André De Possel-Deyrier : Microcosme et macrocosme

Pour l’instant et pendant un long avenir, nous devons nous en tenir à une constatation de fait : la manifestation existe, elle emplit l’univers, elle dépasse les limites de perception de nos sens et de nos instruments. Notre intelligence, notre science s’efforcent chaque jour de pénétrer davantage sa puissance, sa mystérieuse profondeur. Nos connaissances acquises dénotent l’existence d’une puissance incommensurable, infinie, mais ordonnée, rationnelle, qui dirige le cosmos. Les mondes et les êtres qui le peuplent suivent ces lois immuables qui tendent à l’union, à l’harmonie universelle. Le but final de l’évolution apparaît dans l’unité par le retour à l’identité avec l’Absolu d’où émanent toute vie et toute forme. Les hypothèses scientifiques s’accordent sur ce point aux données de l’occultisme. Elles envisagent l’unité de la matière. La réduction du nombre des corps simples tend de plus en plus à la démontrer…

Archaka : La croisée des plans parallèles

Plus tragique que la mentalité orientale, l’esprit sémi­tique, étayé par l’âme grecque, au moment de forger le symbole, fait de Jésus l’homme de douleurs là où, peut-être, un Asiatique rapporterait son sacrifice en termes de joie. Pour nous, l’idée de sacrifice s’accompagne de l’idée de passion et de martyre, et nous voyons en la croix le signe d’un supplice au lieu d’y reconnaître la signature divine d’une extase où sont fondus en l’homme l’intem­porel et le temporel, l’immatériel et le matériel, l’immortel et le mortel.

Archaka : Le mur de la Lumière

S’il n’y a que l’Un, sous tous les visages du monde, à travers le Temps et l’Espace, il ne peut en effet y avoir de Mort. La Mort ne peut être que le processus d’autre chose, que, faute de le connaître, nous ne pouvons nom­mer. Et c’est précisément cela qu’il nous appartient de découvrir : de quoi la Mort est le mécanisme, quelle énigme elle dissimule, beaucoup plus formidable qu’aucun des mystères que nos religions, depuis tant de millénaires, ont inventoriés.

Carlo Suarès : La société des hommes n'est pas espèce

Avons-nous eu des expériences spirituelles ? Leur sou­venir les a assassinées. La félicité que nous en avons ressentie les a assassinées. La certitude, le cri de joie, l’extase les a assassinées. Car ces délectables émotions se sont ajoutées au perçu, au goûté, au comparé, au connu, au passé, à la trame du tissu de nos jours. Goûtons-nous « encore une fois » cet ineffable ? Ce n’est donc pas lui. Peut-être nous a-t-il surpris une fois par mégarde. Mais si nous l’avons « senti » c’est qu’il n’était déjà plus là. Il n’y a pas de rencontre possible entre le neuf et le vieux. Et « qui » était là pour l’accueillir ? Est-on ?… Sommes-nous autre chose qu’un passé, et un passé est-il autre chose qu’une protection ? Qu’un système défensif ? Qu’une organisation fortifiée ?

Archaka : Les lendemains du Silence

Tout est Dieu, et Dieu n’est rien. Depuis toujours, pour lui, il en sera ainsi. À jamais, il en sera ainsi. Le plus énorme nombre ne suffirait pas à définir sa durée, que la plus infime fraction contient aussi bien tout entière : n’importe quel instant, pour « cela », contient non seule­ment l’histoire de notre univers depuis sa naissance, il y a quinze milliards d’années, jusqu’à sa dissolution éven­tuelle, mais aussi la manifestation de tous les autres uni­vers qui, pour une conscience temporelle, ont précédé le nôtre ou doivent lui succéder. Tout existe d’avance et à jamais. En Cela et pour Cela, toute vie, immesurablement grande ou incommensurablement petite, est une, est infi­nie, est éternelle, est à la fois radicalement illusoire et réelle. Rien n’existe vraiment. Et tout a toujours existé.

Archaka : La mort de la Mort

Ni religieux, ni scientifique, ni théiste, ni athée, un nou­veau mode de pensée se prépare où vont se fondre les deux tendances actuelles de notre esprit. Jusqu’à présent, elles se sont tenues à distance, se méprisant et s’estimant tour à tour, mais refusant de s’allier : d’un côté, le monde et, de l’autre, Dieu. Même pour ceux qui devinaient que le monde est Dieu sous un visage étranger, le monde n’en était pas moins inférieur, négligeable, ou vaguement mau­dit. Quant à ceux pour qui le monde était le seul souci, Dieu, s’il existait, leur semblait ne rien avoir à faire avec ce qu’enseignaient les religions : comment parler en termes de Bien et de Mal, de compassion, de rachat, quand il s’agit d’établir que la Terre tourne ou que l’effon­drement gravitationnel d’une étoile peut aboutir à un autre univers, ou quand on veut enregistrer la mort d’un proton pour savoir si le monde se désintégrera ?

Archaka : À l'intérieur de Dieu

L’expérience de Dieu est possible partout dans l’uni­vers. Ou elle ne l’est nulle part. Partout dans l’univers, une forme de conscience peut basculer dans le sentiment de l’Infini et de l’Éternité. De quelque façon que le cosmos soit perçu, selon les champs et les forces de l’Espace, il est partout possible de pénétrer en le même Infini, de s’identi­fier à la même Éternité. Derrière chaque point, sans exception, de la manifestation cosmique, un seul Être se dissimule, un Être unique existe, que nous pouvons décou­vrir et qu’à notre instar tout peut dévoiler en un déluge de Lumière.

Archaka : Le cosmos immortel

Pour la conscience qui, affranchie du mode temporel, découvre cet absolu de l’Être, le principe de causalité s’annule de soi-même. Il ne peut être question de se plier encore au sens du Bien et du Mal. Tout est d’avance et à jamais accompli. Intérieurement, l’architecture édifiée par les millénaires s’est lézardée et, à la longue, s’écroule et disparaît. L’innocence est reconquise — ou plutôt l’état sans péché, qui se conquiert en échappant à l’emprise du Temps, est révélé. Il n’est pas retour en arrière, à un Éden préhistorique, à une idiotie pré-humaine, mais découverte, par-delà toute morale, tout dogme, toute confession, d’une inévitable transcendance de l’humanité.

Archaka : La naissance de la Mort

Il y a soixante mille ans, un phénomène s’est donc produit dans la conscience terrestre : le brusque arrêt du souffle dans une poitrine étrangère, l’ataraxie intérieure qu’en dépit de la raideur navrée des membres le visage détendu traduisait, le silence irrémédiable de celui qui, un instant avant, criait ou riait, tout cela s’est mué en ce qui nous prosterne et à quoi nous n’avons pas encore trouvé de réponse. Toutes nos cultures découlent de cette découverte d’une Amérique que nous appelons la Mort. Toutes nos philosophies, toutes nos religions sans aucune excep­tion sont issues de cette brusque ouverture sur notre anéantissement…

Archaka : Avant le Déluge

Si élevées qu’elles puissent être, les paroles qui nous sont adressées ne sont que des conceptions qui, d’une voix à l’autre, semblent parfois se contredire. La réincarnation, absente du christianisme depuis le Ve siècle, est essentielle à la pensée bouddhique qui nie pourtant la réalité de l’individu, laquelle est fondamentale pour les chrétiens. D’une religion à l’autre, d’une philosophie à l’autre, les explications diffèrent et peuvent même diverger, comme elles le font d’une politique à l’autre. Toutes sont néan­moins justifiables. Toutes saisissent un reflet ou un écho de ce qui nous hante et qui, peut-être, est à jamais incompréhensible.