Radha Burnier : La tradition universelle du yoga

Contrairement à la croyance générale, la tradition du yoga n’est pas confinée à l’Inde et n’est pas une activité ésotérique accessible à peu de personnes. Elle est liée à un courant universel de recherche et de pensée qui coule à travers les âges dans les diverses écoles qui s’occupent de la transcendance humaine. En Egypte et en Grèce, dans la tradition soufie, dans les enseignements des Bouddhistes et des Taoïstes, dans la tradition chrétienne, dans le Tantra et le Vedanta, on trouve au cœur des enseignements extérieurs des indications d’une manière de vivre et d’un entrainement qui sont en accord avec la recherche et la direction intérieures impliquées par le terme « yoga ».

Yann Le Boucher : Hatha-yoga: gymnastique ou discipline ?

Il faut rappeler que le hatha-yoga, le yoga des postures, s’enracine bel et bien dans la partie initiatique de la tradition hindoue. Loin de n’être qu’une discipline du corps, il est en fait une voie d’évolution spirituelle complète. Son originalité : considérer la maîtrise corporelle comme le point de départ et donc aussi le point d’appui de l’évolution spirituelle de l’être humain. Mais ne confondons pas les moyens et la fin. Pour gravir une montagne il y a plusieurs chemins possibles (par la face Nord, la face Sud, Est ou Ouest), et à chacun de ces chemins peut correspondre une aide technique particulièrement appropriée (l’hélicoptère, le téléphérique, le mulet ou les chaussures à crampons). De même, nous dit l’hindouisme, pour « élever » la conscience humaine et l’unir à son principe métaphysique (atman), on peut s’appuyer sur différentes techniques qui renvoient elles-mêmes aux différentes fonctions de la machine humaine.

Dominique Casterman : Réflexion sur la réalisation intérieure

L’homme réalisé transcende l’opposition conscient-inconscient par l’expérience directe, immédiate de lui-même et du monde. Il cesse d’opposer ce qu’il aime à ce qu’il n’aime pas, d’opposé l’homme universel à l’homme social. Il vit l’immédiate réalité de la source la plus intime de son être. Il est. Au lieu de se sentir gouverné par le monde extérieur sur lequel il projette ses pulsions intérieures non reconnues consciemment, l’homme réalisé s’éprouve comme le Sujet de ses pensées-sentiments et de ses sensations-intuitions. Pour être remonté jusqu’à la source de son être, il s’est libéré de l’emprise affective et de la tyrannie de l’intellect.

Maurice Lambilliotte : Voir et Aimer

Voir est un acte. Un acte constant. Il fait partie de notre vie à chacun. Il doit en être de même d’aimer. Et ici encore, les mots ne peuvent qu’édulcorer, sinon déformer, le sens d’un impératif que nous voudrions précisément faire percevoir par chacun comme impératif. Il ne suffit pas, en effet, de dire qu’il faut irriguer toutes les activités mentales, par un constant état d’amour, qui soit un état de reliance au plus intime de nous-même, au cœur de notre silence intérieur, avec la source irradiante de la Vie. Il ne suffit pas d’appeler chacun à découvrir en soi, cette extraordinaire présence de la Vie, de l’unité de la source d’où jaillit, d’où émerge toute création, et, bien au delà de nos catégories mentales qui, dès lors, doivent être ramenées à leur ordre de grandeur et d’importance réelle : ce qu’il importe surtout, c’est de rechercher les voies capables de faciliter, à chacun, cette perception de la présence intérieure de la Vie.

swami Hridayananda Sarasvati : Le corps Subtil

Le rêve est la seule chose qui puisse expliquer le point de vue du Védanta, car on ne peut pas accepter quoique ce soit qui ne satisfasse pas en une certaine mesure votre intelligence et votre raison. Selon le Védanta il n’y a ni création, ni dissolution, tout cela n’est qu’illusion. Illusion veut dire que les aspects extérieurs que l’on croit être la Création, ne sont qu’illusion. Ce n’est pas comme la corne d’une vache, une vache n’a pas de corne. Donc si l’on parle de la corne d’une vache c’est sans fondement. C’est dans les Écritures, dans le récit de la femme stérile. Tout ce que nous considérons comme irréel contient du réel, un peu de réel en soi. C’est pourquoi on dit que Maya ne peut pas être considérée comme réelle ou irréelle, parce qu’il y a de la réalité dans l’irréel. En effet, rien dans l’Univers ne peut exister par lui-même s’il n’a pas le Réel comme substratum.

Swami Hridayananda Sarasvati : Raja Yoga 10

Prenons cette pièce qui est remplie de Conscience Absolue et cette Conscience Absolue passe en chacun de nous, formant le substrat de chaque individu. Ce qui passe en chacun de nous est appelé Atman. Le changement n’est qu’apparent. Ce n’est pas parce que je mets ma main sur le tissu, que le tissu a changé, il est toujours là, essentiellement le même. Donc c’est cette Conscience Absolue, infinie, omniprésente, qui forme notre substrat, c’est cela que nous appelons Atman. En fait, Atman et Brahman sont absolument identiques. En traversant un être humain il ne change pas, aucune modification, mais bien sûr, si je mets ma main sur ce tissu, un enfant, quelqu’un pourrait croire qu’il n’y a pas de tissu dessous, qu’il y a une rupture entre le tissu qui entoure ma main et ce qui est en dessous.

Gabriel Monod-Herzen : Le couple humain et le couple divin

Il est curieux de constater que pour les Hindous qui ont pourtant un sentiment religieux très développé, l’humanité n’est pas faite pour adorer Dieu, quoiqu’ils le fassent tout de même en donnant par exemple à l’enfant un Guru, choisi en dehors de la famille pour éviter l’influence familiale. Le but final dépasse infiniment l’âme humaine, c’est la transformation du monde. C’est la manifestation du Divin dans le monde, c’est la naissance d’une vie divine sur la terre qui, du point de vue hindou, est la seule solution. Et ceci est parfaitement clair chez Sri Aurobindo.

B. L. Atreya : La divinisation de l'homme

D’après Vasishtha, il n’existe aucune voie de Réalisation du Soi hormis la Connaissance. « L’ascétisme, les pèlerinages, la distribution des aumônes, les sacrifices, les bains dans les rivières sacrées, l’étude des Ecritures, l’accomplissement des devoirs rituels, etc., tout cela n’est d’aucun usage ». C’est par la seule connaissance que l’individu peut réaliser sa propre Déité. La Connaissance est le seul moyen qui fait apparaître la Conscience du divin. « Bhakti », la dévotion à un Dieu personnel ou à un Maître, n’est aucunement requise et ne sert pas à grand-chose pour réaliser le Soi. Vasishtha croit inébranlablement qu’il ne faut compter que sur soi-même. Il affirme avec force : « On est soi-même son propre ami, ou bien son propre ennemi. Aucun palliatif ne peut être envisagé si l’on n’est pas l’artisan de son propre salut ». « Ce que l’on n’atteint pas soi-même, par un effort personnel et persistant, ne peut être atteint par nul autre procédé dans aucun des trois mondes ». « Le Dieu vrai que l’on doit adorer, c’est le Soi que l’on possède. Il n’est aucun besoin d’adorer tout autre dieu ». « Ceux qui abandonnent le dieu qui réside en leur propre cœur et vont à d’autres dieux sont comparables à ceux qui jettent les pierres précieuses qu’ils ont en main pour rechercher les verroteries ».

Carlo Suarès : Question : « Vivre et/ou survivre (?) »

Je comprends le mot vivre. Je ne comprends absolument pas du tout ce que vous entendez par survivre. C’est un mot qui pour moi n’a strictement aucun sens. Si vous dites qu’on a détaché un cœur, qu’on l’a mis dans un bocal et qu’il continue à battre, il survit parce qu’il bat sans avoir aucune fonction, je le dirais bien, mais je ne pense pas que vous puissiez me parler de cela. Pour moi, tout vit. Et tout est conscience.

Wei Wu Wei : Introduction à « vivre sans tête »

Le conditionnement est tel que certains d’entre nous ont de la peine à croire que Douglas Harding entend nous faire prendre à la lettre ce qu’il nous dit, et cela en dépit de son insistance. Pourtant, ce qu’il exprime, et ses citations le prouvent, tous les grands Maîtres l’ont enseigné à leurs contemporains, chacun à sa propre manière, dans le contexte et l’esprit de son temps. Dans ce petit livre, cela nous est dit à nous dans notre propre génie, d’une façon amusante et personnelle, à tel point que peut-être nous trouvons difficile de croire qu’une si bonne lecture doive être prise au sérieux.