E. Pearon-Laroute : Explorations et traversées

l’Inde dès l’origine de sa pensée a observé et voulu expliquer rationnellement les phénomènes de la nature et de l’esprit, comprendre les rapports entre l’une et l’autre ; les noter, abondamment, — nulle littérature d’observation, dit Mircea Eliade, n’est plus riche que la sienne, — pour que ces observations puissent servir. La pensée philosophique indienne n’est pas mystique seulement, elle est peut-être avant tout utilitaire, c’est celle de l’observateur, du savant, de l’instructeur. Pour de telles données synthétiques qui établissent de continuelles et vivantes corrélations entre tous les plans de la vie, le seul langage possible est celui de la poésie.

Radha BURNIER : Critères moraux et intuition spirituelle

A toute époque de transition et au cours des périodes où se produisent de remarquables changements des conditions extérieures, le mental des gens est mis à l’épreuve. Ou bien ils tirent un nouvel élan du défi que leur oppose le changement rapide des circonstances et se mettent à la pointe de la croissance culturelle, intellectuelle et spirituelle de la civilisation dans laquelle ils vivent, ou bien ils sont dépassés parce qu’ils sont trop cristallisés et trop conventionnels pour réagir comme il faut au changement, et alors tout se met à dégénérer et à s’écrouler autour d’eux.

Sankara Menon : Données essentielles de la culture hindoue

Pour la plupart des Indiens, le concept de base qui a dominé la pensée et la vie hindoues est l’affirmation de l’unité de la vie ; je ne suis pas sans savoir que des systèmes dualistes ou pluralistes ont été connus dans l’Inde et y ont acquis un grand prestige. Mais tandis qu’on les respectait, leurs conclusions sur la Réalité Ultime n’ont pas été admises en définitive. La déclaration fameuse du Rig-Veda sur « L’Un auquel les Sages donnent bien des noms », montre que cette conviction se rencontre chez les Hindous dès l’aube de l’histoire.

Pierre D'Angkor : Itinéraire 2: L'Unité

L’homme, lui aussi, est donc manifestation de l’Unité. Il est l’univers en raccourci, en miniature, le microcosme du macroscome. Toutefois, comme l’Unité absolue exclut toute autre chose qu’Elle-même, ses manifestations, macrocosmiques ou microcosmiques, ne sont possibles que par sa propre projection, sa réflexion, dirions-nous, dans une sorte de miroir illusoire que l’Inde nomme « Maya ». Ce miroir de l’Unité c’est l’Univers, qualifié d’irréel — non qu’il ne soit pour nous qu’un mirage : il est réel pour nous — mais parce qu’en regard de la seule Réalité éternelle, l’Unité absolue, il n’a qu’une réalité relative, passagère, illusoire.

Robert Linssen : Mutations des sciences et des consciences

La nouvelle vision du monde nous fait entrevoir l’univers comme UN seul vivant présent au cœur de la multiplicité des êtres et des choses. L’univers manifesté doit être considéré comme l’unité organique d’un seul corps. Ce corps pourrait être celui d’un géant aux muscles fluides de pure lumière dont chaque être humain est un membre apparemment séparé.

E. Lester-Smith : Unité, dualité, et réalité

L’Univers est pénétré par la Dualité ; cependant l’Unité persiste. Quand l’Un devient Deux, Esprit et Substance, c’est alors que naît la Dualité. Mais les Deux restent compris dans l’Un, et ainsi l’Unité est préservée. Dans ces domaines le langage trébuche, il faut qu’il s’exprime par des énigmes et des paradoxes. Il a recours à des lettres majuscules pour des mots qui n’ont pas leur sens habituel. Ainsi donc dans le domaine le plus élevé, la Dualité est latente, l’Unité domine suprêmement. Réciproquement dans le domaine le plus bas, le monde physique, la dualité et la diversité règnent suprêmement et l’unité est difficile à découvrir. En descendant, le changement est progressif; il est à présumer que l’on peut considérer le milieu du Manas comme le pont en dessous duquel la dualité est dominante.

A. de Limbourg-Stirum : Réflexions sur « La Science du Mental » de E. Holmes

Notre Mental — avec un M majuscule — ou plutôt le Mental-Un ou Universel qui nous anime et constitue notre « JE » véritable, l’Essence et Énergie potentielle de notre être — dont notre petit moi limité et arrogant n’est que l’expression phénoménale dans cette vie terrestre — est parfait et illimité. Il ne dépend que de nous (en tant que dépositaire de cette Énergie primordiale) de déblayer le terrain. Il faudra nous rendre de plus en plus transparent et réceptifs, afin de laisser percer cette Lumière qui est en chacun de nous. Nous devons nous dégager de la torpeur qui nous envahit et essayer de vivre plus consciemment, en harmonie avec le « Grand Tout »…

Michèle Reboul : Spinoza, l'homme ivre de dieu

Toute la philosophie de Spinoza est centrée sur cette certitude : Tout est en Dieu, Dieu est Tout, mais rien n’est Dieu. C’est pourquoi il est faux, comme le disent trop souvent bien des commentateurs (qui semblent n’avoir jamais lu directement Spinoza), de parler de panthéisme spinoziste. Il y aurait panthéisme si le monde et tout ce qu’il contient était Dieu. Mais il y a une totale différence de sens et même une opposition entre le fait de penser que tout est Dieu (panthéisme) et que tout est en Dieu. Dans premier cas (le panthéisme), tout est identique ; dans l’autre (le spinozisme), tout est uni à Dieu, car Dieu étant l’Un, unifie toutes choses et tout être en Lui. Dans l’identité, il n’y a ni mouvement, ni vie, ni amour. L’unité, elle, permet une union de plus en plus consciente dans une vie de désir et « d’amour intellectuel ».

La réalité sensorielle. Libres propos de Michel Random

Il y a évidemment un fil d’or, un fil interne qui relie les propriétés de toutes choses, qui fait le pont entre le qualitatif et le quantitatif, le monde de la matière et celui de la pensée, entre l’événement instantané, la réalité soudaine, l’apparition spontanée et mouvante des choses, et l’espace-temps. Il existe ce fil qui est au-dehors et au-dedans, qui forme et informe, qui modèle et crée, qui partant de l’infiniment grand à l’infiniment petit, se manifeste avec la même cohérence, la même puissance d’obstination si l’on peut dire, ce fil qui ne lâche lui jamais prise, que rien ne peut entamer, qui a toujours été et qui probablement sera toujours. Et ce fil de toutes relations, ce fil enchanté, n’est autre que le vivant.

Dominique Casterman : La passion philosophique et la quête du sens

Comment ne pas voir que la nature entière est vivante, que tout est lié, que toutes les cellules, tous les atomes de notre corps sont des entités créatrices au même titre que l’intellect et l’esprit humain? Prendre conscience que le principe de notre conscience ne repose pas seulement sur notre corps, mais aussi sur le corps de l’univers dans son ensemble invite à cesser de vouloir maîtriser et exploiter la nature exclusivement pour nos propres fins…