Daryush Shayegan : Le réel est toujours ailleurs

La Tour de Babel devient une réalité non seulement en ce qui concerne les langues — encore que là aussi nous ayons des problèmes quasi insolubles — mais les mentalités. Délire religieux, obsession révolutionnaire, émancipation des femmes, régression vers des utopies de plus en plus fumistes, guerre des étoiles, résurgence des croyances obsolètes, se côtoient les uns les autres dans un kaléidoscope d’opinions, de croyances, et de visions du monde où personne ne sait de quoi il parle, ni quelles sont les prémisses qui fondent tel discours politique plutôt que tel autre. Alors que les souhaits et les espoirs renvoient aux croyances les plus émotivement chargées d’antiques traditions, les structures conceptuelles aptes à les articuler restent celles-là les rejetons les plus tardifs et les plus monstrueux d’une modernité incomprise. L’entre-deux devient en quelque sorte la norme de la vie ; on essaie de comprendre, d’analyser, mais à force d’expliquer les détails et les motivations coupables de part et d’autre, on rate l’essentiel ; à savoir les ruptures historiques qui ont fait de l’Occident un bastion de la modernité et des autres civilisations du monde de grands monuments du passé.

Marie-Madeleine Davy : Henri le Saux, Itinéraire entre deux rives

Cet homme épris de silence et de solitude semble mener une existence paradoxale. Il consacre de longues périodes à des séjours dans des grottes, puis il fait des pèlerinages, prêche en particulier dans des Carmels, assiste à des séminaires, traverse l’Inde du nord au sud en de nombreux et épuisants voyages. Il lit et écrit énormément. Par manque d’interlocuteurs susceptibles de le comprendre, il se confie à son Journal. Le moine aime à la fois se taire et s’exprimer. Il apparaît semblable à la citerne dont parlait Bernard de Clairvaux qui déverse son trop plein pour recevoir encore.

Anand Nayak : L'aurore des dieux en inde

Comment prie un hindou ? Que signifie pour lui prier ? Lorsqu’il se met en présence de Dieu, il ne se contente pas seulement de prier Dieu, mais de devenir un avec Lui : il baigne dans la gloire de Dieu, participe à la félicité divine ; il sent frissonner dans sa chair et dans son esprit l’énergie divine. Prier, c’est le sens du terme bhakti. Dieu est le Bhagavân, c’est-à-dire le bienheureux, celui qui jouit ; l’homme en prière est bhakta, celui qui prend part à Bhagavân ; la bhakti, c’est toute la relation entre le bhagavan et le bhakta, jouissance jusqu’à l’intime union.

Pierre-Sylvain Filliozat : Les Veda et la rationalité hindoue

L’hindouisme invite les hommes à se détacher du monde mais ne leur interdit pas de chercher à le comprendre. Ce qui explique que l’esprit scientifique ait toujours existé chez les Hindous qui, depuis les temps les plus reculés, ont su faire clairement la différence entre connaissance naturelle et surnaturelle. La prédilection des lettrés pour tout ce qui concernait la parole et la dialectique les a amenés à développer une véritable linguistique et à s’intéresser à l’homme plus qu’à la nature.

Patrick Lebail : Lumière de la Brihad-Âranyaka – Upanishad : La lumière de l'homme

Convoqué sans doute par Janaka, Yâjnavalkya se promet in petto de ne rien lui enseigner. Nous avons déjà rencontré cette réticence ; le disciple ne doit jamais être instruit au-delà de son propre entendement. La profonde amitié que l’on discerne entre les deux hommes avait permis au maître de jauger son intelligent et dynamique élève. Sans doute Yâjnavalkya estimait-il que le puissant kshatriya, habitué à renverser tous les obstacles, était trop pressé de pénétrer des notions dont la compréhension nécessite une longue maturation

Patrick Lebail : Lumière de la Brihad-Âranyaka-Upanishad : Les contemplations rectifiées

Selon les Upa­nishads, les fonctions sensorielles — en tant que distinctes des organes anatomiques leurs supports, dont elles prennent le nom — sont des aspects d’une même énergie vitale, le prâna. Durant le sommeil, elles se résorbent dans l’unité psychique, d’où elles se différencient à nou­veau lors du rêve. Cette unité psychique, analogue à l’espace (âkâsha) en ce sens qu’elle n’a pas de dimensions et qu’en elle apparaissent toutes choses, est localisée dans le cœur du point de vue de l’homme éveillé (le « cœur » n’est pas ici l’organe corporel, mais un point que découvre la méditation, ce qui de nos jours encore fut enseigné par Ramana Maharshi).

Patrick Lebail : Lumière de la Brihad-Aranyaka-Upanishad : Accès

L’homme qui croit aux dieux en tant que puissances autonomes est d’espèce médiocre. Selon le Véda, les dieux ont cependant besoin de lui car il les « alimente » par le moyen du rituel védique. L’homme supérieur sait par contre que les dieux ne sont autres que des facettes du Suprême. Le Suprême « est lui-même tous les dieux » : ils sont composantes dynamiques du monde, aspects de la Manifestation. Ici se présente le thème védantique de la connaissance, la sagesse, le haut savoir : la révélation authentique, spontanée de « je suis Brahman » met fin à l’illusion qui enchaîne à la vie « animale ».

Shankaracharya : L'enseignement méthodique de connaissance du Soi

Lorsque le Soi (en tant que jîvâtmâ ou être conscient) le pénètre tout entier, le corps se meut (avec l’apparence d’une activité spontanée), de même qu’une bûche enflammée (se confond avec le feu). Dès que le Soi le quitte, le corps est (inactif) comme une bûche et ainsi le Soi apparaît comme étant distinct du corps (qui alors se situe exclusivement dans la sphère objective des autres êtres conscients de l’état de veille).