Ivan Illich : Médicaliser du berceau à la tombe
[…] si je voulais décrire la médecine des années 80 à l’intention de « quelqu’un d’ailleurs », en quels termes moi, un profane, le ferais-je ? Comment en parlerais-je à un martien, ou à sainte Hildegarde de Bingen, ou à un médecin du milieu du XIXe siècle ? Pour commencer, je dirais que le généraliste d’aujourd’hui est toujours diplômé d’une école de médecine, ce qui n’était pas la règle en d’autres temps ou lieux. J’expliquerais ensuite qu’il est, par excellence, le dispensateur professionnel de soins dont la fonction s’est développée à partir de la sollicitude pastorale organisée par le clergé. Il est formé à établir un diagnostic scientifique de chaque « cas » ; il doit évaluer les conditions physiologiques; psychologiques, sociales et environnementales de chaque patient — conditions sur lesquelles il a encore moins de prise que l’intéressé…