La question « Où les savants mènent-ils le monde ? » est extrêmement complexe. Nous sommes ici trois scientifiques : un médecin, un biologiste et un physicien. Certainement, la question évoque des thèmes, des réponses très différents. Il est naturel qu’il en soit ainsi, car il n’y a pas de science dans un sens unitaire. Il y a des éclairages multiples du monde, dans lequel nous vivons, qui, quelquefois, demande une certaine spécialisation, comme le Droit demande un langage particulier, comme la Philosophie en demande un. Ce sont des disciplines différentes.
Catégorie : C
Maryse Choisy : Teilhard et l'Inde
Teilhard veut « psychiser » la matière, car la forme supérieure d’existence et l’état final d’équilibre pour l’étoffe cosmique est d’être pensée . Il veut donc sauver la pensée du monde et par là donner un sens nouveau au monde. Il veut rapporter la terre à Dieu et ainsi donner une valeur à la terre. Dans ce dépassement, sans le savoir, il rencontre les Oupanishads.
Jean-E. Charon : L'Esprit est dans la matière
Quand nous regardons à l’œuvre chaque cellule de notre corps, nous ne pouvons pas nous empêcher d’être émerveillé devant le savoir qui est déployé, pour construire notamment notre corps depuis les deux cellules initiales du moment de la fécondation, jusqu’à l’être achevé, avec tous ses organes et ses potentialités. Ne doit-on pas dire que c’est encore là l’Esprit qui opère, puisque les actions au niveau cellulaire font apparaître un savoir que physiciens et biologistes, avec tout leur « esprit », seraient encore bien loin d’être capables de reproduire ?
Hubert Cuypers : Le sens de la mort
Nous ne connaissons la mort que par celle d’autrui. Il n’empêche que l’évidence de notre existence entraîne, pour chacun de nous, un sentiment d’immortalité directement lié à la fin qui nous attend. Nous acceptons la mort physique, mais, comme le remarque Echeverria, « pour montrer aussitôt qu’une telle mort n’existe que pour ceux qui nous survivent dans le temps, tandis que pour nous-mêmes elle n’est, ni ne peut être un cesser d’exister, une mort. Ou, pour user d’une formule : dans la mort je ne meurs pas; c’est le temps qui meurt en moi. »
Rémy Chauvin : L'Homme et le Cosmos dans une genèse commune
Il y a actuellement deux possibilités dans la manière de considérer l’homme et le cosmos. Elles sont à peu près équivalentes. « La première est de considérer l’extrême petitesse de l’homme sur le plan de la mesure et il est certain que l’homme en face d’une galaxie n’est pas très gros… Mais il est gros par rapport à l’atome… en sorte que l’on a pu dire que l’homme constitue un moyen terme entre le plus petit et le plus grand. » Dans ces conditions, certains esprits peuvent être tentés de croire que la vie humaine est bien puérile et bien passagère et « qu’un beau jour, avec l’égalisation de l’entropie, elle disparaîtra définitivement et que tout sera comme si l’homme n’avait jamais existé ». On peut avec autant de droit concevoir, comme le faisait le Père Teilhard, qu’il n’y a pas deux infinis seulement, mais un troisième, celui de l’infiniment complexe l’Homme. « L’Homme dont le cerveau mystérieux a en quelque sorte créé le cosmos en le mesurant, en l’organisant, en le rendant conscient. »
André Cailleux : Connaissance scientifique et filiation
Ces connaissances sûres et efficaces qui lui viennent du passé et d’autrui, le chercheur devra les assimiler, les intégrer dans son présent, les faire siennes. Ce qui était social et extérieur deviendra pour lui personnel et intérieur. Comment et par quel mécanisme, et à l’aide de quelle forme de structure ? C’est ce que nous allons nous demander, en examinant de plus près, le fonctionnement des cerveaux humains, en face de la nature.
Maryse Choisy : L'amour dynamique de l'histoire et son sens nouveau chez Teilhard
Pierre Teilhard ignorait totalement Vivekananda. Je lui soumis le texte qui suit, extrait du Bhakti yoga, en lui disant : « Voyez comme cet homme vous ressemble et vous imite, combien ce texte a des accents teilhardiens! » Il écouta attentivement : « N’est-il pas évident que cet univers n’est qu’une manifestation de l’Amour ? Qu’est-ce qui fait que les atomes s’unissent aux atomes, les molécules aux molécules et que les planètes se précipitent l’une vers l’autre ? Qu’est-ce qui attire l’homme vers la femme et la femme vers l’homme, les animaux vers les animaux et qui attire en quelque sorte le monde entier vers un Centre ? C’est ce qu’on appelle l’Amour ». « …l’Amour, unique force motrice qui soit dans l’Univers. » « … Chose curieuse à dire c’est au nom de ce même amour que le voleur vole et que le meurtrier tue. Dans ce cas l’esprit reste le même, la manifestation seule est différente. » Et le texte se terminait par : « L’Amour cette force de l’Univers sans laquelle l’Univers tomberait en pièces en un instant. » « Cet Amour est Dieu. »
Paul Chauchard : L'amorisation : un fait, un devoir
Dans le vivant, on peut parler d’un niveau biologique automatique et inconscient de l’amour de soi, cette force d’harmonisation et d’intégration qui pousse au maintien de la vie soit dans les régulations internes (sagesse du corps) soit dans les comportements instinctifs défensifs, un amour de soi qui est amour de l’espèce, se prolongeant dans les automatismes de la reproduction, l’amour au sens sexuel. Cet amour biologique est d’autant plus développé que l’être est plus complexement organisé, mais il se manifeste déjà chez les unicellulaires dont le comportement est un vrai psychisme inférieur. Viaud n’a-t-il pas montré que dans les tropismes, il y avait une part affective, la fuite devant le désagréable qu’il appelle du nom significatif de pathie ? Cet amour de soi inconscient se manifeste plus encore dans le développement où il s’agit de la construction et de la réalisation de soi.
Jean Chevalier : De Mahomet à l’âge des réformes
Ce n’est pas en restant au niveau des généralités faciles que Mircea Eliade se montre un incomparable défricheur de sens. Il examine les mythes, rites et croyances jusque dans leurs menus détails, ne négligeant aucun trait qui puisse solliciter l’intervention de l’herméneute, pour démasquer son rôle particulier dans un ensemble traditionnel. La somme d’érudition incorporée dans cette Histoire des Croyances et des Idées religieuses est vraiment prodigieuse! Ce qui est le plus étonnant, c’est la réussite qui, loin de ressembler seulement à une savante compilation, constitue une intelligente exploration des profondeurs, la projection d’un faisceau de lumière sur ce qu’on a justement appelé «la conscience des anciens et l’inconscient des modernes». Nous sommes loin d’un James George Fraser, avec ses hâtives et superficielles généralisations.
Ioan P. Couliano : Mircea Eliade et son œuvre - L'histoire vraie du mythe
La fonction du mythe, cette histoire que l’herméneutique rend vraie, est de créer un puissant obstacle entre l’homme et le rien, d’empêcher que celui-ci s’empare du monde humain. Le mythe, c’est l’humanité de l’homme, ce qui le tire du rien, ce qui l’oppose au néant. Sur le plan de l’herméneutique, le mystagogue se transforme en vrai magicien et pécheur des consciences à la dérive, qui risquent d’être englouties par le rien. Le mystagogue sauve.