Aimé Michel : Le sein ou l'œuf

Depuis trente-cinq ans nous avons entrepris d’extérioriser toutes les fonctions encombrantes de la pensée : la logique, le calcul et la mémoire. Nous sommes en train de rejeter dans le monde extérieur cette toison cérébrale qui nous assura la domination du monde, mais qui, le monde dominé, ne nous sert plus qu’à dissimuler à notre regard intérieur l’essence de notre être, qui est esprit.

Yves Christen : La sociobiologie peut nous aider à nous mieux comprendre ?

Qui dit sociobiologie dit mélange de biologie et de sociologie. Une vieille préoccupation si l’on songe que le glissement de l’une à l’autre était déjà contenu en germe dans la classification des sciences d’Auguste Comte et qu’il se trouve au centre des préoccupations d’une multitude de philosophes et de chercheurs. De Marx à Darwin , en passant par Kropotkine et Lorenz, on n’en finirait pas de citer tous les penseurs qui se sont interrogés sur les rapports entre la biologie et les sciences humaines. Les uns pour détacher l’homme du règne de la nature, les autres pour l’y insérer…

Jean-E. Charon : L'Esprit est dans la matière

Quand nous regardons à l’œuvre chaque cellule de notre corps, nous ne pouvons pas nous empêcher d’être émerveillé devant le savoir qui est déployé, pour construire notamment notre corps depuis les deux cellules initiales du moment de la fécondation, jusqu’à l’être achevé, avec tous ses organes et ses potentialités. Ne doit-on pas dire que c’est encore là l’Esprit qui opère, puisque les actions au niveau cellulaire font apparaître un savoir que physiciens et biologistes, avec tout leur « esprit », seraient encore bien loin d’être capables de reproduire ?

le docteur Guy van Renynghe : L’énergie humaine

Dans la vision cosmique de Teilhard, l’Univers est issu d’une seule et même énergie psychique. Il distinguait l’énergie tangentielle ou l’aspect matériel des choses et l’énergie radiale ou force psychique qui induit la construction d’éléments plus complexes. De l’ambivalence de l’énergie première, il résulte que toute matière porte une part de psychisme ou de conscience, tout en admettant des degrés différents dans le monde inanimé et vivant. Teilhard poursuit en écrivant que matière et conscience évoluent suivant la loi de complexité-conscience. La qualité de conscience augmente avec la complexité du cerveau qui chez l’homo sapiens permet la pensée réfléchie.

Rémy Chauvin : L'Homme et le Cosmos dans une genèse commune

Il y a actuellement deux possibilités dans la manière de considérer l’homme et le cosmos. Elles sont à peu près équivalentes. « La première est de considérer l’extrême petitesse de l’homme sur le plan de la mesure et il est certain que l’homme en face d’une galaxie n’est pas très gros… Mais il est gros par rapport à l’atome… en sorte que l’on a pu dire que l’homme constitue un moyen terme entre le plus petit et le plus grand. » Dans ces conditions, certains esprits peuvent être tentés de croire que la vie humaine est bien puérile et bien passagère et « qu’un beau jour, avec l’égalisation de l’entropie, elle disparaîtra définitivement et que tout sera comme si l’homme n’avait jamais existé ». On peut avec autant de droit concevoir, comme le faisait le Père Teilhard, qu’il n’y a pas deux infinis seulement, mais un troisième, celui de l’infiniment complexe l’Homme. « L’Homme dont le cerveau mystérieux a en quelque sorte créé le cosmos en le mesurant, en l’organisant, en le rendant conscient. »

André Ligneul : L’idée d'évolution et la philosophie

La réflexion philosophique, à propos de l’idée d’évolution peut se faire à plusieurs niveaux. Elle peut être d’ordre « épistémologique ». L’idée est alors considérée comme « hypothèse » et la question est alors : « Que valent les preuves expérimentales fournies à l’appui de sa validité ? » On peut aussi la prendre comme « théorie » et la question devient « Quelle est sa valeur heuristique ? est-elle facteur de découverte ? Fait-elle mieux comprendre les faits découverts ? » Car une « théorie » peut faire comprendre plus en profondeur un ensemble de faits et de lois…

George Magloire : L'unité de la vie

Le dynamisme qui soulève la matière est l’Amour. L’univers dès lors n’est pas une énormité angoissante. Il n’est pas absurde. Il est une montée vers l’esprit, une Noogenèse, une histoire qui possède un sens et nous dirons avec le chrétien Pierre Teilhard de Chardin, une histoire qui possède un visage et un cœur.

André Monestier : Teilhard et Aurobindo

Toute la philosophie d’Aurobindo repose sur le principe de l’Évolution telle que la conçoit Teilhard, c’est-à-dire œuvre de Dieu, marche de l’Univers en genèse vers un but : Dieu. Sri Aurobindo décrit « un Être transcendant, indéfinissable, hors du temps et de l’Espace, qui seul rend le Temps, l’Espace et l’Univers possibles ».

Paul Chauchard : L'amorisation : un fait, un devoir

Dans le vivant, on peut parler d’un niveau biologique automatique et inconscient de l’amour de soi, cette force d’harmonisation et d’intégration qui pousse au maintien de la vie soit dans les régulations internes (sagesse du corps) soit dans les comportements instinctifs défensifs, un amour de soi qui est amour de l’espèce, se prolongeant dans les automatismes de la reproduction, l’amour au sens sexuel. Cet amour biologique est d’autant plus développé que l’être est plus complexement organisé, mais il se manifeste déjà chez les unicellulaires dont le comportement est un vrai psychisme inférieur. Viaud n’a-t-il pas montré que dans les tropismes, il y avait une part affective, la fuite devant le désagréable qu’il appelle du nom significatif de pathie ? Cet amour de soi inconscient se manifeste plus encore dans le développement où il s’agit de la construction et de la réalisation de soi.

Maurice Lambilliotte : L'Homme en mutation - Évolution et Mutation

La mutation autour et au delà du mental que nous entrevoyons ici, ne s’inscrit donc pas nécessairement dans le sens d’un appauvrissement de l’homme, ni dans celui d’une ablation de ses facultés, mais bien dans celui d’une libération à l’égard de la tyrannie de nos constructions mentales et de leur prétention à une connaissance ou à une situation de nous qui leur est interdite, en raison même de leur processus de dualisation. Libération, intérieure cela va sans dire à l’égard aussi de notions comme celles d’espace et de temps, qui ne sont non plus que de simples projections mentales au départ d’une connaissance sensorielle, sans autre valeur que celle d’un reflet, d’une équation mouvante avec un immédiat, effacé presque aussitôt qu’apparu.