A. De Zeeuw : Spiritualité de la matière

C’est donc au contraire l’existence de la matière qui est douteuse et sa nature incertaine, parce que nous n’arrivons à la supposer d’abord, à la définir ensuite, que par l’intermédiaire de données sensibles, interprétées elles-mêmes par la raison, c’est-à-dire que nous ne l’imaginons qu’indirectement en fonction de l’esprit, et par l’hypothèse. La pensée a conscience d’elle-même; la matière, sa définition, sont des conceptions de la pensée.

Maurice Gazan : Les résultantes psychologiques du fonctionnement nerveux

L’Univers entier est la réponse de nos organes sensoriels et de nos techniques, à une réalité extérieure qui nous est inconnue et que nous ne connaîtrons probablement jamais. Les ondes électromagnétiques, qui expriment un coucher de soleil au physicien, ne sont pas plus objectives que les brillantes couleurs perçues par le peintre. Les sentiments esthétiques engendrés par ces couleurs et la mesure des ondes qui les composent, sont deux aspects de nous-mêmes ; dans la première position nous sommes caractérisés par un état émotif, dont toute intellectualité est absente; dans la seconde, par un état intellectuel, dont toute émotivité est exclue. Il intervient dans ces deux aspects non seulement les relations entre nous et les phénomènes, mais aussi les rapports des phénomènes entre eux. L’ensemble de nos réactions intérieures envers ces phénomènes ou conditions extérieures s’établit et est possible seulement par la haute différenciation de notre système nerveux. Il semble bien que le système nerveux est le système organique et fonctionnel le plus important de l’homme, on serait tenté de dire qu’il est « l’homme lui-même ».

Aimé Michel : Zut au zizi ou la sexualité dépassée

La sexualité animale (qui fut celle de l’ancêtre de l’homme) est bien différente de la nôtre. L’homme, a-t-on dit, est le seul animal capable de boire sans soif et de faire l’amour hors de saison. Presque toutes les calamités dont il souffre viennent de là. Et c’est là l’objection que soulève la théorie des deux cerveaux de Mac Lean et de Koestler. Les tragédies archétypiques de notre espèce, telles, par exemple, qu’on les trouve dans Racine, ne doivent rien à notre cerveau reptilien. Le cerveau reptilien d’Hermione, d’Oreste, de Pyrrhus et d’Andromaque se soucie peu du problème insoluble des amours triangulaires. Il ne se soucie que du soulagement de la glande, auquel tous ces héros malheureux atteindraient sur-le-champ, s’ils avaient la sagesse du reptile. Quant au cerveau supérieur voué aux opérations intellectuelles, en quoi le soulagement de la glande devrait-il l’intéresser ?

Thérèse Brosse : Roger Godel et la science de l'essentiel

Magnifiquement et continûment inspirée par Socrate, cette carrière médicale qui force l’admiration et le respect, fut à cet égard un véritable « accomplissement » : Le sage affirme en effet que la vie professionnelle, remplie avec amour, facilite l’acheminement vers la « vérité » ; elle devient la voie de la « connaissance », mais d’une connaissance qui transcende les acquisitions de l’intellect, une connaissance qui existe potentiellement en tout homme et dont l’influence du maître stimule l’éveil chez le disciple. Elle n’est rien de moins que la « connaissance de soi », la cinglante injonction de l’oracle de Delphes.

Paul Chauchard : Du cerveau à la neuropédagogie

Je suis en désaccord avec Descartes qui disait : « Je pense donc je suis », aussi
avec Sartre qui a écrit dans Les mots que, depuis son enfance, il avait horreur de la nature
et qu’il s’enfermait dans une bibliothèque pour lire, penser et écrire. Pour la
neuropédagogie : Je sens donc je suis, j’agis donc je suis, j’imagine donc je suis, je désire
donc je suis ; et le « je » qui apparaît dans ces phrases implique le contrôle cérébral de
tout cela. Et, en vérité, contrôle cérébral signifie volonté. Mais on n’ose plus parler de
« volonté », car nous avons changé la volonté en « volontarisme » qui est une sorte de
force spirituelle pour mater la chair. Comme la volonté est donc une fonction cérébrale, il
s’agit de faire le calme en soi.

Rémy Chauvin : Roger Godel et la biologie

Mais subsiste la grande, l’éternelle question : qu’est-ce que la vie ? Godel me paraît ici tout à fait proche de Teilhard de Chardin en insistant comme il le fait sur l’importance de la conscience. Puisque d’habiles exorcismes nous permettent maintenant d’employer ce mot sans blasphémer contre la science, nous irons plus loin encore. Nous nous demanderons s’il ne s’agit pas d’un phénomène fondamental, et si la vie n’a pas deux aspects aussi importants l’un que l’autre.

Aimé Michel : La prophétie fossile, méditation

Ce fait, appelé « évolution », peut être exprimé ainsi : tous les êtres vivants sont apparus suivant un ordre, celui de la complexité croissante. Ou encore : à mesure que la terre a vieilli, des êtres de plus en plus complexes sont apparus à sa surface. Il existe des « théories de l’évolution » : lamarckisme, darwinisme, néo-darwinisme. Ce sont des théories. Elles essaient d’expliquer l’évolution. Mais l’évolution elle-même n’est pas une théorie. C’est l’ordre dans lequel on découvre les fossiles quand on creuse le sol. Aucune théorie nouvelle, aucune découverte ne peut rien changer à cet ordre-là, qui est celui dans lequel sont empilés les uns sur les autres les fossiles que vous trouveriez en creusant sous le fauteuil où vous lisez ces lignes.

swami Hridayananda Sarasvati (mataji) : Les différents aspects de l'être humain 1

En effet, lorsqu’il y a désir, le mental est très agité et lorsque le désir est réalisé, le mental devient très calme et, dans ce calme du mental on devient — du moins dans une certaine mesure — conscient de cet autre état de conscience qui est au-delà du mental et c’est cela qui en fait vous donne le bonheur. Si bien que le bonheur provient de vous-même, c’est la cessation des oscillations mentales et c’est le fait que l’on entrevoit la Conscience Absolue qui est la cause du bonheur, et non pas le fait que vous ayez obtenu ce que vous désiriez. Il est nécessaire pour chacun de prendre conscience de ce niveau de Conscience Ultime, et cela ne peut pas être réalisé immédiatement, tout de suite, car ce n’est pas si simple. Parce que cette source de bonheur, cette source intérieure de bonheur, est recouverte par un certain nombre d’enveloppes ou de gaines, des gaines de consciences. Nous sommes faits de trois corps : le corps physique, le corps subtil ou astral et le corps causal. Et ce que vous recherchez est au-delà de cela.

A. David-Neel : Coup d'œil sur les écoles philosophiques tibétaines de la "Transmission orale" dites des "Doctrines secrètes"

Le salut bouddhique est hautement intellectuel. Il consiste à voir ce qui est au lieu de contempler des fantasmagories que nous construisons nous-mêmes. Lorsqu’ils préconisent la culture de la perspicacité, de la vue intense, les Docteurs des doctrines traditionnelles de la transmission orale sont donc en parfait accord avec la doctrine fondamentale du Bouddhisme. Les Maîtres des Écoles de la Tradition orale insistent sur le caractère instantané et essentiellement transitoire de tous les phénomènes. Ils enseignent aussi que les corps qui nous apparaissent comme étant solides sont, en réalité, composés de particules en mouvement. L’apparence de solidité et de durée est due à la rapidité prodigieuse avec laquelle les particules se meuvent.

René Fouéré : Krishnamurti, L'homme et sa pensée

En dépit de tous ses efforts vers une condition immuable, l’individu s’interroge avec angoisse. Cette chose immortelle qu’il désire, est-ce sa conscience banale ? Hélas ! Si fortement qu’il la veuille corseter, elle n’est que fluctuations. De plus le sommeil, la syncope lui imposent des éclipses évidentes. Il va chercher quelque chose d’invariable au-delà de ces mouvements incessants et de ces interruptions. Alors il imagine — ou plutôt on imagine pour lui — un noyau permanent et abstrait, une âme substantielle, dont la conscience vulgaire est l’expression intermittente. Et, avec l’âme, voici Dieu et ses interprètes infaillibles, les crédos et l’exploitation religieuse; tout cela est entretenu par la soif de l’immortalité individuelle. Voici la foi et la haine du doute, du doute qui crée le sentiment que le moi est un assemblage mal fait, incohérent et précaire. L’individu mécanisé s’endort dans son rêve de survie statique et de permanence…