Pierre D'Angkor : Itinéraire 6: Noms et symboles divins

Quoiqu’il en soit, au niveau spirituel ou nous nous tenons, il semble que le Divin représente un ordre de réalité dont l’accession, ou la simple approche même, demeure encore fort ardue pour notre esprit comme pour notre cœur. Principe, Essence ou Souverain Bien, quel que soit le nom que l’on imagine, la plupart des esprits religieux eux-mêmes n’ont de la Divinité, nous l’avons vu, que la notion la plus vague, loin d’en avoir la moindre perception réelle. Il semble d’ailleurs que l’immense majorité des croyants, aujourd’hui comme hier, éprouve encore le besoin d’adorer un Dieu personnel, un Etre suprême, et que pour aimer Dieu, ils doivent aimer un Dieu, et non une formule abstraite comme le Souverain Bien ou la Suprême Réalité.

Georges Saltem : Origène est-il au ciel? un teilhardien du IIIe siècle

L’histoire du monde telle que la présente Origène, note Etienne Gilson, « offre pour nous cet intérêt de représenter assez exactement la version chrétienne d’une vue de l’univers dont la version païenne peut se lire dans les Ennéades de Plotin ». Là se trouve l’explication de son éclat comme de ses obscurcissements : Origène est l’une des sources les plus profondes de la théologie chrétienne, mais ses contacts avec un certain platonisme le feront vilipender souvent par ceux-là mêmes qui l’utiliseront ; son influence sera immense mais parfois souterraine et, aujourd’hui encore, nombre d’idées qui lui sont attribuées sont l’objet de discussions entre les érudits.

Rémy Chauvin : Cher Louis Pauwels sur le christianisme je ne suis pas d'accord avec vous

Je conteste absolument et complètement que l’Eglise ait détruit l’Empire romain, bien qu’elle y ait sûrement contribué. Ecoutez, ami Pauwels, vous avez lu Celse et c’est très bien, mais lisez les « Vies des Douze Césars » de Suétone, et dites-moi franchement si une telle pourriture avait la moindre chance de durer longtemps. Rome était morte dès le début de l’Empire en réalité, et les Romains ne l’ignoraient même pas. Ils savaient bien que les vertus romaines étaient passées et cherchaient désespérément à les faire revivre. L’Empire est mort pour des raisons diverses, les Romains n’ayant jamais été vraiment capables d’administrer une telle étendue (et c’était sans doute impossible du point de vue technique). Leur administration se réduisait souvent au pillage impitoyable d’une province après l’autre.

Louis Pauwels : Comment devient-on ce que l'on est ?

Et pourtant, voyez-vous, il y a, à la base de la mentalité chrétienne, quelque chose qui m’est étranger. Radicalement étranger. Comment vous dire ? Je ne sens pas mes racines dans les origines du christianisme. Le fond culturel du christianisme n’est pas le mien. En réalité, je n’ai jamais cessé de m’y trouver sourdement opposé. Je ne m’en rendais pas compte. Mais dans mes idées, mes sentiments, mes intuitions et jusque dans mes manières d’être, c’était une résistance informulée qui se manifestait. L’évidence a fini par m’apparaître sur le tard. Tu n’es pas chrétien, voilà toute ton histoire. Oui, c’est ce que je me dis maintenant. Comment en suis-je venu à comprendre cela ? Et à comprendre qu’à travers moi, c’était l’essentiel du conflit du monde actuel qui se jouait, comme il s’est joué dans l’Occident antique, voici dix-huit siècles ?

André Ligneul : Approche de l'Absolu

Il y a danger permanent de rétrécir l’absolu aux dimensions de notre petitesse. Nous ne rencontrons alors que des absolus destructeurs. Et la multiplicité de ces pseudo-absolus humains les fait se dévorer mutuellement. L’Histoire nous apprend à redouter ceux qui parlent au nom d’un absolu. C’est au nom de ces idoles que s’accomplissent les pires répressions, politiques ou religieuses. Le propre de la « passion » est de porter à l’absolu ce qui n’est qu’objet partiel et relatif. Le passionné est aveuglé par ce vers quoi sa passion le porte. Il se détruit à la poursuite de ces faux absolus, de ces « idoles ». Une idole apparaît quand l’élan vers l’absolu s’arrête en chemin, l’ombre est prise pour la lumière. Le passionné se fabrique un « veau d’or » et perd de vue le sommet du Sinaï.

Pierre D’angkor : La destinée spirituelle de l'homme selon la sagesse antique

Notre moi physique disparaît avec notre corps : quant à notre moi mental, il n’est qu’un complexe d’énergies qui s’éteint à l’expiration de ces périodes « post mortem » que les religions ont nommées le ciel et l’enfer, périodes subjectives durant lesquelles s’épuisent graduellement les énergies psychiques qui étaient constitutives de ce moi. Mais de même que les êtres vivants laissent derrière eux des germes qui se développent ultérieurement en de nouveaux êtres, semblables à eux-mêmes, de même notre moi psychique laisse derrière lui des germes vivants, des germes psychiques.

Jean Biès : A propos du cinquième évangile entretien avec Émile Gillabert

L’incompréhension ne pouvait être que totale : un dialogue de sourds, avec des disciples infantiles, interprétant les paraboles dans un sens quantitatif et historique, et fermés à toute notion d’intériorité et d’éternité. L’aventure du Royaume est intérieure et individuelle ; elle a été comprise comme extérieure et collective. L’éveil de la conscience a été confondu avec la « résurrection des morts ». Manger le pain de la Parole, s’abreuver à la coupe de l’Enseignement est devenu la Cène (alors que Jean lui-même n’identifie nullement la chair et le sang du Fils de l’Homme au corps et au sang d’une victime offerte en sacrifice : le rachat par le sang est une idée de Paul…). L’épreuve salvatrice de celui qui se prend en main a dégénéré en salut par la Croix de celui qui se fait prendre en charge. Le dévoilement de l’Esprit, lorsque cesse notre cécité, a été pris pour l’apparition de Jésus post mortem. Le retour à l’Un, à l’Etre intemporel, la fin de tout dualisme sont devenus la « fin des temps »…

A. - M. Cocagnac : L'église et les mystères perdus

L’homme connaît, au cours de sa vie, plusieurs âges critiques. « Critique » signifie ici « qui contraint à choisir ». L’adolescent, l’adulte, l’homme sur son déclin se trouvent acculés à de telles déterminations. Cette « critique » alors semble dure, elle suppose des éliminations douloureuses. Elle doit écarter le relatif pour découvrir l’essentiel. L’enfant abandonne un certain droit au jeu, l’homme mûr quelques illusions du pouvoir et le vieillard l’espoir d’être temporellement immortel. L’Eglise connaît aujourd’hui un âge critique : c’est la preuve de sa vie. Si le terme d’autocritique n’était pas, parfois, si malsonnant, il faudrait l’appliquer à l’urgent discernement qui s’impose maintenant à sa conscience.

La notion de culpabilité dans la morale indienne Par le Swâmi Siddheswarananda de l'ordre de Ramakrishna

Le sentiment de culpabilité, c’est le sens de cette aventure qui se joue avec nous, que nous le voulions ou non, c’est pour nous le sentiment de l’histoire, la mémoire de ce que nous avons fait à des époques révolues qui vient se croiser en nous avec l’éveil de l’ordre moral. Toute participation à la collectivité, consciente ou non, doit donc nécessairement faire peser sur ses membres un sentiment de culpabilité. Telle est, la destinée humaine que l’homme ne peut aspirer se délivrer seul.

Comment vivent les trappistes (1977): propos de Luc Bérimont

Nous sommes obligés d’être négatifs les uns par rapport aux autres pour nous défendre. Nous sommes obligés de nous blinder. D’ailleurs c’est l’image même de notre société avec toutes ses machines ; nous sommes enfermés dans nos carapaces, comme des langoustes, mais qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ? Peut-être une immense faiblesse, un immense laisser-aller par rapport à l’essentiel. Il me semble que dans ce monde du non, une « centrale du oui » est plus qu’indispensable. Et comme je crois que les ondes cérébrales doivent agir sur l’univers, je crois que c’est là l’utilité des moines.