Carlo Suarès : La première réponse au présent : Naissance d’un moi

Ce que nous appelons conscience résulte donc d’un effort vers la conscience de soi : le moi graduellement devient conscient d’être lui-même, indépendamment de certains rôles qu’il joue, de leurs associations et dissociations ; en s’affranchis­sant de ces objets un à un, il affirme qu’il est un moi, même sans ces objets. Or, nous avons déjà vu, et nous reverrons en détail, que le moi n’est pas autre chose que des vibrations (associations-dissociations) entre deux pôles, qui ont pris le corps d’une entité ; donc plus le moi devient cons­cient de soi-même, plus il se défait : il se dévore véritablement. En effet la conscience de soi n’est qu’une illusion, l’affirmation « je suis moi indépendamment de mes rôles » émane de la per­ception de soi qui résulte de rôles sous-conscients, de rôles dont on ne sait pas qu’ils sont des rôles, c’est-à-dire encore que cette affirmation émane d’un personnage qui se compose de tout ce dont il n’a pas encore douté, d’un personnage qui n’est que partiellement défait. L’affirmation moi qui sub­siste, s’appuie sur ce qui reste encore debout de son édifice croulant…

Carlo Suarès : L'évolution du subjectif dans la nature

La naissance de la liberté, est la naissance de ca­ractères isolés, individuels, qui affranchissent le sujet des réactions rigoureusement déterminées de l’espèce. Cela ne veut dire aucunement que ces réactions individuelles ne sont pas déterminées, mais elles le sont par des causes qui sont devenues individuelles. Ce je se met à avoir des réactions qui lui sont propres, il devient à lui tout seul une nou­velle espèce. Mais du fait qu’il s’applique dès lors à protéger et à faire durer son équilibre, (son je, ses réactions particulières), il s’oppose à l’équilibre plus général qu’il désire atteindre, il s’oppose à sa propre essence, et sa liberté devient cela même: qui l’enchaîne.

Simonne Fabien : Pour que l’enfant reste uni à son «moi»

« Si vous ne changez pas et ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des cieux », enseignait le Christ. Qui tient encore compte de cette parole ? Allègre­ment, nous saccageons la perception qu’ont les petits enfants du « sens caché des choses » (si nous admettons qu’ils voient « le roi nu », l’idée ne nous vient pas de tenter de discerner comment nous y prendre pour qu’ils soient capables de toujours et encore le voir nu), ce sens qui les unit à la Connaissance, à une Connaissance immédiate et globale de la Réalité derrière les réalités.

Carlo Suarès : Le «quelque chose» et les objets

Tout le drame humain réside dans la lutte des hommes contre leur propre essence, lorsqu’en tant qu’expressions de la vie, ils ne savent pas s’adapter à la vie. Cette lutte est la souffrance. La souffrance est le contraire de l’état naturel, car l’homme n’est pas comme un objet manufacturé qui ne peut se modifier lui-même, mais il possède en lui le moyen de s’adapter toujours à son essence, c’est-à-dire au sens positif de la vie. Ce moyen, il l’a grâce à un instrument, la conscience. La conscience, développée à son maximum, est l’instrument même au moyen duquel la vie se modifie elle-même, dans la race humaine. L’homme com­plètement conscient se modifie sans cesse, car au lieu de s’identifier à un objet — son entité — il s’identifie à la raison d’être de cet objet — la vie. Si à un moment donné il doit choisir entre la vie et lui (entre le poussin et la coquille) il optera pour la vie, sans qu’il lui en coûte, mais bien au contraire, parce qu’il y trouvera sa suprême joie. Son centre se déplacera et ira même jusqu’à voler en éclats. Cette identification constante avec la vie ne comporte pas, et ne peut pas comporter de souffrance. Un Dieu qui souffre n’est qu’un pauvre être inconscient, qui n’a pas su s’identifier à la vie. C’est un tel Dieu inca­pable, qu’adorent les Chrétiens…

Carlos Suarès : La dialectique du moi

Par rapport à la Nature nous envisagerons le moi comme une crise qui se produit dans l’évolution naturelle des règnes, lorsque le sens subjectif (le je), après être devenu conscient et avoir augmenté d’intensité à travers les règnes inférieurs à l’homme, est devenu assez aigu pour assumer à sa propre perception la valeur d’entités isolées, de moi nettement séparés des autres moi. Nous reprendrons ainsi, dans le domaine psychologique, la méthode matérialiste, en faisant sauter ses propres cadres, et nous indiquerons par quelles voies le moi peut et doit parvenir à comprendre sa nature et sa raison d’être, passer de l’état d’isolement à l’état de connaissance.

Wolter A. Keers : Le rôle de la mémoire dans l'identification

C’est en adoptant ce point de vue insoutenable que la mémoire réussit à se créer une réalité, à avoir une densité tout à fait imaginaire. Elle s’infiltre lentement et insidieusement dans la personnalité et devient une des ancres les plus solides de l’égo. Car… « c’est tout de même vrai que j’ai passé mes vacances à Nice cet été…, n’est-ce pas ? » Un tel raisonnement revient à vouloir prouver l’existence de la mémoire par le seul recours à la mémoire. C’est comme si, dans un rêve, on faisait apparaître un personnage pour prouver que tout ce qui se passe dans ce rêve est vrai, est réel. Au réveil on découvre que ce n’était qu’un rêve et que tout ce qu’on a vu et entendu se situait dans un monde imaginaire, n’ayant aucune existence autonome et dépendant uniquement de la conscience dans laquelle il se manifeste, qui en est toute la substance. La mémoire est comparable au déroulement d’un film cinématographique et consiste à projeter une série d’images sur l’écran de la conscience…

Radha Burnier : Vérité et illusion

A ce propos, il est important de comprendre que les deux faces de la réalité ne peuvent pas être « expérimentées » en même temps. Une personne ne peut pas voir au même moment le même objet comme étant un serpent et une corde. Personne ne peut vivre les incidents d’un rêve et parallèlement les réalités de la conscience de veille. Le rêve doit cesser pour qu’une personne puisse avoir cette dernière conscience. Pour que la réaction change, il faut que la vision du serpent fasse place à celle de la corde. Ceux qui cherchent le spirituel ont le plus souvent l’impression qu’ils peuvent s’accrocher à toutes les choses du monde et en même temps avoir les choses spirituelles. Cela est impossible parce que la croissance en spiritualité correspond à un éveil à une nouvelle dimension de la réalité. La Voix du silence dit : « Le soi de matière et le Soi de l’esprit ne peuvent jamais se rencontrer. L’un doit disparaître, car il n’y a pas place pour les deux ».

Tran Thi Kim Diêu : La transformation de soi - Une exploration dans l'inconnu

La transformation de soi dans le mental est effective et réelle quand elle n’est plus seulement un jouet intellectuel et quand elle cesse d’être un rêve à l’état de veille. En effet, une idée, tout comme un mot, n’est pas la chose à laquelle l’idée ou le mot doit correspondre. La faculté de projection du mental – qui cause l’objectivation – peut se saisir de l’idée de la transformation de soi, comme de toute autre, pour en bâtir une théorie intellectuelle qui va lui servir de jouet…

Pascal de Neufville : Souffrance et image de soi

Alors, amie, accepte de te noyer dans ce jeu électronique fou, si tu as bien compris, que tu n’es pas séparée de ces images, que tu es ces images, ces souffrances ou ces plaisirs, que toutes ces images quelle que soit leur nature ont une origine purement mécanique, que toute action en vue de les transformer en autre chose « de plus ou moins que »… est parfaitement illusoire puisque l’entité qui veut transformer est une création de ces mêmes images et que le but à atteindre n’est qu’une autoprojection du passé, alors, cette solitude accablante, ce désert rocailleux, seront la pâte et le levain d’une vie nouvelle, la banquise va se mettre à fondre, le miroir va se fêler, et tu laisseras l’amour réchauffer ton cœur.

Dominique Castreman : L'unité transcendante des religions c'est d'abord un état d'esprit

Les grandes traditions spirituelles, et aujourd’hui la science, évoquent l’existence d’une autre réalité que celle qui tombe directement sous le sens. Ces deux approches de la réalité nous acheminent aux confins des territoires objectivement observables, là où le sens de l’univers se déploie dans le vécu de notre conscience pour rayonner d’un sentiment intense d’unité intérieure et de participation cosmique.