Carlo Suarès : Qu'est-ce que c'est que l'humain ?

Voilà pourquoi nous devons chercher à com­prendre ce qu’est l’humain, et ce que sont ces individus dont toutes les manifestations sont si intimement liées à ce nœud psychologique qu’est le moi. Notre étude assume donc un double aspect : l’homme en tant qu’organisme physiologique, et l’homme en tant qu’entité psychique. Ces deux aspects nous feront comprendre en quoi consiste ce que communément on appelle la nature humaine. Ils nous montreront que cette nature est essentiellement changeante, et qu’elle doit l’être. Ils nous feront enfin comprendre qu’à certaines étapes de son évolution, la nature humaine procède par « bonds », comme tout ce qui, dans la nature, subit des modifications brusques, à la suite de poussées intérieures. Enfin, ils nous expliqueront pourquoi nous sommes parvenus à un moment historique où une telle rupture se produit : en quoi consiste cette rupture; et comment nous devons nous adapter, afin de nous soumettre à cette nouvelle exigence de la dialectique universelle.

Carlo Suarès : Le «quelque chose» et les objets

Tout le drame humain réside dans la lutte des hommes contre leur propre essence, lorsqu’en tant qu’expressions de la vie, ils ne savent pas s’adapter à la vie. Cette lutte est la souffrance. La souffrance est le contraire de l’état naturel, car l’homme n’est pas comme un objet manufacturé qui ne peut se modifier lui-même, mais il possède en lui le moyen de s’adapter toujours à son essence, c’est-à-dire au sens positif de la vie. Ce moyen, il l’a grâce à un instrument, la conscience. La conscience, développée à son maximum, est l’instrument même au moyen duquel la vie se modifie elle-même, dans la race humaine. L’homme com­plètement conscient se modifie sans cesse, car au lieu de s’identifier à un objet — son entité — il s’identifie à la raison d’être de cet objet — la vie. Si à un moment donné il doit choisir entre la vie et lui (entre le poussin et la coquille) il optera pour la vie, sans qu’il lui en coûte, mais bien au contraire, parce qu’il y trouvera sa suprême joie. Son centre se déplacera et ira même jusqu’à voler en éclats. Cette identification constante avec la vie ne comporte pas, et ne peut pas comporter de souffrance. Un Dieu qui souffre n’est qu’un pauvre être inconscient, qui n’a pas su s’identifier à la vie. C’est un tel Dieu inca­pable, qu’adorent les Chrétiens…

André Niel : Message krishnamurtien et doctrine marxiste

Vous parlez de la « complexité de la vie », et des contingences où elle s’exprime. Mais cette complexité n’est justement qu’apparente. La vie des individus est d’une effarante simplicité, car elle se réduit pour chacun à n’être qu’un rouage dans l’immense superstructure de la contradiction de l’homme par l’homme. Chacun de nous ne pense et ne vit encore — tout à fait primitivement — que par contradiction à ceci ou à cela, à ceux-ci ou à ceux-là : on est contre la religion ou contre l’athéisme, contre la bourgeoisie ou contre le prolétariat, etc… La tendance est universelle et sans doute spontanée. C’est pourquoi il est si difficile d’y échapper ! Et pourtant, là serait notre seule chance de salut.

André Niel : Esquisse pour une biologie de la révolution

Si l’homme veut donc conserver quelques chances d’accéder à un état biologiquement viable, garantissant peut-être par là à son espèce une destinée sans limites, il devra permettre à la vie d’accomplir en lui une dernière révolution, sociale par excellence, puisqu’elle aboutirait à la constitution d’une société universelle définitivement unifiée. Une telle révolution devrait résulter, logiquement, de la pure et simple substitution, par l’individu, du PRINCIPE D’UNITE DE L’HOMME au principe moral de division…

Hazrat Inayat : Le développement de la personnalité

L’individualité est une chose, la personnalité en est une autre. Une âme nait comme individu, mais sans personnalité, la personnalité est construite après la naissance. Ce que l’âme apporte, ce sont ses mains, ses jambes, son visage, mais non sa personnalité qui se fait ici sur terre. Très souvent les gens ont pris le chemin ascétique et s’en sont allés où ils pouvaient rester éloignés du monde. Parce qu’ils ne se souciaient pas de leur personnalité, de leur moi, ils se tinrent l’écart de la masse. De cette façon on est libre d’être comme on veut être ; si l’on veut ressembler à un arbre, une plante, ou un roc, on le peut. Cependant quand on en vient à la personnalité, c’est chose différente.

Jean Klein : Une attention ouverte

Remarquez ce geste automatique qui vous conduit à vous éloigner de vous-même. Sans pensée, sans représentation, vous êtes dans votre gloire. Libérez-vous à tout prix de ces coutumes néfastes instaurées par la société, vous agirez d’une façon positive pour la collectivité qui commence par vous-même ; mais voyez-le sur le vif, non en tant qu’idée, conviction, croyance et constatez que nous sommes toujours conditionnés par un centre, le moi.

Rupert Sheldrake : Champs biologiques et résonance morphique

Plus forte encore que l’idée de l’évolution des lois est l’idée selon laquelle les lois de la nature évoluent un peu à la façon des habitudes ou des coutumes, car cela présuppose une sorte de mémoire. Il n’est pas nécessaire de voir dans cette mémoire un phénomène conscient (nos propres habitudes ne sont pas toujours conscientes). De même que la mémoire de l’univers est elle aussi une mémoire qui n’est pas forcément consciente. Ce qui se produit aujourd’hui dépend de ce qui s’est produit par le passé et du nombre de fois où ces choses se sont produites.

le Dr Thérèse Brosse : La conscience, apanage de la totalité des règnes de la nature

Nous avons dans ces réalisations un voile qui se soulève, non seulement pour l’exploration des innombrables manifestations de la Conscience Universelle, l’homme y compris, mais aussi l’apparition et la promesse d’une espèce nouvelle « l’homme après l’homme », qui doit être aussi différent de nous que nous le sommes actuellement du singe. La matière vit, la matière agit avec intelligence, son pouvoir est immense, sa conscience exprime le Divin, lorsqu’elle n’est pas asservie aux impositions restrictives d’un ego humain.

Pierre D'Angkor : Brève esquisse cosmogonique

Pour la vision des Sages, l’Être c’est le Tout existant, visible et invisible, à la fois un et multiple. L’Unité transcendante de l’Être — ce que nous nommons l’Absolu — se manifeste comme dualité opposée de forces constructives dont le brassage forme l’Univers. La relation entre ces deux pôles opposés est la Vie, la Conscience. Tout univers naît et meurt, commence et finit. Leur succession, régie par la loi universelle de Cause à effet, est éternelle. Chez tous les peuples de l’antiquité — Égypte, Inde, Grèce — le symbole de cette totalité fut le serpent enroulé qui se mord la queue. L’orbe du serpent est le symbole de l’éternité, la tête et la queue du serpent qui se rejoignent figurent au contraire le temps de chaque Univers successif, son commencement et sa fin…