le docteur Pierre Wiltzer : Survivre à ses parents

La violence n’est pas seulement intrafamiliale ; il existe une violence qui s’exerce vis-à-vis du sujet lui-même et la pathologie mentale nous en offre des exemples caricaturaux, tant dans la mélancolie où, comme le souligne J. Nadal « la perte de l’objet conduit le Moi en s’identifiant à l’objet perdu à se dévorer lui-même par la pression du Surmoi destructeur », que dans les conduites automutilatrices chez l’enfant et la toxi­comanie chez l’adolescent. Dans l’anorexie de la jeune fille on retrouve une auto-affirmation narcissique de toute-puissance à l’image de cette même « toute puissance » dont parle B. Grunberger, à laquelle participe le chasseur qui abat sa victime.

L’ambigüité humaine entretien avec le professeur Maurice Auroux

L’animal est agressif pour survivre. Tandis que dans notre agressivité… toutes les structures cérébrales sont représentées. Il n’y a pas une structure cérébrale qui ne soit en relation avec les autres. Alors notre agressivité va passer par notre néocortex et c’est paradoxal puisque notre néocortex est le siège de la raison, de la réflexion, de l’imagination, bref, de ce qui nous caractérise. Notre agressivité n’est pas celle de l’animal vis-à-vis d’une proie qui s’échappe et qu’il poursuit parce qu’il a faim : nous, nous sommes capables d’agresser parce que notre imagination, l’idée que nous avons de nous-même peut nous entraîner, via l’affirmation de soi, à devenir violent.

Marc De Smedt : Sotie sur la peur

D’abord, le silence peut cacher la crainte, quelle qu’elle soit. Et en la dissimulant aux yeux du monde, il couvre divers états qui ont pour nom : faiblesse, appréhension, affolement, effroi, voire panique… Les expressions populaires ne disent-elles pas qu’on peut se retrouver muet de terreur, sans voix, plus mort que vif, avec le souffle coupé ? Mais, silence gardé n’empêche ni l’émotion ni ses signes divers : boule dans l’estomac, jambes flageolantes, sueurs froides, yeux égarés, blêmissement très net… sans oublier les fameux cheveux qui se dressent sur la tête et les poils du corps qui se hérissent. Tout cela pouvant mener soit à l’évanouissement chez des natures chichiteuses, donc à un silence total, soit à la fuite, silence poltron, soit à une réaction de défense plus ou moins contrôlée, auquel cas le silence se mue en paroles plus ou moins criardes et, parfois, en coups et glapissements divers.

Michel Fournier : La grande peur de M Teste

M. Teste se nourrit uniquement de produits naturels. Il mange sans sel et pas trop épicé ; il a l’estomac fragile. Il ne boit que des grands crus, modérément, les autres vins sont trafiqués. Il a lu des choses épouvantables sur les conservateurs, les colorants et les renforçateurs de goût. Les revues de consommateurs le font frémir. Il a vendu sa voiture à cause des chauffards, des assurances, des voleurs et des vandales, des contraventions et autres tracasseries administratives ; d’ailleurs il ne sort plus que par obligation. Il ne voyage jamais : on est toujours déçu. Mauvaise alimentation, climats éprouvants, populations bizarres. Il n’a pas d’animaux, c’est sale, envahissant, on s’attache et cela implique des obligations fastidieuses. Préserver sa dignité est déjà une exigence à haute responsabilité, qui nécessite une vigilance de chaque instant.

Howard Brabyn : L'émotion dans le cerveau

On a pu constater que le cerveau était capable de détecter les caractéristiques structurelles des sons et que ces dernières déterminaient la dominance de l’hémisphère droit ou de l’hémisphère gauche. Ainsi les sons vocaliques humains, les sanglots, le rire, la stridulation des insectes et d’autres bruits naturels, qui comportent tous une modulation de fréquence et des combinaisons harmoniques, induisaient chez les sujets japonais une dominance de l’oreille droite (hémisphère gauche).

Carlo Suarès : L'évolution du subjectif dans la nature

La naissance de la liberté, est la naissance de ca­ractères isolés, individuels, qui affranchissent le sujet des réactions rigoureusement déterminées de l’espèce. Cela ne veut dire aucunement que ces réactions individuelles ne sont pas déterminées, mais elles le sont par des causes qui sont devenues individuelles. Ce je se met à avoir des réactions qui lui sont propres, il devient à lui tout seul une nou­velle espèce. Mais du fait qu’il s’applique dès lors à protéger et à faire durer son équilibre, (son je, ses réactions particulières), il s’oppose à l’équilibre plus général qu’il désire atteindre, il s’oppose à sa propre essence, et sa liberté devient cela même: qui l’enchaîne.

Entrée dans une autre dimension, entretien avec Frédérick Leboyer

La naissance est un changement de niveau. C’est pourquoi il faut cesser de la voir comme un problème médical, biologique, physiologique. Il ne faut pas la regarder avec les yeux des médecins, ni avec nos yeux d’êtres humains. C’est un autre langage, une autre dimension, comme la mort. La naissance est une intersection de la durée, une entrée dans le temps quotidien, ordinaire.

J. Krishnamurti : Ainsi parlait Krishnamurti

Il y a tout un ensemble de théories, de grandes, de nombreuses abstractions, et les gens vivent dans les traditions du passé : acceptent l’autorité. Tout cela n’est pas la religion. Tout cela ne conduit pas à la spiritualité. Ils peuvent aller dans les temples. Ils peuvent avoir d’innombrables rituels, des traditions historiques, non! des fictions historiques! Il y a tout un tas de gourous dans le monde entier, gagnant de l’argent, et avec toute une bande de disciples. J’espère que vous ne vous froissez pas de m’entendre parler ainsi.

D.T. Suzuki : Causerie à Mexico

Il n’y a pas de processus progressif se réalisant pas à pas. Il y a une brusque rupture, un plongeon direct dans le vide. Nous devons dépasser l’intellect, déclara-t-il, en l’ayant utilisé au maximum de ses possibilités. L’intellect nous conduira au précipice, où nous devons sauter dans le vide.