mort… Mais à quoi renvoie ceci qui n’est qu’une image et qui, comme toute image, relève de l’apparence ?

Daniel Couty : Gérard de Nerval

L’œuvre nervalienne se déroule selon un ordre, une logique et une raison qui transgressent le sens habituel de cette triade. La vie même de l’écrivain, tout entière tournée vers l’expérimentation du destin, porte déjà les stigmates de l’inspiré : la folie, niée « et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie » (Aurélia, I, 1), en même temps qu’affir­mée — cet ultime récit de Gérard n’est-il pas à sa manière une lecture de la folie ? — la folie seule donc a pu lui permettre de lire ce qu’il appelait « l’alphabet magique » de l’univers. Dès lors l’ésotérisme nervalien n’apparaît plus comme une donnée brute, comme un élément bizarre : il appartient en totalité à la tentative démiurgique d’un écrivain dont la « Genèse » n’aboutit qu’à la création d’un mythe personnel.

Katia Barbérian : Ésotérisme et littérature

La poésie est un creuset où les élé­ments de l’univers se rencontrent dans une fusion essentielle. C’est pourquoi notre manière d’aborder le rapport de la littérature et de l’ésotérisme est double, c’est pourquoi la réflexion sur le langage comme tel était indispensable. Ce rapport, dont il est question ici, n’est pas extérieur à la littérature ; il lui est coexistant, parce que le langage est tel qu’il est le contraire de la contingence ; il y a une nécessité à l’œuvre dans la parole poétique, nous dirions alors prophétique.

Jean-Louis Victor : Victor Hugo et les tables de Jersey

La plupart des grands penseurs, la plupart des grands hommes d’action ont collaboré avec l’occulte mais peu ont eu le courage d’en parler ou de faire état des preuves qui les ont convaincus de la réalité du monde invisible par le canal de la médiumnité. Ce qui est certain, c’est que toute grande œuvre à effet collectif est le résultat d’une collaboration étroite (consciente ou inconsciente) avec les intelligences suprahumaines…