Simonne Fabien : Pour que l’enfant reste uni à son «moi»

« Si vous ne changez pas et ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des cieux », enseignait le Christ. Qui tient encore compte de cette parole ? Allègre­ment, nous saccageons la perception qu’ont les petits enfants du « sens caché des choses » (si nous admettons qu’ils voient « le roi nu », l’idée ne nous vient pas de tenter de discerner comment nous y prendre pour qu’ils soient capables de toujours et encore le voir nu), ce sens qui les unit à la Connaissance, à une Connaissance immédiate et globale de la Réalité derrière les réalités.

Carlo Suarès : Le «quelque chose» et les objets

Tout le drame humain réside dans la lutte des hommes contre leur propre essence, lorsqu’en tant qu’expressions de la vie, ils ne savent pas s’adapter à la vie. Cette lutte est la souffrance. La souffrance est le contraire de l’état naturel, car l’homme n’est pas comme un objet manufacturé qui ne peut se modifier lui-même, mais il possède en lui le moyen de s’adapter toujours à son essence, c’est-à-dire au sens positif de la vie. Ce moyen, il l’a grâce à un instrument, la conscience. La conscience, développée à son maximum, est l’instrument même au moyen duquel la vie se modifie elle-même, dans la race humaine. L’homme com­plètement conscient se modifie sans cesse, car au lieu de s’identifier à un objet — son entité — il s’identifie à la raison d’être de cet objet — la vie. Si à un moment donné il doit choisir entre la vie et lui (entre le poussin et la coquille) il optera pour la vie, sans qu’il lui en coûte, mais bien au contraire, parce qu’il y trouvera sa suprême joie. Son centre se déplacera et ira même jusqu’à voler en éclats. Cette identification constante avec la vie ne comporte pas, et ne peut pas comporter de souffrance. Un Dieu qui souffre n’est qu’un pauvre être inconscient, qui n’a pas su s’identifier à la vie. C’est un tel Dieu inca­pable, qu’adorent les Chrétiens…

Carlos Suarès : La dialectique du moi

Par rapport à la Nature nous envisagerons le moi comme une crise qui se produit dans l’évolution naturelle des règnes, lorsque le sens subjectif (le je), après être devenu conscient et avoir augmenté d’intensité à travers les règnes inférieurs à l’homme, est devenu assez aigu pour assumer à sa propre perception la valeur d’entités isolées, de moi nettement séparés des autres moi. Nous reprendrons ainsi, dans le domaine psychologique, la méthode matérialiste, en faisant sauter ses propres cadres, et nous indiquerons par quelles voies le moi peut et doit parvenir à comprendre sa nature et sa raison d’être, passer de l’état d’isolement à l’état de connaissance.

Wolter A. Keers : Le rôle de la mémoire dans l'identification

C’est en adoptant ce point de vue insoutenable que la mémoire réussit à se créer une réalité, à avoir une densité tout à fait imaginaire. Elle s’infiltre lentement et insidieusement dans la personnalité et devient une des ancres les plus solides de l’égo. Car… « c’est tout de même vrai que j’ai passé mes vacances à Nice cet été…, n’est-ce pas ? » Un tel raisonnement revient à vouloir prouver l’existence de la mémoire par le seul recours à la mémoire. C’est comme si, dans un rêve, on faisait apparaître un personnage pour prouver que tout ce qui se passe dans ce rêve est vrai, est réel. Au réveil on découvre que ce n’était qu’un rêve et que tout ce qu’on a vu et entendu se situait dans un monde imaginaire, n’ayant aucune existence autonome et dépendant uniquement de la conscience dans laquelle il se manifeste, qui en est toute la substance. La mémoire est comparable au déroulement d’un film cinématographique et consiste à projeter une série d’images sur l’écran de la conscience…

Radha Burnier : Vérité et illusion

A ce propos, il est important de comprendre que les deux faces de la réalité ne peuvent pas être « expérimentées » en même temps. Une personne ne peut pas voir au même moment le même objet comme étant un serpent et une corde. Personne ne peut vivre les incidents d’un rêve et parallèlement les réalités de la conscience de veille. Le rêve doit cesser pour qu’une personne puisse avoir cette dernière conscience. Pour que la réaction change, il faut que la vision du serpent fasse place à celle de la corde. Ceux qui cherchent le spirituel ont le plus souvent l’impression qu’ils peuvent s’accrocher à toutes les choses du monde et en même temps avoir les choses spirituelles. Cela est impossible parce que la croissance en spiritualité correspond à un éveil à une nouvelle dimension de la réalité. La Voix du silence dit : « Le soi de matière et le Soi de l’esprit ne peuvent jamais se rencontrer. L’un doit disparaître, car il n’y a pas place pour les deux ».

Tran Thi Kim Diêu : La transformation de soi - Une exploration dans l'inconnu

La transformation de soi dans le mental est effective et réelle quand elle n’est plus seulement un jouet intellectuel et quand elle cesse d’être un rêve à l’état de veille. En effet, une idée, tout comme un mot, n’est pas la chose à laquelle l’idée ou le mot doit correspondre. La faculté de projection du mental – qui cause l’objectivation – peut se saisir de l’idée de la transformation de soi, comme de toute autre, pour en bâtir une théorie intellectuelle qui va lui servir de jouet…

Pascal de Neufville : Souffrance et image de soi

Alors, amie, accepte de te noyer dans ce jeu électronique fou, si tu as bien compris, que tu n’es pas séparée de ces images, que tu es ces images, ces souffrances ou ces plaisirs, que toutes ces images quelle que soit leur nature ont une origine purement mécanique, que toute action en vue de les transformer en autre chose « de plus ou moins que »… est parfaitement illusoire puisque l’entité qui veut transformer est une création de ces mêmes images et que le but à atteindre n’est qu’une autoprojection du passé, alors, cette solitude accablante, ce désert rocailleux, seront la pâte et le levain d’une vie nouvelle, la banquise va se mettre à fondre, le miroir va se fêler, et tu laisseras l’amour réchauffer ton cœur.

Dominique Castreman : L'unité transcendante des religions c'est d'abord un état d'esprit

Les grandes traditions spirituelles, et aujourd’hui la science, évoquent l’existence d’une autre réalité que celle qui tombe directement sous le sens. Ces deux approches de la réalité nous acheminent aux confins des territoires objectivement observables, là où le sens de l’univers se déploie dans le vécu de notre conscience pour rayonner d’un sentiment intense d’unité intérieure et de participation cosmique.

Dominique Casterman : Réflexion sur la réalisation intérieure

L’homme réalisé transcende l’opposition conscient-inconscient par l’expérience directe, immédiate de lui-même et du monde. Il cesse d’opposer ce qu’il aime à ce qu’il n’aime pas, d’opposé l’homme universel à l’homme social. Il vit l’immédiate réalité de la source la plus intime de son être. Il est. Au lieu de se sentir gouverné par le monde extérieur sur lequel il projette ses pulsions intérieures non reconnues consciemment, l’homme réalisé s’éprouve comme le Sujet de ses pensées-sentiments et de ses sensations-intuitions. Pour être remonté jusqu’à la source de son être, il s’est libéré de l’emprise affective et de la tyrannie de l’intellect.

Les archétypes et l'inconscient "objectif" Par Dominique Casterman

Il faut savoir que toutes les formations psychiques non reconnues ont un effet de possession sur le moi. Ces éléments psychiques se manifestent sous forme de complexes, c’est-à-dire de personnalités parcellaires, telles les personnifications de l’ombre, de l’anima et l’animus, qui sont des symboles archétypiques. Les complexes peuvent aussi être des nœuds idéo-affectifs proches de notre histoire personnelle, ce sont par exemple des culpabilités (souvent illégitimes) imposées par l’environnement. L’ombre, c’est la réaction de l’inconscient objectif face à l’oppression des complexes personnels et de nos modes de vie consciemment admis et intégrés à la personnalité du moi.