W.A. Keers - Ce que nous sommes - entretien à paris en octobre 1984

C’est uniquement pour la personne qu’il y a progrès, pas pour votre vraie nature. La réalisation du Soi est immédiate, c’est l’axe. Si vous dites : « ah, ma maison est encore sale, je vais nettoyer le grenier » — tout en faisant le ménage vous serez naturellement maintenant, sans aucune progression. Donc pouvez-vous toujours faire votre toilette, vous modifier puisque vous êtes la deuxième Vénus de Botticelli et parvenir directement au septième ciel, mais ce que vous êtes, enregistrez bien ce mot : ce que vous « Êtes », vous ne pouvez pas l’atteindre puisque vous l’êtes ! Savez-vous qu’il existe un endroit, un drôle d’endroit — vous allez comprendre tout de suite — le seul lieu au monde d’où il soit impossible, par n’importe moyen de transport, d’aller à Paris ?… C’est la réponse ! Oui, la notion de progrès est contaminée par l’idée que le sentir et le penser pourraient comprendre quelque chose. Les pensées ne sont que des objets, comme les papillons, les chaises, comme l’Europe ; elles ne connaissent rien, elles sont connues. Vous êtes cette Connaissance dans laquelle paraissent les concepts et vous projetez celle-ci sur eux. Comment imaginer que ce soit la pensée qui sache quelque chose ? La pensée est objet, pas sujet !

Christine Hardy : La pensée en tant que système ouvert

Être en quête d’une approche biologique et systémique, c’est prendre conscience que le tissu vivant qu’est notre cerveau est de nature infiniment plus complexe que toutes les machines qui reproduisent au fil du temps notre compréhension parcellaire de ce qui nous entoure. C’est donc avant tout rendre compte des interrelations dynamiques et des échanges d’énergie entre les êtres. C’est aussi donner sa place à la capacité qu’a l’homme d’accroître son information et de devenir plus connaissant. C’est enfin reconnaître que le tout est plus que la somme des parties, ce qui permet d’intégrer les niveaux les plus subtils de la conscience, tels que la création et l’autodétermination, niveaux qui justement révèlent un « sens » à l’évolution, un « projet cosmique »…

Christine Hardy : A la recherche d'une définition énergétique et unitaire de la pensée

La pensée a été jusqu’à présent décrite dans la psychologie comme une fonction cérébrale ayant deux caractéristiques essentielles : tout d’abord elle est spécifiquement humaine, en ce sens que seul un cerveau humain peut montrer une activité mentale, et deuxièmement, elle est individuelle et autonome, c’est-à-dire qu’on la conçoit comme un système fermé. Les découvertes très sophistiquées en neurologie ne nous ont renseigné en rien sur la nature de la pensée, son fonctionnement essentiel et ses propriétés. Nous avons seulement découvert certaines chaînes de transmission d’une partie de l’information ; au niveau biologique : influx nerveux, code génétique, échanges biochimiques, et au niveau relationnel : langage, organes des sens.

Aimé Michel : L'illumination ou l'œil de l'esprit

Comment l’homme est-il devenu, au moins partiellement, maître de ses représentations, c’est ce que nous ignorons. Mais le préhistorien suit au fil du temps la naissance de cette maîtrise, qui fut longue. Ramasser une pierre qui traîne et la tailler, c’est faire aussi bien que le pic épeiche qui taille une pièce de bois pour y caler sa noix et l’attaquer avec son bec. Aller chercher au loin une certaine qualité de pierre pour en faire plusieurs outils qu’ensuite on portera sur soi, cela suppose la représentation libérée qui est le propre de l’homme. Avant d’aller chercher cette pierre, il a fallu imaginer une longue série d’actes sans en faire aucun.

D. Casterman : « La structure de l'illusion »

L’homme pense avec des mots qu’il associe à des images mentales et des états émotifs variables auxquels il identifie les événements pour se construire une représentation du monde et de lui-même; c’est ce que j’appellerai « la pensée psychologique ». Il existe deux types de pensée : d’une part, ce que nous avons nommé les « pensées psychologiques » et, d’autre part, ce que nous appellerons les « pensées naturelles ».

R. Linssen : La perception globale immédiate

A chaque instant, des pensées se présentent dans le champ de notre esprit. Elles se présentent sous forme de mots, d’images. Très souvent, ces pensées n’ont pas été choisies de propos délibéré pour répondre adéquatement aux circonstances. Ce sont les pensées que S. Freud et St. Zweig appelaient les pensées « intruses ». En bref, elles sont là. Elles sont là comme autant d’échos constants, automatiques, rapides du passé dont l’ombre portée masque la clarté du Présent

Robert Linssen : L'équilibre pensée-sentiment et la mutation

Comment déconditionner l’esprit ? C’est en cela que réside partiellement ce que Krishnamurti appelle une « impossible question » par le fait que la pensée qui tente d’opérer ce déconditionnement n’est elle-même dans son état actuel de fonctionnement que conditionnement et facteur de conditionnement. L’attention devrait s’appliquer à l’étude de la nature de la pensée elle-même.

Robert Linssen : Le rôle de la pensée selon Krishnamurti

En un mot, il est indispensable que nous sachions POURQUOI nous pensons, COMMENT nous pensons et CE que nous pensons. Car dans la mesure où nous n’avons pas saisi clairement les processus qui commandent à nos pensées, nos émotions et nos actes, nous sommes irresponsables. La connaissance de nous-mêmes, à laquelle nous invite Krishnamurti, n’a d’autre but que de nous faire accéder à cette pleine responsabilité.

Krishnamurti : Créativité et Science

Les êtres humains, depuis les derniers cinq mille ans ou plus, se sont tués les uns et les autres au nom de Dieu, au nom de la paix, au nom de leur propre contrée tribale particulière. Maintenant dans la présente civilisation, nous sommes assemblés ici où nous produisons ces armes énormes et destructrices comme un résultat de la science qui est connaissance. Ainsi, quelle place a la connaissance, la science dans la création? La création a été l’un des problèmes les plus complexes. Diverses religions disent que Dieu est la source de la création mais chaque contrée tribale a son expression particulière et ses propres dieux tribaux qui sont nommés « nationalisme ». Tout ceci a été le résultat de la pensée et la pensée peut-elle jamais être créative dans le sens le plus profond?

David Bohm : Ma rencontre avec Krishnamurti

L’œuvre de Krishnamurti est empreinte de ce que l’on peut appeler l’essence d’une approche scientifique des problèmes, sous sa forme la plus haute et la plus pure. Ainsi, il part d’un fait, ce fait concernant la nature du processus pensée. Ce fait est établi par une très grande attention sous-entendant l’observation soigneuse du processus de la conscience. En ceci, on apprend constamment et de cela vient la connaissance de la nature générale du processus de la pensée. Cette connaissance est ensuite mise à l’épreuve. D’abord on voit si elle est cohérente, rationnelle. Puis on voit si elle mène à l’ordre et à la cohérence, et ce qui en découle dans la vie est considéré comme un tout.