Michel Hulin : Sur la chute en montagne

En d’autres termes, le sujet en vient à se saisir sous la forme d’une essence intemporelle, inaltérable, qui contemple sereinement, comme s’il s’agissait d’un autre absolu, son alter ego de chair et d’os en train de plonger dans l’abîme. Les divers récits rapportés plus haut utilisent tous, sans le savoir, le langage de la philosophie Sâmkhya. Ils posent d’un côté le Témoin, la monade spirituelle (purushà), en dernière analyse étrangère aux vicissitudes de ce monde, et, de l’autre, un fragment de nature soumis aux lois générales de la Nature (prakriti). L’expérience du dédoublement, dont nos auteurs font presque tous état, n’a en soi rien de pathologique. Elle ne fait que retrouver, en empruntant un raccourci dramatique, cette discrimination (viveka) de l’Esprit et de la Nature à laquelle la philosophie Sâmkhya accède par d’autres voies, infiniment plus complexes et spéculatives…

Les archétypes et l'inconscient "objectif" Par Dominique Casterman

Il faut savoir que toutes les formations psychiques non reconnues ont un effet de possession sur le moi. Ces éléments psychiques se manifestent sous forme de complexes, c’est-à-dire de personnalités parcellaires, telles les personnifications de l’ombre, de l’anima et l’animus, qui sont des symboles archétypiques. Les complexes peuvent aussi être des nœuds idéo-affectifs proches de notre histoire personnelle, ce sont par exemple des culpabilités (souvent illégitimes) imposées par l’environnement. L’ombre, c’est la réaction de l’inconscient objectif face à l’oppression des complexes personnels et de nos modes de vie consciemment admis et intégrés à la personnalité du moi.

Douglas E. Harding : Ramana Maharshi, la réalisation de soi et son accessibilité

Sans arrêt, en lisant les écrits des Sages, on rencontre ces deux messages: la Réalisation de soi est ce qu’il y a de plus simple au monde et de plus difficile! La Libération est la récompense d’un travail long, constant et assidu — et en même temps, il en va tout autrement: elle est absolument naturelle, toujours présente, sans requérir d’effort! Mon identité véritable s’impose à moi maintenant, avec une lumineuse évidence, en toute simplicité. Il suffit que j’ose inverser l’orientation habituelle de mon attention et que j’examine le lieu que j’occupe; et (ajoutent-ils) cette vision n’est accessible qu’aux rares personnes qui en sont capables!

Albert Jacquard : Le piège des catégories

Classer un ensemble de personnes d’objets, c’est définir une limite en-deçà de laquelle telle personne ou tel objet appartient à la classe A et au-delà à la classe B. Quelle que soit la méthode adoptée, il s’agit toujours de tracer une frontière en fonction d’un critère plus ou moins arbitrairement choisi.

Amadou Hampâté Bâ : Cet art où la main écoute

Dans le monde sacré traditionnel, la fantaisie n’existait pas. On ne réalisait pas une œuvre par fantaisie, par hasard ou par caprice, ni dans n’importe quel état. L’œuvre avait un but, une fonction, et l’artisan devait être dans un état intérieur correspondant au moment où il la réalisait. Parfois il plongeait dans un état de transe puis, lorsqu’il en sortait, il créait.

Jean Herbert : Swami Sivânanda Sarasvati

J’ai parcouru toutes les écritures du monde, lu toutes les doctrines essentielles des principales religions qui sont celles de la majorité des peuples de la terre, mais je n’ai trouvé nulle part une semence qui puisse engendrer la discorde, la désunion, la haine et la désharmonie qui caractérisent la vie de l’humanité d’aujourd’hui. J’affirme que le Seigneur Jésus, le Seigneur Buddha, le Seigneur Krishna, le Seigneur Mahomet, le Seigneur Zoroastre, Confucius, en fait tous ceux qui ont apporté le Message de Vérité pour l’avancement de l’humanité, ont donné le même Message d’Amour et d’Unité, bien qu’en termes différents, afin d’être compris de leurs adeptes.

Charles Hanriot : Autour de Krishnamurti

Or, si nous nous penchons sur les différentes disciplines religieuses, nous constatons partout un processus d’accumulation, de saturation, d’explosion, ou, en d’autres termes, de chaos, de formation, de désintégration. Cette désintégration se produit après un long processus de maturation, le plus souvent sous l’effet d’un choc. Le Zen nous montre des moines cherchant la vérité, passant des années à cette recherche et subissant brutalement le choc provoqué par le maître et qui les mène au satori.

Le mandat céleste de l'homme primordial, un entretien avec Jean Hani

Le roi doit, sur un autre plan que l’autorité spirituelle, mais en accord avec elle, aider l’homme à réaliser sa destinée la plus haute. Et ceci va très loin : il s’agit, en principe tout au moins pour tous, et, à coup sûr, pour une élite, de permettre aux membres de la communauté d’atteindre l’état d’«homme parfait», c’est-à-dire, en somme, de récupérer, autant que faire se peut, l’état de l’homme primitif. Le sens final de la royauté, c’est ce qu’on peut appeler la «royauté intérieure» : l’homme est appelé à retrouver, je le répète, l’état primitif, dans lequel il était, par la volonté divine : «roi de la création», «roi du monde», appelé à régner sur le monde mais en régnant d’abord sur lui-même; c’est ce que l’on peut appeler son «mandat céleste».

Jean Herbert : Chants bauls

Les Bauls du Bengale sont des « fous de Dieu », dont la discipline spirituelle fait une large part au chant et à la danse. Ils cherchent « Celui qui est dans le cœur », le Dieu qu’ils appellent Manermânush et qui est tout amour.

Marcel Hennart : Notes sur les Pacifismes et l'Homme

Cela, le vulgaire ne le comprend guère : ses grandes passions lui, paraissent la marque d’un amour véritable — et il est toujours bien prés de déformer la parole de l’Écriture : « Qui n’est pas pour moi est contre moi ». Néanmoins, le vulgaire veut bien parfois lui tendre la main. Pour autant qu’un point du raisonnement humaniste concorde avec le sien, il cherche à le gagner à la justice de sa cause. Mais bien peu de ces accords connaissent la durée : finalement, l’humaniste est la brebis galeuse, celui qu’on ignore, celui que ne parle point au bas ventre des foules.